J’avais adoré Les Impliqués de Zygmunt Miloszewski, j’ai tout autant apprécié Un fond de vérité. Et cette escapade dans une petite ville de la Pologne, Sandomierz, infiniment plus belle que la pauvre Varsovie martyrisée par les guerres.
Fidèle à lui-même, l’auteur développe son intrigue sur fond d’histoire et d’actualité, comme si captiver le lecteur ne saurait se faire sans lui faire partager, en prime, une facette de son pays d’origine. Dans
Les Impliqués, il était question de la survivance plus ou moins clandestine de l’intelligentsia communiste du temps de la guerre froide. Ici, c’est le passé juif de la ville de Sandomierz qui remonte, les remords de la population catholique quant à son rôle actif ou passif dans la Shoah et pire, quant au rejet de ceux qui, contre toute attente, son revenus des camps. Des consciences venues tourmenter ceux qui étaient du bon côté des choses. Un malaise profond, propice à la résurgence de légendes sanguinaires faisant des Juifs des voleurs d’enfants. Surtout avec ce meurtre incompréhensible d’une des femmes les plus appréciées de sa communauté. Et les signes hébraïques semés par le meurtrier donnant à penser à une vengeance longtemps différée. Un meurtre suivi de deux autres qui donneront bien du fil à retordre à l’attachant procureur Teodore Szacki, fraîchement séparé, totalement déprimé, exilé dans une petite ville où, contrairement à la surcharge de travail qui le tuait à Varsovie, rien ne se passe. Rien, sinon ces meurtres presque bienvenus, si tant est qu’il ose se l’avouer.
Et toujours la plume inventive et humoristique, parfois poétique, de Miloszewski.
Sobieraj se tut aussitôt et Teodore regarda attentivement sa patronne. Elle ressemblait toujours à une maman au regard doux, avec son sourire de thérapeute pour enfants et sa voix qui sentait la vanille et la levure à pâtisserie.
Un grand plaisir de lecture par l’intrigue captivante, la leçon d’histoire, l’exotisme du voyage de l’autre côté de l’ex-rideau de fer, le style vivant de l’auteur.
Zygmunt Miloszewski, Un fond de vérité, Miroboles Éditions, 2014, 373 pages