Montbéliard, au cœur du Doubs est aujourd’hui encore largement marquée par l’élégant château qui se dresse sur un éperon rocheux. Ancienne capitale de la Principauté de Wurtemberg, ce n’est qu’en 1793 que ce territoire fut rattaché à la jeune République Française, après être resté plus de 350 ans dans le giron du Saint-Empire Germanique.
Château des Ducs de Wurtemberg (Crédits photo: Sylvie Roman)
De ce passé troublé et prestigieux, la ville a gardé de nombreuses traces, demeures élégantes, hautes façades typiques du pays, ainsi qu’un temple bâti au tout début du 17ème siècle, mais aussi une synagogue datant de la fin du 19ème siècle, en un temps où la communauté était en pleine expansion.
Bâtiment des Halles de Montbéliard et les anciens Bains-Douches transformés en restaurant et salle de spectacle (Crédits photo: Sylvie Roman)
Un passé industriel omniprésent
Le passé industriel se retrouve aussi en divers lieux, comme ce lion gigantesque sur une façade de la ville, témoin du temps où la firme Peugeot, était toute puissante.
C’est en effet en 1912 que le site de Sochaux est créé, à cheval sur les deux communes de Montbéliard et Sochaux. Il devient ainsi le plus grand site de production de la marque au Lion.
L’univers chatoyant d’Henry Valensi s’expose chez les Ducs
Le château fort des Ducs de Wurtemberg, assis sur un promontoire rocheux, a connu de nombreuses transformations à travers les âges, arborant un extérieur de style Renaissance pour un intérieur acquis à la modernité d’un musée pour ce site d’exception à 10km de la frontière suisse et mué de sa fonction originelle au 19ème siècle.
Aujourd’hui, il fait partie des deux musées municipaux appartenant à la commune de Montbéliard.
Ce lieu d’exception met en lumière le travail sous-valorisé du très international peintre algérois Henry Valensi, puisqu’il fut notamment le seul artiste français à participer au salon des Valets de Carreaux à Moscou.
Une exposition en quatre sessions, la première depuis 1963, présente actuellement une partie de sa collection malheureusement en partie spoliée par les nazis dans son atelier parisien en 1940, épisode qui le conduisit à se réfugier de nouveau en Algérie le temps du conflit.
Un destin qui n’a pas épargné cet artiste, très tôt immobilisé par différentes maladies et qui sera amené, par la force des choses, à peindre, déjà très jeune, les paquebots arriver dans la baie d’Alger. Autre péripétie de sa jeune existence, suite à l’affaire Dreyfus et une recrudescence de l’antisémitisme, sa famille est contrainte à s’installer à Paris et une opportunité s’offre à lui à l’école des Beaux-Arts.
Une personnalité bercée par l’exotisme qui le conduit à effectuer toute une série de voyages où il réalise des représentations sous forme d’un impressionnisme rayonnant avec une lumière qu’il juge essentielle pour sa peinture qui la reflètera par ses couleurs, et ce avec une touche d’orientalisme, courant auquel il participera au salon des Orientalistes en 1905.
Un témoignage des fresques de ses premières années: Athènes en 1909 et Alger en 1912 (Crédits photos: Alexandre Plateaux)
Il souhaite introduire une 4ème dimension dans sa peinture à travers le musicalisme et un certain expressionnisme pour intégrer une idée de mouvement.
Avec son tableau de l’église Sainte Sophie apparaissent les premières ondes inspirées par l’émergence de sa « Loi dite des Prédominances » exprimant un allègement de la matière et intellectualisation de l’Art, faisant de lui un artiste théoricien.
Un panel pédagogique de la « Loi des Prédominances » et du musicalisme (Crédits photos: Alexandre Plateaux)
Cette expression des ondes et de la musicalité à travers cette représentativité de ses théories montrant des thématiques sous des formes très conceptuelles; comme « À travers le Sahara » de 1925 ou encore ce « Voyage en chemin de fer » en 1927 (Crédits photos: Alexandre Plateaux).
Inspiré par l’épisode historique de Dardanelle, il cherchera par la suite à retranscrire l’intériorisation des machines en toutes sortes: locomotives et tel cet « hydravion qui s’envole » en 1918 ou cette « Expression des Dardanelles » en 1917 (Crédits photos: Alexandre Plateaux)
Une omniprésence du rouge qui symbolise le rouge, couleur phare de cette époque énonciatrice de courants tels que le fauvisme, à l’instar de cette énonciation d’un « Mariages des Palmiers à Bou Sâada » ou encore une volonté de narration s’exprimant avec des notes musicales flamboyantes offrant une perception sonore sur certaines toiles dont la « Course de Taureaux » en 1926. (Crédits photos: Alexandre Plateaux).
L’artiste montrera son attachement à l’arrivée du cinéma en couleurs, via encore une théorie bien personnelle qu’est son concept de ciné-peinture qui s’exprimera autour d’un film abstrait en couleurs empreint de ce courant: « La Symphonie printanière », tiré de 64 000 dessins à partir d’un tableau peint en 1932, et qui n’aboutira qu’en 1959, qui entrera officiellement en 2013 dans les collections du Musée national d’art moderne.
S’inspirant toujours du mouvement, il se rend sur les terrains de sport pour s’imprégner de l’ambiance qui y règne, avec cette vue du ciel de « Tennis, le jeu » en 1930, avec des couleurs synonymes de liberté teintées en fin de guerre avec cette « Symphonie en rose » en 1946. Des prémices aux couleurs emprises de lumière qu’il s’en va observer aussi au Grand Nord avec cette « Symphonie Norvégienne » en 1955. (Crédits photos: Alexandre Plateaux).
L’association familiale gérant l’héritage du peintre s’active pour faire reconnaître son Art jugé encore trop confidentiel, notamment en recherchant des toiles spoliées en 1940 de son atelier parisien via la Commission de Récupération Artistique (CRA).
Des différents accrochages sont prévus au Centre Pompidou (grâce au leg de 18 toiles) au Centre d’Action à Dunkerque.
Le musée proposera une projection du film d’animation de 1940 « Fantasia » aux visiteurs le 17 mai à 20h15 et le 21 mai à 13h50 ainsi qu’une conférence de Françoise Lugberg, maître de conférence à l’université de Laval au Québec le 28 juin à 18h, de même qu’un récital de piano en hommage à Valensi le 10 septembre à 10h30.
Jules-Emile Zingg, un peintre à Montbéliard
Autre exposition présente dans les murs du château, c’est l’autre enfant du pays, Jules-Emile Zingg, né en 1882, est admis aux Beaux Arts de Paris, et commence une carrière intéressante, influencé par les Nabis qu’il côtoie et par les toiles de Paul Gauguin. Rapidement, dès 1918, il bénéficie d’une exposition personnelle à la Galerie Druet, qui lui vaut une reconnaissance nationale. Le Musée du Château de Wurtemberg présente de nombreuses oeuvres matinées de régionalisme, avec des scènes champêtres, des scènes paysannes et de paysages de sa Franche-Comté natale. Mais on reconnaît la pâte d’un peintre de talent, qui a du métier, et surtout, ose les aplats de matière, les couleurs pures, les accords dans la lignée de ces différents courants qui se confrontent et parfois s’affrontent dans ces années 1920 et 1930.
Zingg sous tous ses traits (Crédits photo: Sylvie Roman)
Les Musées de Montbéliard
La ville est le berceau d’un personnage illustre, Georges Cuvier, le célèbre paléontologue, qui a par la suite enseigné et fait carrière à Paris. Ses recherches et son œuvre sont retracées dans plusieurs salles du Musée du Château : fossiles de vertébrés, de végétaux (dont certains très anciens et rares), retracent les périodes géologiques de la région. Enfin, grâce à plusieurs scientifiques de la région, la musée présente aussi plusieurs collections zoologiques et botaniques, constituant un fond de plusieurs milliers de références.
Une réserve d’un nombre important de près de 525 000 pièces dont 200 000 pièces archéologiques.
Le Musée Beurnier-Rossel, une plongée dans le 18è siècle
Le Musée d’art et d’histoire prend place dans une élégante demeure bourgeoise érigée en 1774, à deux pas du Temple Réformé. Les premières salles retracent simplement l’intérieur cossu de cette famille franche-comté. Meubles en marqueteries, décors peints, mais surtout une impressionnante cheminée recouverte de carreaux de faïences bleues et jaunes. Surtout, on découvre toute une collection de boites à musique et d’horloges, reflétant un savoir-faire local, qui a fait longtemps la renommée du pays.
Une part toute en couleurs de l’Histoire locale! (Crédits photo: Sylvie Roman)
Enfin, preuve d’une région qui était à la pointe des innovations, de nombreux édifices construits en béton brut, égrainent encore aujourd’hui le pays de Montbéliard : tel le bain-douche, des années 50 et habilement reconverti en restaurant et salle de spectacle, ou encore l’église de l’Immaculée Conception à Audincourt, l’un des premiers édifices religieux bâti en béton armé, en 1932, et dont admire encore la qualité, l’épure des lignes et les merveilleux vitraux modernes (Valentine Reyre et François-Claude Laurent). Deuxième édifice tout de béton, l’église du Sacré-Coeur, toujours à Audincourt, construite à la fin des années 40, sur des plans de Maurice Novarina, et des vitraux dessinés par Fernand Léger.
Ainsi, sans parler de gastronomie, avec les célèbres fromages et le vin jaune, ou de nature, les découvreurs auront de quoi s’occuper aussi, avec la culture.
Reportage réalisé en étroite collaboration avec Sylvie Roman.
Expositions au Château des Ducs de Wurtemberg:
– Henry Valensi, exposition « La musique des couleurs » du 15 Avril à 17 Septembre 2017
– Jules-Émile Zingg, à partir du 28 janvier 2017