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Les voies de l’adoption internationale : Espagne, France et Suisse

Publié le 26 juin 2008 par Zench

Les intervenants prévus par la Convention de La Haye pour traiter les adoptions internationales sont:
• l’Autorité centrale (AC), voire, dans un pays fédéral, l’Autorité centrale fédérale et les Autorités centrales fédérées;
• les autorités compétentes (autorités de protection de l’enfance, tribunaux, offices de l’état civil…) apportant leur concours à l’Autorité centrale;
• les organismes agréés d’adoption internationale (OAA), agissant comme intermédiaires entre les candidats adoptants et le pays d’origine, sur base d’une délégation d’une partie de leurs missions par les Autorités centrales des pays d’origine et d’accueil. Ces organismes ont historiquement été des organismes privés.


 
 
Nous constatons cependant depuis quelques années, en Allemagne et en France particulièrement, la création d’organismes publics à caractère nous semblet-il hybride, tenant à la fois de l’organisme intermédiaire et de l’autorité centrale ou compétente. Comme nous le démontrerons ci-dessous, l’intervention de ces organismes publics peut être analysée comme problématique dans la mesure où leur statut, notamment au sens de la CLH, n’est pas clair, ni pour les candidats adoptants ni pour les pays d’origine. Ils ne nous paraissent pas présenter le même niveau de garanties que celles offertes par les organismes privés agréés.
 
 
Sur le plan légal, certains pays (Espagne, France, Suisse) laissent aux candidats adoptants le libre choix entre l’adoption par l’intermédiaire d’un organisme agréé ou l’adoption privée ou indépendante (c’est-à-dire sans intervention d’un organisme). Ces deux voies relèvent en outre des compétences des Autorités centrales et compétentes. La voie privée présente cependant des risques éthiques importants. D’autres pays (Italie, Norvège) interdisent en principe l’adoption privée, sous réserve d’exceptions strictement limitées.
L’intervention d’organismes publics vient cependant brouiller l’image de la politique revendiquée, que ce soit celle du libre choix des adoptants en France ou celle de l’interdiction de l’adoption privée en Allemagne.
 
 
1. Espagne, France et Suisse: libre choix des candidats adoptants
 
 
En Espagne, en France et en Suisse, les candidats adoptants peuvent indifféremment adopter un enfant étranger par un organisme agréé pour l’adoption ou en effectuant une adoption privée. Aucune restriction légale ne définit le recours à l’une ou l’autre voie. En France et en Suisse, les adoptions privées constituent les 2/3 des adoptions internationales.
 
 
 
2. En France, libre choix et « troisième voie » par un organisme public
 
 
Par application de la loi du juillet 2005, une « troisième voie » [Communiqué du Conseil des ministres,Paris, 23 mai 2006], d’adoption a été créée en France, l’Agence française de l’adoption (AFA), qui a été inaugurée le 18 mai 2006. Conformément à son texte légal de création [Art. L 225-12 du Code de l’aide sociale et des familles, tel que modifié par la loi du 14 juillet 2005.], elle constitue un OAA public, sous la forme d’un « groupement d’intérêt public » composé par « l’Etat, les départements et des personnes morales de droit privé ». L’AFA a été déclarée par le gouvernement français à la Conférence de droit international privé de La Haye, comme OAA agréé.


 
L’AFA est agréée pour servir d’intermédiaire à l’adoption dans tous les pays parties à la CLH et, sous condition d’un agrément spécifique pays par pays, délivré par le Ministre des affaires étrangères, dans les pays non parties à la CLH.


 
 
Il est difficilement compréhensible que cette condition d’agrément pays par pays, imposée à juste titre aux OAA privés pour tous les pays d’origine [Art. L 225-12 du Code de l’aide sociale et des familles.], qu’ils soient ou non parties à la CLH, ne s’applique à l’AFA que dans ses relations avec les pays non parties à la convention. Cela crée une discrimination entre les enfants et les familles en ce qui concerne les garanties octroyées. De plus, il convient de souligner dans ce contexte qu’il ne suffit pas qu’un pays soit partie à la CLH pour garantir le bon fonctionnement et que l’intérêt de bénéficier de partenaires fiables dans les pays d’origine reste néanmoins essentiel pour les OAA.


 
Par ailleurs, il conviendra aussi de vérifier la manière dont l’Etat opérera le contrôle, au sens de la CLH, sur un OAA public dont il est un membre constituant.


 
Contrairement aux OAA privés, l’AFA ne sélectionne pas les candidats adoptants mais accepte tous ceux qui disposent d’une déclaration d’aptitude. Par contre, bien qu’elle se présente comme un « intermédiaire », elle ne donne aucune garantie d’un apparentement. Elle envoie elle-même le dossier des adoptants dans le pays d’origine. Mais contrairement aux OAA privés à nouveau, elle n’assure pas le suivi de la famille adoptive après l’arrivée de l’enfant, lequel est dans ce cas confié au service public de l’Aide sociale à l’enfance [Art. R 225- 7 du Code de l’aide sociale et des familles, tel que modifié par le décret du 6 juillet 2006.]


 
Les Autorités françaises semblent d’ailleurs cultiver cette ambiguïté entre les rôles de l’AFA, des OAA et leur encadrement respectif des adoptions « individuelles ». Lors de son inauguration, le Ministre des Affaires étrangères annonçait ainsi que l’AFA pourrait « jouer » à l’égard des pays d’origine « de son double statut d’agence d’Etat et d’Organisme autorisé pour l’Adoption (OAA) » [Intervention de M. Philippe Douste-Blazy, Paris, 18 mai 2006], . « L’agence permettra à la fois de soutenir les parents et de rassurer les pays d’origine des enfants, qui veulent se protéger contre des démarches individuelles » (lire: privées) [Réforme de l’adoption : réponse de M. Philippe Bas, ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille, à une question à l’Assemblée Nationale. Paris, 17 mai 2006)].


 
L’AFA annonce également sur son site Internet:« Toute demande d’aide à la constitution et à l’envoi d’un dossier d’adoption dans un pays fermé à l’adoption individuelle (lire: privée) est prise en considération. Cependant, les pays restent souverains dans l’acceptation ou non de la demande selon les critères qui leurs sont propres ».


 
L’AFA semble donc bien plus un mécanisme tendant à faire accepter des adoptions semi-privées ou quasiment privées par des pays d’origine qui ne veulent plus des adoptions privées, qu’un OAA à part entière.
Sous peine de violation du principe de non discrimination entre les enfants (art. 2 de la Convention des droits de l’enfant) et les familles, il conviendra cependant de veiller à ce que chacun bénéficie du même niveau de garanties, quelle que soit la voie d’adoption envisagée, y compris les adoptions via l’AFA et les adoptions strictement privées au sens du droit français - ce qui semble difficile dans l’état actuel de la pratique française.


 
 
 
Source : "Adoption: à quel prix? Etude comparative sur six pays européens."
Rédigé par: Isabelle Lammerant, experte d’adoption internationale en droit comparé, et Marlène Hofstetter responsable du secteur Adoption internationale.
Fondation Terre des hommes – aide à l’enfance, Lausanne, Suisse - 2007.
 


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