Magazine Culture

(Note de lecture) Fabienne Raphoz, "Blanche baleine", par Isabelle Baladine Howald

Par Florence Trocmé

Baleine des montagnes

Raphoz
J’aime la poésie plus que toute autre forme d’écriture et de pensée, et les recueils qui paraissent ces temps-ci me confortent encore dans cette immense attirance pour la chose fragmentaire, déliée et liée. Banche baleine de Fabienne Raphoz chez Héros-Limite donne tout particulièrement la certitude que la réflexion habite infiniment la poésie, on sent presque l’effort et c’est terriblement intense, effort frappé de coupures, d’éclairs de blanc... L’éditrice des collections Biophilia (lire de toute urgence tous les volumes de cette collection jusqu’au tout récent Sanglier de Dominique Rameau en passant par la troisième île de Fredrik Söjberg) et Merveilleux (meilleure édition des Contes de Grimm, soit dit passant) chez Corti poursuit parallèlement, discrètement mais sûrement et solidement, son travail de poète, toujours chez Héros-Limite. D’une chute initiale dont on ne saura pas plus, s’instaure la manière d’être au monde
Depuis longtemps hantée par la question animale, Fabienne Raphoz scrute ici la présence de la baleine blanche, en écho à celles que nous connaissons tous, de celle de Jonas à celle du capitaine Achab. Celle de ce livre se love dans la paroi calcaire des falaises, « une chambre lisse/ se sera creusée/dans la falaise/   à l’écart/Oh ! c’est la baleine/   retournée/brèche-là », image saisissante. Cette baleine-là est une baleine de montagne, que l’on sent parcourue de longue vie, de longue expérience et de divers pays, avec son « regard sans adjectif » (comme c’est juste... comment définir le regard d’une baleine, tellement tellement troublant, œil d’éternité, œil possible de dieu, œil surtout sans âge, tellement vieux comme le monde).
« baleine a tenté terre et retour » et représente l’âge du monde et le rêve est celui-ci : « Aaah   que/baleine   (me)/   pense », pensée retournée et attribuée. Baleine de la « mer de glace », évoquée dans un monde, un monde ami d’écrivains, de livres, qui œuvrent dans son propre poème. Plus hauts que les alpages, cœur de la pierre et envol des oiseaux, « j‘ai eu un peu/   envie de mourir/aujourd’hui ». Traversée du Yucatan, des États-Unis, de l’Afrique, le monde est plusieurs et éclot dans les poèmes.
Je ne sais si Fabienne Raphoz a mis dans son recueil ce que j’en dis. C’est ce que je lis. Je crois surtout qu’elle a mis l’énigme comme énigme en clair, dans sa clarté énigmatique.
C’est là son effort, et l’étrange et forte beauté du livre qui finit toujours par revenir aux oiseaux, « le faon des grottes se retourne sur l’oiseau ».
Et trouver, toujours, le  « vers.... j’/   uste ».
Isabelle Baladine Howald

Fabienne Raphoz, Blanche baleine, Héros-limite, 2017,  91 pages,  16 euros.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florence Trocmé 18683 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines