Baleine des montagnes
Depuis longtemps hantée par la question animale, Fabienne Raphoz scrute ici la présence de la baleine blanche, en écho à celles que nous connaissons tous, de celle de Jonas à celle du capitaine Achab. Celle de ce livre se love dans la paroi calcaire des falaises, « une chambre lisse/ se sera creusée/dans la falaise/ à l’écart/Oh ! c’est la baleine/ retournée/brèche-là », image saisissante. Cette baleine-là est une baleine de montagne, que l’on sent parcourue de longue vie, de longue expérience et de divers pays, avec son « regard sans adjectif » (comme c’est juste... comment définir le regard d’une baleine, tellement tellement troublant, œil d’éternité, œil possible de dieu, œil surtout sans âge, tellement vieux comme le monde).
« baleine a tenté terre et retour » et représente l’âge du monde et le rêve est celui-ci : « Aaah que/baleine (me)/ pense », pensée retournée et attribuée. Baleine de la « mer de glace », évoquée dans un monde, un monde ami d’écrivains, de livres, qui œuvrent dans son propre poème. Plus hauts que les alpages, cœur de la pierre et envol des oiseaux, « j‘ai eu un peu/ envie de mourir/aujourd’hui ». Traversée du Yucatan, des États-Unis, de l’Afrique, le monde est plusieurs et éclot dans les poèmes.
Je ne sais si Fabienne Raphoz a mis dans son recueil ce que j’en dis. C’est ce que je lis. Je crois surtout qu’elle a mis l’énigme comme énigme en clair, dans sa clarté énigmatique.
C’est là son effort, et l’étrange et forte beauté du livre qui finit toujours par revenir aux oiseaux, « le faon des grottes se retourne sur l’oiseau ».
Et trouver, toujours, le « vers.... j’/ uste ».
Isabelle Baladine Howald
Fabienne Raphoz, Blanche baleine, Héros-limite, 2017, 91 pages, 16 euros.