J’aime la candeur immaculée de ceux qui s’interrogent. J’aime la force fragile qui se dégage des êtres qui confessent leurs doutes et leurs ignorances.Alors hier soir, chaque spectacle avait son charme particulier, sa beauté, sa réflexion, son parti pris de sensualité et de narration.Je vous livre mes sentiments en vrac.Les deux premiers spectacles étaient très émouvants et très directs dans leur façon de poser le cadre et de développer un récit et un univers singuliers. Très virtuoses aussi, avec ces corps faisant preuve d'une incroyable flexibilité et racontant des histoires sans paroles et sans fin. La création de Aifric Ní Chaoimh « Inside, the Wolf… » me plongeait dans une sorte de forêt magique, mystérieuse, aux premières loges d'un ballet extraordinaire exécuté avec brio et poésie ! Et la bande musicale était absolument enchanteresse.Le deuxième spectacle « with my eyes », de Baptiste Hilbert, était transcendé par la prestation à' couper le souffle de la jeune Catarina Barbosa. Il y avait de la musique iranienne dans l'air, et il y était question de spiritualité. Une femme en proie à ses doutes et ses chaînes, naviguant entre ombre et lumière, entre soumission et révolte ; la lumière qui attire, la lumière qui ravit, mais aussi la lumière qui éblouit et aveugle. Elle fuit et se réfugie dans les ténèbres. Et puis ce vêtement blanc qui se tourne et se retourne, libérant le corps et, dans un meme élan, l’emprisonnant dans une sorte de voile blanc. La danseuse pendant 20 minutes nous emmène dans un tourbillon fou, une quête impossible d'elle-même et de Dieu. Jusqu'à imploser ?
Les deux spectacles après l’intervalle m’ont apparu nettement plus exigeants et conceptuels, mais tout aussi fascinants dans leur rigueur et dans leur folie. Elizabeth Schilling avec « Sixfold » nous a proposé un véritable objet chorégraphique non identifié. Encore maintenant je me demande « mais qu’est-ce que ? Mas quoi ? ». Sur scène, il y a une danseuse et il y a un globe, et il y a une relation extrêmement bizarre qui se met en place entre les deux ; un corps, un dos courbé, qu’on regarde bouger, qu’on contemple tel un magma en éruption, une peau qui devient paysage, plaine, montagne, sur laquelle planent les orages et le bruissement sourd des canons, le mouvement des cieux... Et soudain un globe terrestre qui se met à bouger tout seul, comme un grand, un petit coup de dérive des continents ? Par-dessus toutes ces images presque lynchéennes se greffe une musique, une musique ?, oppressante, intense, dérangeante. Gloups.Enfin, le dernier spectacle « Flowers grow, even in the sand »de Giovanni Zazzera :
un va-et-vient entre un paysage et une architecture, un double qui effectue l’exploration de lui-même et de ses mystères. En fait, deux danseurs qui se réfléchissent l’un l’autre et qui font s’entrechoquer la logique et l’imaginaire. Le crescendo implacable, s’appuyant sur une superbe partition d’André Mergenthaler, nous transporte dans un désert rouge, traversé de guerre et paix, d’attentats et de rédemption. Sublime. Alors, convaincu ? Vous avez encore la possibilité d’assister à ce geyser de créativité ce soir, demain vendredi et samedi.Runnez-y !!
Et puis vous donnerez le bonsoir de ma part aux magnifiques robes tournantes de Trixi Weis (« installation « swirling memories »).Plus d'informations sur :
http://www.danse.lu/evenements/les-emergences/les-emergences-vol-4/
Baptiste Hilbert et Catarina Barbosa
Aifric Ní Chaoimh, au milieu, avec sa musicienne et son partenaire danseur.
Le final
Elizabeth Schilling
Giovanni Zazzera, à droite, et les deux danseurs de sa pièce.
La Banannefabrik: un lieu plein de mystère et d'atmosphère.
Installation 'Swirling memories" de Trixi Weis
Elizabeth Schilling, lors de la présentation presse
Swirling Memories - Trixi Weis - Banannefabrik from paulo lobo on Vimeo.