Un format hors-série pour vous parler (un peu plus longuement que d'habitude) de cinq films dont vous n'avez probablement pas entendu parler (entre 2005 et 2014) et qui méritent toute votre attention... Ce billet hors-série est consacré à 5 films dont vous n'avez probablement pas entendu parlé ou très peu et se veut donc une sorte de réparation à cette injustice concernant d'excellent film, voir essentiel pour certain, et qui n'ont pas eu les honneurs de la presse mainstream, d'une exploitation en salle ou bien purement et simplement d'une exploitation sur notre territoire.
Si vous êtes en recherche de sensations fortes ou bien tout simplement d'une bonne grosse baffe de cinéma, il se peut que vous trouviez dans cette courte liste un film qui puisse répondre à cette attente. Dans tous les cas, je ne peux que vous conseiller de tous les voir. Ce sont des films qui m'ont beaucoup enthousiasmé et qui demeurent malheureusement peu connus du grand public. Essayons donc de les déterrer pour mieux vous les présenter, contexte à l'appuie.
-ISOLATION - (2005)Au début des années 2000, le cinéma anglais (habituellement très pauvre) voit surgir au milieu de son paysage un renouveau du film d'horreur. Cette vague de films de genre, inattendue, produit quelques uns des fleurons du cinéma d'horreur contemporain, faisant directement suite à la vague nippone du même acabit qui avait pu revigorer le genre une décennie plutôt (et assassiner au passage le film d'horreur américain pendant au moins 20 ans). Parmi ces fleurons, on retrouve le cultissime The descent, de Neil Marshall, le sympathique et rafraîchissant The creep de Christopher Smith, ainsi que l'extraordinaire Isolation de Billy O'Brien, film irlandais et non anglais -il faut le préciser- mais que j'inclus volontiers dans cette nouvelle vague anglaise- et qui va ici nous intéresser plus particulièrement.
Le film, datant de 2005, situe son intrigue au cœur d'une exploitation agricole. Pour sauver son exploitation, le protagoniste principal du film, Dan Reilly, va accepter la proposition d'un laboratoire pour mener un test de nature génétique et révolutionnaire sur son bétail, sous le contrôle de Orla, une vétérinaire locale qui s'avère être l'ex-compagne de Reilly. Bien entendu, la nature des tests provoquera rapidement des anomalies que les deux protagonistes vont découvrir trop tardivement, notamment qu'une des vaches a accouché d'un monstre... Je vous entend rire chez vous: "une vache mutante"?.... Et bien rigolez. J'attends de voir vos têtes à la fin du film!
"Bête" de festival à sa sortie où il fanfaronne souvent en tête des classements (grand prix et prix du jury de par chez-nous en 2006, à Gerardmer), le film a généralement bonne presse mais peine à trouver son public. Souvent comparé au premier Alien à qui Isolation emprunte son leitmotiv (un huit-clos hors du monde, où le danger guette en permanence) mais aussi ses gimmicks (un monstre tapis dans l'ombre), le film vaut bien plus que cette simple comparaison.
Et pourtant, quel film d'horreur! Quelle mise-en-scène! Quelle utilisation des décors, de la lumière! La direction d'acteur y est excellente. Le rythme est saisissant. Le film est viscérale, réaliste, suintant et sanglant. Il offre des scènes d'anthologies, comme celle du burin par exemple où le protagoniste principal se retrouve piégé à la merci du fameux mutant. Faites-moi confiance: si vous voulez vous faire une bonne soirée ciné avec votre blonde, sortez la couette et éteignez la lumière. Isolation est un grand huit de la peur comme on en a peu vu jusqu'à récemment.
-Inkeepers- (2011)Pour le film suivant, on reste dans un genre parent puisqu'il s'agit d'un film de fantômes et plus particulièrement de maison hanté: The inkeepers sorti en 2011.
Alors là, attention, véritable petit bijou de Ti West, réalisateur prolifique de la scène "indé" et qui enchaîne les bonnes surprises (The House of The Devil et Sacrament notamment).
Pour être tout a fait honnête, il ne s'agit pas tant d'une maison hantée qu'un d'un hôtel qui le serait prétendument. Deux jeunes saisonniers, les fameux tenanciers du titre, sont chargés d’accueillir les derniers pensionnaires de l'hôtel avant sa fermeture définitive prévue pour la fin de la saison. Ayant eu vent de l'histoire chargée de l'hôtel, ils vont essayer de déterminer si, oui ou non, le bâtiment est vraiment hanté. Ah oui, et détail d'importance: l'action se situe dans les années 90's, à une époque où les ordinateur tourne sur Windows 3.1 et internet fait ses premiers pas. Pas de Youtube, mais des réseaux de forum pour télécharger et découvrir des vidéos de fantômes... Fake ou pas fake? C'est en tout cas le passe-temps favoris de notre couple de protagonistes. Ça va également devenir un vrai jeu de tension pour le spectateur, le film jouant régulièrement avec ses nerfs. Avec une économie de moyen exemplaire, The inkeepers va vous retourner la tête, de la plus belle des manières. La mise-en-scène, avec un classicisme certain(le hors-champs revient en force et joue un rôle prépondérant), fais monter la tension progressivement, inlassablement, jusqu'à un climax mémorable: l'une des plus belles scène de champs/contre-champ dans le cinéma américain contemporain mais aussi, et probablement, le dénouement le plus choquant qui soit. J'aime à penser, moi qui suis un immense fan du Poltergeist de Tobe Hopper, que The Inkeepers, c'est un peu le film que Spielberg n'est plus capable de faire aujourd'hui et qui, pourtant, dans son efficacité, rappel ce cinéma-là (la nostalgie en moins). The inkeepers est un vrai tour-de-force. Si vous êtes amateur de cinéma fantastique, vous devez voir ce film. C'est un impératif.
-Seeking a friend for the end of the world- (2012)Encore un film américain, mais dans un tout autre registre puisqu'il s'agit d'une comédie qui lorgne plutôt du côté des major avec Steve Carell et Keira Knightley. Il s'agit de Seeking a friend for the end of the world (Jusqu'à ce que la fin du monde nous sépare dans son horrible transcription française) de la réalisatrice Lorene Scafaria, sorti en 2012.
2012... mais oui, rappelez-vous, cette année où la fin du monde devait arriver selon le calendrier maya et le film éponyme de Roland Emmerich. Force est d'avouer qu'aujourd'hui encore, la question de l'apocalypse hante encore sensiblement le cinéma et la production télévisuel américaine....
Dans Seeking a friend (on va l'appeler comme ça!), on apprend dès le début du film qu'une astéroïde arrive sur la trajectoire de la Terre et que la fin du monde est imminente. En bon dinosaure que nous sommes, dans l'angoisse de mourir, les hommes et les femmes, un peu partout dans le monde, laissent soudainement libre cours à leur pensées et sentiments, agissant comme bon leur semble, explosant le contexte sociétal et les lois pour se satisfaire au maximum dans l'attente d'une fin prochaine et inévitable. Par exemple, et comme le héro du film va en faire les frais: à quoi sert de mentir lorsque l'on a plus aucune raison de maintenir un masque social?
Dès lors, Seeking a friend va proposer un paradoxe: entreprendre un voyage qui sera à la fois initiatique et en même temps le dernier possible. Je préfère ne pas trop en dévoiler concernant le déroulé de l'intrigue mais il faut avouer que si le film a été vendu comme une comédie, ce qu'il est, assurément, il est aussi et surtout un immense trip nostalgique et sentimental, un drame avec des hauts et des bas, et qui risque de laisser les plus dépressifs sur le carreau. vous êtes prévenu. Toutes proportions gardées, c'est un film assez novateur sur le papier et qui, in extremis, l'est également à l'image. C'est certainement un véhicule pour Steve Carell mais c'est surtout une perversion du film classique américain. C'est un film qui contient sa propre critique, à la limite de l’auto parodique, presque cruel envers le spectateur. D'ailleurs, le film, une fois encore, n'a pas trouvé son public est fut un bide assez significatif de cette année-là. Laissez lui une chance: vous risqueriez de trouver, à la place d'une petite comédie romantique hystérique, un grand film romanesque et apaisant.
-26 years- (2012)Attention, chef d’œuvre du cinéma Sud-Coréen (et oui, un de plus) dont vous n'avez probablement jamais entendu parlé et qui, pourtant, risque de vous soulever l'estomac tant l'action y est viscérale et efficace. Oublier les frasques ineptes du cinéma d'action contemporain: 26 years, de Jo Geun-hyeon, sorti en 2012 dans l'indifférence occidentale la pus honteuse, est une déflagration dans le monde des blockbuster, à la fois pour sa tenue mainstream mais aussi pour sa proposition subversive qui achève d'en faire un des grands incontournables de ces dix dernières années.
Je m'explique: 26 years traite d'un problème devenu récurrent, visible ou invisible, dans le cinéma sud-coréen contemporain. En 1979, après un bref épisode démocratique, la Corée du Sud connaît un coup d'état militaire qui supprime le président en place et installe une sorte de dictature à la tête de laquelle va exercer Chun Doo-hwan, alors général en chef des armés. Un an plus tard, un des épisodes les plus sanglants de l'histoire du pays a lieu: ce sont les massacres de Gwangju, où des milliers de manifestants sont réprimés dans le sang et abattus pour l'exemple. Homme, femme, enfants, les assassinats touchent indifféremment le public présent à la manifestation, créant un traumatisme puissant dans la mémoire collective coréenne. C'est une blessure vive et indélébile, et qui se retrouvent aujourd'hui encore, au cœur de nombreuses fictions. En 1996, Pétal, un film Jang Sun-Woo, va mettre ce massacre en scène et poser les bases sérieuses d'un cinéma à venir qui est de nos jours l'un des plus fertile et des plus fort qui soit. Les films de Bon Joon-ho (The Hosts, Mémorie of murder, Mother) ne parlent que de ça, faisant explicitement référence à Pétal, tandis que ceux de Park Chan-wook (Les sympathie for Miss vengeance et Mister vengeance, et évidemment OldBoy) ne tournent eux qu'autour du sentiment de vengeance, de rétribution.
Je vous conseil très fortement, si vous êtes amateur de ce cinéma sud-coréen, d'écouter les interventions qui ont eu lieu à ce sujet au Forum des images et qui restent disponibles sur Dailymotion, notamment l'intervention de Stephane Du Mesnildot autour de Bong joon-ho et dont je rends le lien disponible:
Bong Joon-ho : les mères, les monstres et les tueurs - Cours de cinéma de Stéphane du MesnildotPourquoi ce rappel historique: et bien pour mesurer l'ampleur vertigineuse du projet qu'offre 26 years, qui propose ni plus, ni moins, que d'assembler une équipe de "victime" de ces massacres, 26 ans plus tard, pour tenter d'assassiner coûte que coûte le responsable de ces massacres, l'ancien général Chun Doo-hwan donc, toujours en vie de nos jours.
D'abord condamné à mort, puis assigné à vie à résidence, cette affreux dictateur sanguinaire a été gracié en 1999 par le président élu dans une volonté de réconciliation nationale.
Imaginez bien: on est en 2012 et un film sort au cinéma, fantasmant la mise à mort d'un personnage historique encore vivant et responsable d'un des plus gros massacres du XX°siècle. On est un peu dans le même élan qu'un Tarantino, tordant l'Histoire par la fiction pour s'offrir dans Inglorious Bastard (et nous offrir par l'occasion) la mise à mort d'Hitler en gros plan. Tout l'enjeu de 26 years va justement résider dans la réussite, ou non, de ce groupe clandestin à la recherche de leur rédemption. Tous issus de milieu et de classes différentes (un policier, une gymnaste olympique, et un voyou notamment), ils vont se réunir et coopérer dans une Corée contemporaine pour élaborer un plan pour l'assassinat. Chacun apportera son expertise, dans la douleur, évidemment, mais aussi avec humour, comme en témoigne l'extrait suivant où le voyou de la bande va évaluer la possibilité d'entrer dans le périmètre de la résidence de dictateur déchu.
26 years est un véritable contre-champs à des films comme Memories of murder, par exemple, montrant la corruption qui gangrène le pays mais surtout en expliquant pourquoi cette fameuse "réconciliation nationale" est problématique. Le massacre de Gwangju, mis-en-scène de manière extrême dans le film (sous la forme d'un sanglant film d'animation, à l'instar d'un KillBill) explicite la violence et le sentiment de rétribution qui habite chaque sud-coréen, justifiant les actes des protagonistes principaux, poussant parfois même certain d'entre eux à agir aveuglément, comme cette championne de tir olympique qui se fabrique un fusil boosté à l'air comprimé et n'arrive pas à contenir son désir de vengeance, au détriment du reste de l'équipe. Violent, passionnant, déchaîné, 26 years est un film essentiel. Comme vous aurez le comprendre, les références, notamment au cinéma de Tarantino, sont nombreuses et explicites, mais fonctionnent davantage comme projets esthétiques plutôt que de simples arguments commerciaux , ramenant la problématique qui anime ses protagonistes dans un temps présent qui est aussi celui d'un cinéma américain dominant, seul modèle sur et contre lequel se construit le cinéma sur-coréen contemporain. Bong Joon-ho se frotte au Dent de la mer? Park Chan-wook à Fincher? 26 years, qui est un coup d'essai, dépasse de loin son modèle pour devenir, d'un coup, d'un seul, un coup de maître.
-The guest- (2014)Plus proche de nous, en 2014, un petit film "indé" américain s'est frayé une place sur nos petit écrans: il s'agit du grand, du très grand et jubilatoire THE GUEST, de Adam Wingard. A l'instar de son compère Ti West, dont on aura parlé un peu plus tôt, Adam Wingard est un highlight du moment: The guest est l'expression la plus pure de son talent. Mi-film d'action, mi-drame psychologique, mi-film d'horreur, The Guest est en fait une véritable trajectoire dans le film de genre en général avec son personnage principale comme guide et seul repère. Le problème, c'est que l'invité en titre ne laisse jamais vraiment deviner entièrement, exerçant sur nous comme sur les autres protagonistes du films un charme qui s'avère tour à tour érotique, viril ou iconoclaste.
L'histoire est celle d'un soldat de retour du front (Iraq? Afganisthan?) et qui se présente à la famille Peterson comme un camarade de leur fils, tombé au front. Alors que la famille l'invite à s'installer temporairement chez eux, l'invité exerce peu à peu son influence sur chacun des membre des Peterson. Très vite, il prend la place du fils disparu et étend son influence. EQui est-il? Que semble-t-il cacher? Jusqu'où son influence ira-t-elle au sein de cette structure familiale assimilée?
La vérité, c'est que plutôt que trop en dire, The guest maintient sa surprise en proposant a chaque étape franchie dans l'escalade de la terreur un nouveau registre d'action et de tension psychologique. UItra-efficace, jusqu'au-boutiste, c'était sans contre-façon aucune, le film le plus jouissif et le plus décomplexé de 2014. Si le réalisateur, Adam Wingard, a été transparent récemment dans sa sequel de Blair Witch, on peut espérer de lui une adaptation de Death Note, en cours de tournage, au moins aussi subversive et réussie que l'original. Le rendez-vous est pris pour la fin de l'année.
Voilà, j'espère que ce billet vous aura plu et vous aura aidé à découvrir de nouveaux films qui, je le souhaite, vous apporterons satisfaction au moins autant qu'ils m'ont apporté de plaisir à les voir et à en parler. N'hésitez pas à me faire parvenir vos remarques et commentaires.