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L’impact chiffré du véhicule autonome sur la société

Publié le 14 avril 2017 par Pnordey @latelier

Moins de trajets en avion, moins d’accidents, une assurance plus chère… Quelles seront les conséquences du véhicule autonome sur notre mode de vie ? Deux chercheuses de l’Université d’Austin les ont mesuré et présenté à South by Southwest (SXSW).

Près d’un quart des miles parcourus aux États-Unis d’ici 2030, le seront probablement par des véhicules électriques autonomes opérant au sein de flottes partagées dans les villes, d’après une récente étude du BCG. L’arrivée de la voiture de demain se précise au fil des analyses des experts mais qu’en est-il de son impact sur la société ? Deux chercheuses de l’Université du Texas à Austin s’y sont intéressées et ont présenté des éléments de leurs conclusions au festival Interactive de South by Southwest (SXSW).

Kara Kockelman est l’une d’entre elle. La professeure et docteure en ingénierie du transport à l’Université du Texas à Austin, s’est attachée à mesurer les conséquences du véhicule du futur sur plusieurs champs. À commencer par la sécurité. Son raisonnement sur la question est partagé par la majorité et largement relayé. Sachant que l’erreur humaine est la cause de 90% des accidents aujourd’hui et que 40% des collisions fatales sont dûes à l’alcool, la drogue, la fatigue ou une distraction, remplacer le facteur humain reviendrait à améliorer drastiquement la sécurité routière. Et cela fait réaliser des économies au pays. Sa démonstration est la suivante. Elle chiffre le coût global des 6 millions d’accidents qui, aux États-Unis en 2014 ont causé la mort de 32 675 personnes, à plus 500 milliards de dollars.

En sauvant des vies, le véhicule autonome fera gagner du temps et de l’argent

Partant de cette hypothèse, Kara Kockelman calcule le nombre de vies sauvées en fonction de la part de véhicules autonomes en circulation et en déduit que si 10% des voitures n’avaient plus de conducteur, 1100 vies seraient sauvées, ce qui permettrait d’économiser au total 1390 dollars par automobile par an.

Et ces économies en entraînent d’autres. La diminution du nombre d’accident a un effet positif sur la circulation. « Les accidents sont responsables d’à peu près 25% de la congestion, du temps de retard que cela implique. Avec un peu de chance, grâce aux véhicules autonomes il y aura moins de ralentissements ponctuels dus à une collision », espère la professeure. Ce qui ferait gagner du temps, du carburant et au moins 1320 dollars par véhicule autonome par an, d’après ses calculs.

Kara Kockelman mesure les conséquences du véhicule autonome

Kara Kockelman présente ses conclusions au SXSW  

L’impact économique serait donc indéniable, selon la professeure. Cette dernière nuance cependant son propos. « Je ne crois pas que ces véhicules fluidifient la circulation, je crains même que cela ne complique un peu les choses », prédit-elle, évoquant des voitures conçues pour être particulièrement précautionneuses et donc fonctionner au ralenti, ce qui risque de créer des embouteillages. Au début en tout cas. « Il faudra forcer les constructeurs de véhicules autonomes à ne plus les programmer pour rouler si prudemment une fois qu’ils auront acquis l’expérience nécessaire, mais cela va prendre du temps. »

Les véhicules autonomes rouleront plus lentement pour des raisons de sécurité (pour minimiser l’impact d’éventuels accidents) mais également pour préserver le matériel. La voiture sans conducteur sera en effet plus coûteuse qu’un véhicule classique. C’est aussi la raison pour laquelle Kara Kockelman s’attend à ce que le prix de l’assurance augmente. Les nouveaux risques contre lesquels il faudra se prémunir en est une autre.

De plus grandes distances parcourues plus souvent et un stationnement optionnel ou facilité

La technologie a donc du bon : un trajet plus sûr, des bouchons moins récurrents in fine mais quid du parking, si chronophage aujourd’hui pour les conducteurs ? « On devrait autoriser les véhicules autonomes à se garer, je ne recommande pas que les villes qui connaissent une circulation dense acceptent que les voitures privées sans conducteur puissent rouler sans but, ce serait une erreur. » En revanche, la chercheuse milite pour que les flottes de véhicules partagés bénéficient de ce privilège et libèrent ainsi des places. Les véhicules sans conducteur pourront se garer dans des zones moins chères et plus éloignées à petit prix.

Car Kara Kockelman rejoint également les autres experts sur le fait que la voiture de demain sera partagée. Selon l’étude de cas présentée, chaque véhicule autonome partagé remplacera 8 à 13 automobiles de particuliers traditionnels. D’abord parce qu’en toute logique, les personnes dans le véhicule commun ne prennent pas leur voiture personnelle. Et c’est aussi lié au temps d’utilisation de la voiture : les véhicules autonomes seront en effet sur les routes 8 heures par jour en moyenne contre une heure en moyenne aujourd’hui pour les automobiles traditionnelles. Ce mode de transport est aussi une opportunité pour les personnes âgées, à mobilité réduite ou qui n’ont pas le permis de conduire, de se déplacer plus facilement. « Les enfants pourraient aussi être autorisés à embarquer seuls dans un véhicule autonome, cela va dépendre de leur âge », imagine la chercheuse.

Le passage aux véhicules électriques permettra de faire des économies de carburant mais implique quelques ajustement en matière d’urbanisme : où placer les bornes de recharge et combien en prévoir sont tout autant d’éléments à anticiper. Électrique ou pas, le véhicule autonome transformera en tout cas notre manière de voyager si l’on en croit la chercheuse.

"With #selfdrivingcars, people are going to travel more often and less by #plane" says Kara Kockelman @CTRUTAustin #transportation #sxsw pic.twitter.com/BHgdtB7V5T

— Atelier BNP Paribas (@atelier_us) March 12, 2017

D’après Kara Kockelman, nous ferons probablement des trajets plus longs en voiture qu’aujourd’hui et la part des voyageurs optant pour un trajet en avion va diminuer. « Les gens ne vont pas forcément traverser les États-Unis par la route, ils iront moins loin qu’en avion mais plus régulièrement. » Ce sera l’occasion de se reposer, de lire, de penser à l’avenir ou de vaquer à d’autres occupations... tout sauf conduire en somme. « J’ai testé le véhicule autonome, je dois dire que c’est plutôt ennuyant », confesse la chercheuse en souriant.

Cette dernière travaille sur le sujet depuis de longues années et a contribué à plusieurs rapports. Reste à savoir lesquels vont se vérifier et ce que la législation de chaque État autorisera. Une grande incertitude demeure sur ce plan bien que plusieurs États prennent les devants.

Où en sont les législateurs ?

Le droit et les véhicules autonomes, c’est justement la spécialité de Lisa Loftus-Otway, avocate et chercheuse au Center for Transportation Research à l’Université du Texas à Austin. Lisa Loftus-Otway a comparé les réglementations actuelles sur le sujet. « Toutes les semaines il y a des nouveautés, c’est presque impossible d’être toujours à jour », s’amuse-t-elle.

Quelques grandes tendances se dégagent cependant. Comme le fait que l’État de Californie fait toujours partie des précurseurs. Le DMV (Department of Motor Vehicles) californien l’a encore prouvé il y a quelques semaines en proposant de nouvelles régulations, pas encore adoptées pour le moment. L’institution souhaite finalement autoriser la circulation des véhicules autonomes sans la présence d’un humain derrière le volant pour contrôler la machine. Le constructeur de l’automobile devra alors respecter un certain nombre de conditions parmi lesquelles : demander un permis au DMV et pouvoir contrôler le véhicule à distance pendant les tests. Les fabricants pourront même se passer de volant ou de frein et imaginer une voiture au design plus futuriste.

Le Michigan avait déjà autorisé l’usage du véhicule autonome sans personne à l’intérieur et a conduit des programmes pilotes dès 2013. Cet État est à la pointe en la matière, comme l’est aussi toujours « le premier État à avoir autorisé les tests de véhicules autonomes : le Nevada, en 2011 », rappelle Lisa Loftus-Otway.

À l’échelle fédérale, la NHTSA (National Highway Traffic Safety Administration) est en charge de la régulation des véhicules autonomes. L’instance, a par exemple publié des directives en octobre 2016 concernant la cybersécurité des véhicules sans conducteur. En comparaison, le Canada et l'Australie n'ont pas de lois fédérales dans le domaine.

L’Union Européenne n’a pas encore légiféré spécifiquement sur le sujet non plus mais « des États membres font plus ou moins la même chose que les États américains : beaucoup de programmes pilotes et de tests de véhicules autonomes ». C’est le cas de la France mais aussi des Pays-Bas, de la Suède, de la Finlande, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, explique l’avocate. Les réglementations ont en particulier vocation à protéger les citoyens des risques de piratage, d’atteinte à la vie privée et à déterminer la responsabilité en cas d’accident.

Des questions fondamentales qui devront être inévitablement tranchées avant que les véhicules autonomes ne conquièrent nos routes. Autrement dit, d’ici une dizaine d’années, d’après les chercheuses et l’étude du BCG.


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