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Interview éditeur : défis et nouveaux challenges des éditions Ki-oon !

Publié le 07 mai 2017 par Paoru

Ki-oon Paoru 2017 copie

Chose promise, chose due, voici une nouvelle interview éditeur dans la place. Après l’entrevue par mail avec les éditions Glénat que je vous avais proposé ici, on passe maintenant à un travail en direct et beaucoup plus complet avec un habitué de ces colonnes : l’éditeur Ki-oon ! 

Avec Ahmed Agne, son directeur éditorial, nous sommes revenus sur une année des plus riches pour Ki-oon avec la publication de leur blockbuster My Hero Academia et tout ce que ça implique ou ce que ça va permettre en terme de choix éditoriaux. On revient aussi sur les autres lancements de l’année et l’analyse du marché. C’est toujours super intéressant, je vous laisse le constater par vous-même. Bonne lecture 🙂

Préambule : Kizuna, pour les 7 à 77 ans…

KizunaBonjour Ahmed Agne… Première question, en rapport avec l’actualité comme d’habitude : Kizuna, c’est quoi, c’est pour qui et quel est le but de cette collection ?

En fait nous commencions à nous sentir un peu à l’étroit dans les catégories shônen, shôjo et seinen. Nous avons toujours hésité avant de les utiliser d’ailleurs – nous l’avons déjà évoqué ensemble à travers les années – mais ce sont celles qui se sont imposées, que tout le monde utilise en point de vente, donc il est difficile de passer à côté.

Nous avions beaucoup de titres labellisés seinen au catalogue, car c’est l’étiquette qui leur était donnée par le magazine de publication japonais, mais ils n’étaient pas des seinens dans le sens où on l’entend sur le marché français (une violence exacerbée, une chronique sociale, etc.). Ces séries, comme Bride Stories, Père et Fils ou Cesare par exemple, s’adressaient à tous les publics.

Nous voulions donc les sortir de la catégorie seinen : notre catalogue possède de plus en plus de séries comme ça et il en aura encore plus à l’avenir. Il nous fallait donc une catégorie pour les représenter, créer une catégorie qui serait l’équivalent en manga du « 7 à 77 ans » de la BD franco-belge. Ce sont des titres que l’on peut se passer sans problème au sein d’une famille, lire entre parents et enfants. Lorsqu’on est libraire on peut le conseiller à un client qui ne connait pas trop le manga et qui voudrait faire un cadeau à son neveu ou à sa nièce. Il pourra lui aussi le lire et s’y retrouver.

Kizuna c’est donc une collection de titres universels et grand public qui vient compléter les segmentations shônen, shôjo et seinen de notre catalogue.

Collection-kizuna

Puisque l’on parle collection et seinen, comment la différencier de Latitudes ?

Latitudes c’est une collection de roman graphique, de BD d’auteur qui est, elle, est vraiment adulte. Je ne ferai pas lire du Tetsuya TOYODA à des enfants ou Unlucky Young Men à des adolescents. Kizuna est beaucoup plus universel.

Retour sur le marché du manga en 2016

Ok, c’est noté. Lançons nous maintenant dans le marché du manga en France. Il s’est vendu environ 13,6 millions de manga en France en 2016, soit une progression des ventes de 10 % par rapport à 2015. C’est la seconde année de progression, est-ce qu’elle se résume uniquement à des phénomènes comme One-Punch Man ou My Hero Academia où est-ce qu’il y a une vraie dynamique, plus solide, derrière ?

Un peu des deux. Clairement les lecteurs commençaient à se lasser des blockbusters habituels, car Naruto et One Piece sont des séries qui ont près de 20 ans maintenant. Ces séries ont une longévité exceptionnelle et c’est déjà incroyable qu’elles continuent de se vendre autant après tant d’années. Mais, malgré tout, il y a un petit effet de lassitude qui entraîne une érosion des ventes. Cet effet commence aussi à se percevoir sur Fairy Tail, qui a commencé en 2008. Même si cette série est plus récente cela fait bientôt 10 ans qu’elle est en place.

Je pense que les lecteurs, contrairement à ce que pouvaient dire certaines analyses, n’étaient pas fatigués des blockbusters en soit mais ils voulaient juste de nouvelles choses. Le sang neuf qu’ont apporté des séries comme My Hero Academia, One-Punch Man, Platinum End et d’autres a eu pour effet de faire revenir des gens en librairie. Ils en ont alors profité pour acheter d’autres choses. Nous avons pu constater dans nos lancements de l’année qu’il y a clairement un mix entre les grosses séries commerciales qui trustent le haut du top des ventes mais aussi plein de séries plus atypiques qui tirent leur épingle du jeu : Kasane, Au cœur de Fukushima, Les enfants de la baleine sont des séries bien placées dans le top des lancements. Les lecteurs sont allés en librairie pour aller acheter des nouveaux blockbusters, mais pas uniquement.

Blockbusters Manga 2016

Blockbusters Manga 2016

Comment va Ki-oon dans ce contexte ?

Comme nous faisons partie des trois chanceux du marché cette année, c’est à dire ceux qui ont sorti un nouveau blockbuster, 2016 a été une année exceptionnelle pour nous. Nous n’avons jamais écoulé autant de manga sur une année et nous n’avons jamais fait de lancement aussi fort que My Hero Academia.

Combien de mangas vendus cette année ?

Selon notre distributeur nous sommes à 1,3 millions d’exemplaires écoulés, et ce en conservant une production qui reste identique voir même légèrement plus faible, de 110 sorties en 2015 à 106 en 2016.

My Hero Academia 7_Coffret Collector CS5Pour My Hero Academia nous envisagions un lancement à la Seven Deadly Sins en terme de quantité et au final nous en avons vendu trois fois plus, à période comparable. Nous sommes les premiers enchantés par ce succès. Après c’est une série qui va s’installer sur le très long terme : c’est un manga du Shônen Jump ce qui veut dire plusieurs dizaines de volumes, ça représente un grand nombre d’années avant de voir la fin de la série.

Cela représente aussi un enjeu pour l’éditeur anime, pour celui des jeux vidéo, pour ceux du merchandising. De plus, à chaque fois que des nouveaux licenciés arriveront pour s’ajouter à la marque My Hero Acadomia, cela renforcera le manga. Ce sera un marathon mais la bonne nouvelle pour nous c’est que c’est un marathon qui a commencé comme un sprint. En dehors de One-Punch Man, qui est un cas à part, c’est le meilleur lancement depuis Fairy Tail en 2008. Donc c’est vraiment très bien.

One-Punch Man a plus l’envergure d’un « phénomène », il a démarré très fort dès le départ…

Oui et c’était mon pari aussi, que One-Punch Man démarre très fort là où My Hero Academia s’installerait plus solidement sur le long terme, et que les courbes de ventes des deux finiront par se croiser. Pour One-Punch Man les ventes des tomes suivants se situent plutôt sur un pente descendante là où nous sommes plutôt sur une pente ascendante avec My Hero Academia.

Pour l’évolution d’un tel blockbuster, il y a un frein pour franchir un certain cap c’est la diffusion sur des chaînes généralistes. Toi qui t’occupes de My Hero Academia, est-ce que tu penses que l’anime peut allez plus loin que chez ADN ou que le retour des animes sur les chaines généralistes n’est pas encore à l’ordre du jour ?

Alors je ne sais pas ce qu’il va se passer au final, mais ce que je sais c’est qu’il y a beaucoup d’intérêt en ce moment de la part de plein de chaînes pour My Hero Academia, même si je ne peux pas parler à la place de Viz. Mais ça ne devrait pas être trop problématique. Ce qui a été un frein à la diffusion rapide de la série c’est que la première saison ne faisait que 13 épisodes. L’anime a été mis en production très tôt et Bones n’a pas eu de quoi faire 26 épisodes. Mais la seconde saison démarre en ce moment et elle sera plus longue. À la fin de la seconde saison, pour une chaîne de télévision, le nombre d’épisodes sera beaucoup plus intéressant pour une diffusion. Donc je ne me fais pas de souci. Après est-ce que ce sera sur du hertzien ou pas… Moi j’espère ! (Rires)

Année excellente donc, mais pour éviter les commentaires du genre : « c’est normal qu’ils progressent Ki-oon, ils ont My Hero Academia au catalogue, c’est facile quoi ! » Est-ce que tu peux nous dire si, en dehors de votre nouvelle série phare, 2016 reste tout de même une bonne année pour Ki-oon et pourquoi ?

(Rires) Alors c’est simple : on finit l’année à +21% alors que nous étions déjà avec une augmentation de 16% avant le lancement de My Hero Academia. Le catalogue est très sein dans sa globalité, et My Hero Academia n’est pas une réussite isolée. De toute façon nous avons toujours été connus pour avoir plein de middle sellers et c’est toujours le cas : Inuyashiki se porte très bien , Pandora Hearts s’est fini en 2016 mais compte beaucoup dans les ventes du fond, Darwin’s Game et A Silent Voice fonctionnent très bien : nous avons plein de séries qui se vendent entre 25 et 40 000 exemplaires par tome.

Dans le top 20 des lancements il y a 6 séries également… Peut-être moins que d’habitude dans le top 10 mais il faut dire qu’il y a eu pas mal de phénomènes cette année.

De toute façon j’ai toujours trouvé ça dangereux de s’enfermer dans le succès d’un seul blockbuster. C’est génial d’en avoir un mais si les gens ne voient plus que ça de ton catalogue cela devient très difficile d’en sortir après. Evidemment nous sommes ravis d’avoir MHA et nous allons le travailler très fortement pendant très longtemps, mais cela ne nous empêche pas de continuer à chercher des titres, chez tous les éditeurs, et de développer d’autres axes du catalogue. C’est aussi pour ça que cette année nous profitons du succès de MHA pour lancer Kizuna, pour lancer des choses beaucoup plus téméraires comme Les fleurs du mal

Ce sont des paris que vous pouviez faire déjà avant…

Oui, mais maintenant nous pouvons en faire plus !

Les fleurs du mal

Puisque l’on parle de choix de titres, comment te décides-tu ? Est-ce que l’originalité d’un titre ou un « petit plus » qui lui est propre peut te convaincre ou est-ce que tu recherches plutôt un bon équilibre entre graphisme, scénario, personnages, etc ?

Le graphisme est de moins en moins un critère décisif. Ça a été LE critère numéro 1 pendant très très longtemps, et ça le reste encore pour pas mal de lecteurs, car nous étions sur un marché pas encore aussi mûr que le marché japonais… Ce qui est normal de toute façon. Mais le lectorat français évolue vraiment ces dernières années. Nous avons parlé de A Silent Voice et Kasane : ce sont typiquement des titres qui ne rentrent pas du tout dans les canons graphiques de ce qui fonctionne habituellement.

Tu penses que ces deux titres là, s’ils avaient été publiés il y a 5 ans, auraient pu être des fours en terme de ventes ?

Je suis persuadé que, aussi bien dans la thématique qu’en terme de graphisme, nous n’aurions pas du tout fait les même scores que ce que nous avons pu réaliser là. C’est un constat qui ne vaut pas que pour le catalogue Ki-oon d’ailleurs. Certains titres sortis chez nos confrères il y a 5-6 années, qui n’ont pas fonctionné car le public n’était pas près, s’en tirerait probablement nettement mieux aujourd’hui.

Le public est désormais plus curieux, plus aventureux et prend plus de risques, à la nuance près que les blockbusters restent les titres qui se vendent le plus. Mais, honnêtement, pour en discuter avec de nombreux éditeurs de mangas étrangers, nous avons en France une offre éditoriale enviable et des titres atypiques qui arrivent à faire des scores très très bon . Après le Japon, c’est en France que A Silent Voice fait par ses meilleurs ventes, loin devant les américains, loin devant les autres pays européens. C’est un signe.

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Risques et challenges éditoriaux

Une question que je ne t’ai jamais posée, curieusement : doutes-tu beaucoup lors du choix d’un titre ? Est-ce que tu demandes leurs avis à d’autres personnes dans ce cas-là ? Comment ça se passe ?

Alors je pense qu’un éditeur qui ne doute pas ça n’existe pas. Ensuite lorsque j’aime un titre je n’ai pas de doute par rapport au fait que je l’apprécie, j’ai juste des doutes sur le fait qu’il va trouver son public, ou pas. Mais ce n’est pas une science exacte de toute façon, on ne peut jamais savoir ça.

Je me rappelle qu’avant le lancement de My Hero Academia, je n’ai pas dormi pendant 3 mois tellement j’étais stressé mais à côté de ça mes collègues éditeurs rigolaient et me disaient : «  t’inquiètes pas, tu vas en vendre des camions entiers. »

wolfsmund-8-ki-oonMais voilà quand c’est toi qui est dedans… (Rires) Tu n’es jamais sûr de toi ! Tu crois en ton titre mais tu ne peux jamais savoir ce que ça va donner. A l’inverse sur certain titres, comme Les fleurs du mal ou Golden Kamui, tu les publies en sachant que tu te fais plaisir mais que tu ne miseras pas l’avenir commercial de ta société dessus non plus. Tu les défends et si tu as une bonne surprise tant mieux, mais si ce n’est pas le cas ça restera un plaisir en tant qu’éditeur mais sans nuire à ton entreprise.

Allez hop misons un rein sur Wolfsmund et un autre sur Golden Kamui pour finir en dialyse à la fin de l’année !

(Rires) Exactement. C’est aussi pour ça qu’un blockbuster comme MHA, qui nous donne de la visibilité sur plusieurs années, est une bénédiction pour un éditeur comme nous. Le nombre de titres comme Wolsfmund ou Les fleurs du mal que tu peux sortir dans une année est forcément limité, parce que tu as une responsabilité de chef d’entreprise par rapport à tes employés et aux gens avec qui tu travailles.

Un blockbuster te permet de prendre ce genre de pari en étend plus détendu… Pas détendu dans le sens de ne plus les défendre et de se moquer qu’ils se vendent ou pas – nous ferons toujours les efforts qu’il faut pour ces titres là – mais détendu car l’avenir de ta société ne dépend pas de la réussite ou de l’échec de cette œuvre là.

Est-ce que ça veut dire que vous allez sortir plus de titres ou autant de titres mais avec plus de risques ?

Autant de titres et parmi les titres choisis je pourrai prendre plus de risque. Pour ce qui est du nombre de titres pour l’instant nous restons autour de 110 par an. Mais prendre plus de risques c’est aussi, pour des titres plus atypiques, mettre plus de budget sur la table pour les présenter le mieux possible, leur donner plus de chances de réussir. Ce n’est pas qu’une question de sortir cinq fois plus de titres risqués c’est plutôt choisir de les sortir mieux, de s’engager davantage dessus lorsqu’ils seront publiés.

Par exemple, typiquement, en lançant la collection Kizuna, nous allons pouvoir proposer un titre comme Hanada le garnement, qui est un titre que j’adore mais qui n’est pas ultra facile à vendre, qui bénéficiera du buzz autour du lancement de la collection, alors qu’il aurait été encore plus difficile à vendre en simple seinen ou shônen. C’est aussi ça que ça permet de faire, nous pouvons faire des investissements de cet ordre là.

hanada_le_garnement_la_seconde_serie_de_la_collection_kizuna_de_ki-oon_7176

Passons des titres audacieux à une thématique qui peut parfois l’être elle aussi, et qui est fortement associée à Ki-oon : le manga historique. Le hasard a fait que récemment j’ai lu beaucoup de mangas historique et c’est chez vous que j’en ai trouvé le plus… Ki-oon, spécialiste du genre ?

Ah c’est une étiquette parmi d’autres et qui me va tout à fait, oui. Mais ce n’est pas par hasard… Bon, là, je raconte un peu ma vie mais il s’avère qu’avant d’être éditeur de manga je voulais faire des études d’Histoire. J’étais passionné d’histoire et de mythologie égyptienne et je voulais devenir archéologue, jusqu’à la classe de 1ère. Puis je suis tellement tombé dans la marmite manga que j’ai changé de plan sur la fin mais, forcément, ça reste un domaine qui me passionne. Ce n’est donc pas pour rien que ça se retrouve dans mes choix éditoriaux avec Cesare, Ad Astra, le Requiem du roi des roses, etc. Ce sont des sujets qui me tiennent à cœur.

On le comprend, c’est vrai que c’est vraiment passionnant comme type d’ouvrage. Pour autant, ce n’est pas un genre facile, non ?

Ce n’est pas un genre facile effectivement, mais nous nous en sortons plutôt bien. Cesare a été un très beau succès, c’était le premier que nous avons sorti dans cette thématique. Nous avons invité les auteurs au Salon du Livre de Paris, il y a eu une exposition, beaucoup d’articles dans la presse, etc. et aujourdhui nous avons vendu autour des 20 000 exemplaires pour le premier tome. Ad Astra a très bien fonctionné aussi. Le Requiem du Roi des Roses beaucoup moins, mais je ne m’attendais pas non plus à un succès tonitruant, Wolfsmund pareil…

Reine d'EgypteCela dépend donc des titres mais je ne dirai pas que c’est un genre difficile à défendre pour autant. C’est même tout le contraire car nous pouvons facilement décloisonner et sortir du lectorat manga avec des titres comme ça, nous pouvons parler au plus grand nombre. Nous le ressentons beaucoup en ce moment par exemple, avec le lancement de Reine d’Egypte : nous avons énormément de sollicitations bien au delà de la presse avec des demandes d’école, de bibliothèques et de lecteurs qui ne connaissent pas forcément Ki-oon. Ce sont plutôt des bons indicateurs qui montrent encore une fois qu’il s’agit de thématiques universelles.

Pourtant, lorsque nous avons lancé Cesare, son éditeur japonais Kodansha peinait avec cette série car aucun éditeur en France n’en voulait. C’était la seconde ou troisième série pour laquelle nous faisions une demande chez eux et ils nous demandaient « mais pourquoi ce titre là, personne n’en veut en France, ça va être très compliqué ! ». Je leur répondait que, non, ce n’était pas si compliqué : nous étions en plein changement de Pape, en pleine série TV sur les Borgia sur Canal + et ailleurs qui faisaient des cartons d’audience, les Français sont attachés à cette période de leur histoire. Donc non, ce n’est pas compliqué. Ça peut l’être si tu te places en tant que vendeur de manga pur et dur. Mais pour un éditeur de livre qui vise un public large, c’est une super opportunité… et ça a très bien fonctionné.

Et pour parler d’un titre 2016, Golden Kamui, le résultat semble plus mitigé. Pourquoi selon-toi ?

Alors déjà c’est à nuancer car c’est un titre sorti en août et qui s’est quand même vendu à 6 000 exemplaires, ce qui est loin d’être infamant.

C’est de l’ordre du Requiem du Roi des Roses ?

Ah non pour le Requiem ça avait été beaucoup plus compliqué. Sur la première année nous en vendions autour de 2 500 exemplaires.

Ah oui en effet, Golden Kamui n’est pas si bas que ça !

Golden Kamui

Golden Kamui

Bah disons que comme c’est un titre des éditions Shueisha, dès que nous n’en vendons pas 25 000 exemplaires certains pointent ça du doigt et disent, mais c’est de bonne guerre : « aaaaah vous voyez ils se sont bien plantés là ! » (Rires) Mais en fait non, et de toute façon nous  ne nous attendions pas à vendre des dizaines de milliers car c’est un titre assez atypique, au delà de son aspect historique : chasse, pèche, nature et traditions à Hokkaido dans le Japon du début du 20e siècle, ça cumule un peu les choses bizarres quoi. (Rires) Moi j’adore, je suis complètement fan du trait de l’auteur et de son découpage, mais j’étais parfaitement conscient que ce serait compliqué. Shueisha aussi d’ailleurs, nous n’étions pas quinze à nous battre pour Golden Kamui.

Mais c’est une série à observer sur le long terme, avec le bouche à oreille, avec un développement audiovisuel au Japon aussi. De plus ça nous ouvre pas mal de portes : j’ai fait une conférence le mois dernier au musée Branly pour parler de Golden Kamui et des Aïnous. C’est permet de s’adresser à un public auquel nous n’avons pas l’habitude de parler. A voir sur le long terme, donc.

Et pour finir avec le dernier de vos titres : Reine d’Egypte. Maintenant que l’on sait que tu as failli être archéologue, on imagine que tu as du bondir sur le titre non ?

J’ai complètement bondi sur le titre et en plus, contrairement à ce que les lecteurs pourraient croire, il y avait une compétition intense. Au moment où Enterbrain l’a vendu il y avait déjà eu des succès comme Cesare et Ad Astra donc nous étions nombreux sur le coup. Il a fallu batailler et mon profil de passionné de mythologie a pu peser dans la balance et je suis très content de récupérer ce titre.

En plus je pense qu’entre la France et l’Egypte il y a vraiment un lien, et c’est un univers qui fascine beaucoup de lecteurs. En bande dessinée comme en littérature ça fonctionne toujours très bien. Les romans comme ceux de Christian Jacques basés sur la mythologie égyptienne cartonnent, je crois qu’il en est à plus de 35 millions d’exemplaires vendus dans le monde.

De quoi faire un chouette Salon du Livre alors, pour la venue de l’auteure !

Nous avons tout fait pour en tout cas, avec un stand spécial Reine d’Egypte (NDLR : voir l’album photo du SDL 2017, ici). Et le public est au rendez-vous puisque ce lancement a été un succès, le 7e meilleure lancement de l’histoire de Ki-oon.

Stand Ki-oon au SDL 2017

Stand Ki-oon au SDL 2017

Passons à une autre thématique : bah alors, toujours pas de nouveaux shôjos en vue ?

Baaaaaaaaah non, je suis un peu un vieux con là dessus. (Rires) Mais j’en lis hein, je tiens à défendre mon honneur sur le sujet, je continue d’en lire ! Mais pour l’instant je n’ai pas eu les quelques titres qui auraient pu m’intéresser.

Est-ce que tu dirais que c’est parce que tu es très sélectif ou plutôt que le shôjo est un genre qui a besoin d’évoluer ?

Je pense que c’est le genre le plus segmentant dans ses thématiques : presque tout le monde peut lire du shônen, garçons comme filles, et presque tout le monde peut lire du seinen, hommes comme femmes, mais une grande partie de la production shôjo vise vraiment son public, ce qui est sa force et sa faiblesse. Une grande partie de ces titres parlent de lycéennes amoureuses de deux garçons à la fois et qui ne savent pas choisir… Quand je lis ça je n’arrive pas à me projeter et je m’ennuie. Donc comme je n’ai pas d’éditeur qui s’occupe du shôjo et que c’est moi qui fais les choix éditoriaux je ne fais pas d’offre dessus et je n’en publie pas.

Maintenant c’est pas le genre qui est à jeter : Switch Girl je me suis bien marré à le lire, Mon histoire je trouve ça très bien, Orange je trouve ça très bien. Il y a plein de titres que je lis et que j’apprécie mais il se trouve que je suis pas l’éditeur choisi pour avoir ces licences là, car il y a en d’autres installés sur le créneau et qui sont plus crédibles que nous pour l’instant. Un jour nous aurons une éditrice spécialisée là dedans et nous aurons une collection plus développée mais pour l’instant ce n’est pas la priorité… On ne peut pas tout faire en même temps.

Prophecy CopycatPuisque l’on parle de choses plus inédites : votre coffret Tsutsui Copycat, ça a donné quoi ?

Le collector a fonctionné correctement, sans plus. La raison maintenant… Peut-être qu’il y a eu beaucoup de temps écoulé entre les deux séries, il y 4 ans entre le début de Prophecy et celui de Copycat, donc ce n’était pas facile de raccrocher les fans de la première trilogie, d’autant que le dessin de Copycat a été réalisé par un autre dessinateur, donc ça a rendu les choses un peu compliqué. Mais ce sont des choses que nous allons continuer à faire parce qu’il y a une demande et une cohérence éditoriale à le faire.

On continue avec un autre type de produit, l’association entre un manga Ki-oon et un roman chez Lumen, vous en êtes-où ?

Pour l’instant il y a déjà eu des passerelles avec le roman de King’s Game, qui a super bien fonctionné. Nous l’avons fait aussi pour Remember. Mais après Lumen est une marque de roman pour adolescents et jeunes adultes, c’est autre chose que le light novel. Donc lorsqu’il y a une cohérence éditoriale entre le manga et le roman il n’y a pas de problème à ce que nous fassions des collaborations mais faire du light novel chez Lumen ça n’aurait pas de sens. Si nous devions faire du light novel ce serait sous une autre marque.

Evolution des tendances et nouveaux défis

Pour finir ce bilan sur 2016, as-tu des déceptions ?

Plus que de la déception je ferai un constat, qui reprend ce que nous avions évoqué l’an dernier à savoir que le survival / game allait arriver à saturation, car tous les éditeurs s’y mettaient. À l’époque où nous avons un peu ouvert la voie il n’y avait que très peu d’offre, et les titres fonctionnaient très bien. Mais maintenant l’offre est devenue tellement importante que les ventes de chaque titre deviennent plus anecdotiques par rapport à ce qu’elles étaient… Alors on ne peut pas dire pour autant que le public n’aime plus ça car, en vente absolue, le nombre d’exemplaires écoulés reste très important. Mais ça se partage sur tous ces titres. Nous nous doutions que ça allait arriver à un moment ou à un autre et voilà, c’est arrivé en 2016. Il y a en eu énormément chez plein d’éditeurs qui n’en faisait pas forcément auparavant : chez Kurokawa, Kana, Groupe Delcourt, Doki-Doki, etc. Chez tout le monde en fait. Ça ne veut donc pas dire que le genre est mort, mais que la fête est un peu finie.

Une fois que toutes ces séries se seront achevées, car plusieurs ont pris des séries courtes ou moyennement longues, il n’y retourneront peut-être pas de sitôt et un équilibre se trouvera peut-être…

Oui c’est possible. C’est un mouvement que nous avions anticipé il y a un moment donc nous sommes passés à autre chose… sans que nous arrêtions d’en sortir complètement pour autant.

Tournons-nous pour finir vers 2017 : comment démarre l’année pour le marché du manga français dans son ensemble ?

Sur janvier, les chiffres peuvent paraître paradoxaux car en 2016 le lancement de One-Punch Man a entraîné un très bon mois de janvier 2016. En 2017, le mois de janvier se situe à +0,1%.

+0,1% mais sans le lancement de One-Punch Man c’est donc pas mal ! Et pour Ki-oon ?

Sur janvier nous sommes à +18,4% ça a très très bien démarré. Mais c’est pareil ça n’est pas forcément significatif : nous avons eu un tome de My Hero Academia, proposé dans deux versions normale et collector, qui a très bien fonctionné d’ailleurs. Donc ça va plutôt bien et je pense que l’année 2017 va être bonne, car il y a plein de choses assez costaudes qui vont se lancer un peu chez tout le monde.

Chez nous il y a Reine d’égypte sur lequel nous misons beaucoup, il y a Les mémoires de Vanitas, le nouveau manga de Jun MOCHIZUKI, l’auteure de Pandora Hearts que nous allons lancer en juillet à Japan Expo, Pandora étant le best-seller historique des éditions Ki-oon avec plus de 700 000 exemplaires vendus et il y a aussi une jolie surprise pour la rentrée dont nous ne pouvons pas encore parler. Chez Kana il y a Fire Force en mai qui a beaucoup de potentiel et Boruto peut donner un résultat sympa, pour les anciens il y a Dragon Ball Super, il y a Mob Psycho chez Kurokawa

les mémoires de Vanitas

Voilà il y a des choses intéressantes et même des titres pour lesquels les éditeurs se battent et qui pourraient arriver au second semestre. Donc si on ajoute les séries qui ont cartonné en 2016 et qui continuent – nous tablons en 2017 sur un nombre d’exemplaires vendus sur My Hero Academia deux fois plus important qu’en 2016 – il y a de quoi faire une très bonne année !

C’est tout ce que l’on souhaite en tout cas ! Merci Ahmed !

Pour suivre Ki-oon vous avez le choix : vous pouvez suivre leur actualité sur leur site internet, leur page Facebook ou leur Twitter ! Merci à Ahmed Agne pour son temps et sa disponibilité. Merci également à Victoire pour la mise en place de cette interview !

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