Jamiroquai « Automaton » @@@@½
Sagittarius Laisser un commentaireÇa fait un bail, qu’on attendait un album de Jamiroquai, depuis 2010 quand est sorti Rock Dust Light Star. Mais un puta*n d’album de Jamiroquai, ça fait un sacré bail, depuis A Funk Odyssey, c’était en 2001. Depuis les ventes ont décliné, en corrélation avec l’intérêt du public pour ce groupe adulé mais qui peinait à se renouveler. Revenir à l’essence devenait urgent, mais ils ont pris leur temps pour Automaton qui -hourra!- remplit le contrat avec les honneurs. Revue d’un retour en grâce de Jay Kay et son groupe par le grand fan que je suis.
Contact rétabli avec la lune
En regardant en arrière, je pense sérieusement que je n’ai pas tant aimé Rock Dust Light Star autant que je l’aurai voulu. C’était comme essayer de se convaincre que Star Wars VII était un très bon film alors qu’on n’était pas si convaincu. Dynamite passait encore, avec son côté rétro et un peu rock qui permettait aux Jamiroquai de mettre le pied dans de nouveaux espaces, bien que leur dimension funk se soit altérée. Mais pour Rock Dust Light Star, je craignais que mon état psychique dans le négatif qui m’a mis le moral sous le niveau de la mer à la période de sa sortie biaisait mon ressenti. En le réécoutant des années après, mes impressions initiales se sont confirmées: les éléments rock-live trop prononcés additionnés d’une mélancolie ambiante ont fait que j’ai retiré le CD de ma discographie. Je garde tout de même un excellent souvenir de « Fast Persuader » cela dit, parce que c’était le seul à titre à mes oreilles qui correspondait à la conception que j’avais de leur musique. Je me rappelle que les critiques disaient à l’époque que Rock Dust Light Star était un retour aux sources, sans doute que cela aussi avait faussé mon jugement, d’autant que j’entendais par « retour aux sources » un « retour à l’acid-jazz ».
Le premier contact avec Automaton fut naturellement avec le premier single du même nom, et cette photo de Jay Kay avec son nouveau couvre-chef futuriste et luminescent (dont j’ai découvert grâce au clip que celui-ci s’ouvrait et se fermait électroniquement, ce qui a fait son effet tellement c’est génial). Les premières secondes, la mélodie électro rappelait fortement celle de « la B.O. de Tron Legacy » des Daft Punk. Et alors que le morceau se mettait en route avec des effets très lo-fi et autres sonorités robotiques, mon corps frémissait d’excitation. C’est bien du Jamiroquai, dans un mode électro-funk rétro-futuriste très exaltant, certes avec un refrain pop mais un petit rap qui donne envie de danser du pop-lock. Sympa le clin d’oeil aux hip-hopeurs! Enterré le « White Knuckle Ride« . Le second single « Cloud 9« , plus disco dans l’âme et léger, confirmait que le souffle de fraîcheur n’était pas qu’une brise légère, mais une bouffée d’air pris en pleine face comme au volet d’un cabriolet sur une route ensoleillée.
Rouvrez les discothèques
Automaton est une renaissance pour Jamiroquai plus qu’un renouveau. Le groupe british revient de loin dans le temps et l’espace, il est revenu à l’essence de leur musique, au coeur de leur savoir-faire, et c’est faire du neuf avec de l’ancien en puisant dans la soul, la disco et la funk, surtout les deux derniers en ce qui concerne ce huitième album, mentholé avec cette ‘élec-rétro’ qui a fortement influencé les Daft (d’où la ressemblance sur « Automaton« ) avec ces claviers analogiques à profusion. L’équipe de musiciens est toutefois la même depuis douze et c’est une bonne chose qu’elle se soit enfin stabilisée. On retrouve le batteur et maître du tempo Derrick McKenzie à la batterie et Sola Akingbola aux percussions, plus de vingt ans de loyauté puisqu’ils sont tous deux fidèles au post depuis Return of the Space Cowboy. Ensuite Rob Harris à la guitare et qui répond présent depuis l’incroyable Funk Odyssey. Matt Johnson, co-auteur de ces douze nouvelles chansons, et qui a repris le flambeau de Toby Smith après la sortie de Funk Odyssey. Enfin, très important, Paul Turner, le troisième bassiste du groupe appelé en 2005 pour la conception de Dynamite, et qui confirme ici que Stuart Zender est un vieux (néanmoins excellent) souvenir.
Dès la première piste « Shake It On« , l’alchimie opère au max. Les notes d’électro tient en suspens, la batterie commande au corps de se préparer à bouger, arrive Jay Kay dans la lumière et puis le refrain, l’explosion, déferlante de riffs de guitares mortellement funky, de basses infectieuses, les envolées de violons… Une fièvre provoquée par un album promis pour être anachronique avec ses furieuses influences fin des 70s/début des 80s. L’échauffement est immédiat. Finalement, les sonorités nous sont très familières. Pas acid-jazz comme à leurs tout débuts mais diablement funk, virage stylistique qu’ils ont négocié en drift en Lamborghini Jota avec Travelling Without Moving qui a rendu les Jamiroquai mainstream. Evidemment, les thèmes de chansons sont sensiblement les mêmes que depuis le début des années 2000 : les relations avec le sexe opposé, excepté « Dr Buzz » qui parle de l’addiction à l’alcool et la drogue. Les messages engagés c’est loin derrière désormais. Les femmes sont devenues le centre gravitationnel de Jay Kay au point qu’il en a des automatismes pour l’écriture, comme des algorithmes pour générer ses textes inspirés sur le sujet de manière quasi automatique. Ce qui peut explique pourquoi pas le titre d’Automaton, outre le fait que sur la chanson qui porte ce titre Jay Kay accepte d’être entré le monde d’insanités virtuelles qu’il décrivait 20 ans auparavant. Sa façon de danser aussi justifie ce titre (faut voir quelle bête de scène il est encore). En parlant de danser, chaque chanson a ce potentiel de faire essuyer des milliers de semelles sur le dancefloor. Après « Shake It On« , « Automaton » et « Cloud 9« , pas le temps de reprendre son souffle avec « Superfresh » qui prolonge la folie disco à l’européenne, suivi de très près par « Hot Property« , autre parade nuptiale sous la boule à facettes.
« Something About You » joue sur un air plus fun tout en restant ce qu’il faut de vintage, tout en calmant le rythme, un peu comme « You Give Me Something« . La seconde partie de Automaton ressort mélodies synthétiques désuettes de « We Can Do It » puis sur le dernier titre « Carla« . Ça a son charme, ça peut paraître ringard, ça revient à la mode. Ce qui est certain, c’est que « Summer Girl » est absolument irrésistible, comme ce crush décrit à travers des lunettes de soleil dans ce morceau que l’été rend belle et laisse absolument rêveur. Si les vitamines D de cette chanson ne suffisent pas, prendrez une dose de « Vitamin« , uptempo vivifiant avec ces infrabasses qui rappellent celles de Synkronized. La longueur des morceaux (parce que comme vous le savez, plus c’est long plus c’est bon), on réalise à quel point cet opus est hyper travaillé au niveau des arrangements, avec des par endroits des saxophones, guitare rock… Le tout avec cette juste dose d’électro rétrofuturiste, sans faire un album totalement électro-funk, la dominante demeure principalement disco-funk comme vous avez pu le voir et l’entendre.
Petit bilan des spécificités relatives aux albums du groupe:
- morceau qui parle de la planète ou du chemin que prend l’humanité : check
- morceau un peu plus personnel : check
- morceau portant le nom d’une femme certainement charmante : check
- morceau instrumental : pas loin si on considère le peu de temps de parole de « Nights Out in the Jungle« ;
- morceau exotique : check (le même que cité précédemment)
Pour toutes ces raisons, Automaton est le vrai successeur de Synkronized et surtout Funk Odyssey. Peut-être que j’ai gonflé la note à cause d’un enthousiasme trop prononcé mais je me dis que si je kiffe autant cet album qui illuminera nos discothèques (les étagères comme les pistes), ce n’est pas par hasard. Je n’aurai jamais cru possible d’écouter en boucle un nouvel album de Jamiroquai en 2017. Ben si.