Le parfum du bonheur est plus fort sous la pluie de Virginie Grimaldi 5/5 (07-05-2017)
Le parfum du bonheur est plus fort sous la pluie (463 pages) est disponible depuis le 3 mai 2017 aux Editions Fayard.
L’histoire (éditeur) :
Pauline, quittée par son mari Ben, se retrouve obligée de vivre chez ses parents avec son fils de quatre ans. D'abord abattue, elle décide de ranimer ce qui avait fait tenir sa relation avec Ben jusque là. En lui envoyant, chaque jour, le souvenir d'une histoire liée à leur rencontre, elle tente de rappeler à Ben, qui l'a peut-être oublié, qu'ils se sont aimés.
Mon avis :
« - Mademoiselle Pauline Marionnet, consentez-vous à rendre pour époux Benjamin, Henri, Marius Frémont ?
- Oui !
- Monsieur Benjamin, Henri, Marius Frémont, consentez-vous à prendre pour épouse mademoiselle Pauline Marionnet ?
- Oui !
- Au nom de la loi, je vous déclare mari et femme ! »
Page 168
Dix ans de mariage et 15 ans de vie commune, ça se fête !!! Pour Pauline, plutôt deux fois qu’une et, en plus du traditionnel restau avec vue sur le bassin d’Arcachon (le même depuis 11 ans), elle a choisi de réserver une chambre et de mettre ses dessous les lus saillants. Oui, mais si Ben, cet habituel retardataire, a déjà deux heures de retard, ce n’est pas pour rien… Ben est parti il y a trois mois et il faut encre du temps à Pauline pour réaliser, se laisser submerger par le chagrin et laisser enfin s’effriter l’espoir que tout cela puisse être un malentendu.
Heureusement Pauline n’est pas seule (même cet entourage est parfois difficile à supporter) : elle a son petit Jules, 4 ans, et ses parents chez qui elle es retournée vivre depuis la rupture.
« Quand je suis rentrée chez mes parents, après le psy, j’ai été agressée pat le silence. Tant qu’à être seule, autant l’être entourée. » page 127
« on dit que le temps fait bien les choses. Qu’il atténue le chagrin et le transforme en souvenir. Pour le faire passer plus vite, je le remplis de routines, je le comble d’habitudes.
Toutes les journées se ressemblent, à quelques détails près : Jules, boulot, dodo agité. Un week-end sur deux, quand mon fils est avec moi, on enchaine les activités. Quand il est avec Ben, j’enchaine les siestes.
Quatre mois se sont déjà écoulés à ce rythme effréné. J’ai bon espoir d’atteindre les dix ans en un clin d’œil. » page 23
Mais c’est loin d’être suffisant et après une perte de poids considérable et un incident au travail, elle est forcée de prendre quelques jours pour se reposer.
Incapable de comprendre comment cluie qui l’aimait comme un fou a pu tout oublier, de leur belle histoire d’amour, de couple, de famille, elle décide, sur les conseil de son frère, de lui rappeler tous ces bons, beaux et délicieux moment qu’ils ont vécus.
« De notre vie, il ne reste que des souvenirs. Je ne veux pas les perdre. Page 47
Des histoires de rupture, il y en a des dizaines, des centaines, des milliers en littérature. Virginie Grimaldi se démarque là par son style (pas dénué de commisération mais franchement loin de l’apitoiement !), par la construction de son récit et par le choix de ne pas s’intéresser qu’au couple. Il est aussi question d’alcoolisme, de relations fraternels, de perte, de dépression, d’accouchement, de cancer, d’adolescence…
« Je déteste l’alcool. Il m’a volé mon père pendant des années, il lui a fait croire qu’il était plus fort, plus heureux, mais c’était tout le contraire ? il a s’saccagé notre innocence. (…)
Son père est mort, deux de ses frères aussi. Dans la famille de mon père, l’alcool, c’est une religion. Ça vous fait croire et ça vous accompagne jusqu’au cercueil. » page 143-144
Elle parle si bien de la vraie vie, des choses simples du quotidien de ses personnage (le nôtre également !), elle évoque avec naturel ce qui nous est proche, ce que chacun connait ou vit, qu’il est impossible de ne pas se sentir bien dans ces pages, à l’aise et profondément touché par l’histoire. Et puis à aucun moment le sentiment de lire du déjà vu n’est présent.
Il y a tellement d’intelligence, des petits mots qui n’édulcorent pas le roman mais au contraire lui fond gagner en profondeur, des réflexions réalistes et pas toujours tendres qui vous empêchent de sortir indemnes de ces pages…. C’est intense et riche !!!!
« Je devrais m’y faire, c’est ainsi depuis l’instant où Ben m’a quittée : tout me le rappelle. Comme si l’univers s’était ligué contre moi pour me faire prendre la mesure de ce que j’ai perdu. Une odeur dans un magasin, un prénom dans un film, une chanson à la radio, une silhouette dans la rue. Il n’a jamais été aussi présent que depuis qu’il n’est plus là. » Page 100
Ce qu’il y a de bien avec Virginie Grimaldi c’est qu’elle parle simplement et que dans ces mots de tous les jours, elle y glisse quelques pépites
- d’humour « Ma mère conduit aussi bien qu’elle cuisine. Au deuxième virage, j’ai envie de vomir. Au troisième rond-point, j’ai envie de sauter. A la cinquième tentative de créneau, j’ai envie d’être adoptée. » Page 51,
- de tendresse « Lui, il rit. Un rire franc, sincère, qui vient de son ventre et s’éparpille dans la brise. C’est le plus joli son au monde. On devrait offrir des CD de rires d’enfants aux gens qui vont mal. » page 138,
- de poésie « Je ne connais rien de plus apaisant que le fer brûlant qui glisse sur le tissu et le transforme en un clin d’œil. De froissé et rêche, il devient lisse et doux. Pourvu qu’un jour on invite un fer à repasser sa vie. » page 213,
- de cruelles vérités « L’ivresse c’est l’endroit où vont ceux qui ne veulent être nulle part. C’est l’endroit on peut mourir un peu, mais pas tout à fait » page 285,
- et de beaucoup d’émotions.
Bref, elle évoque la vie comme peu le font, elle parle à tous (Messieurs lisez aussi ses livres, c’est loin de n’être que des romans féminins. Ce sont des romans universels !) avec ce qu’il faut de simplicité pour que la lecture défile, qu’on avale ses moments de vie avec boulimie et qu’on se délecte au détour d’une page d’une formule, d’une image délicieusement touchante et vraie, douce aux oreilles, chaude au cœur ou brutale (mais nécessaire), élégante, pleine de charme et de délicatesse, des phrases qu’on aime lire (même si ça réveille des souvenirs qui font parfois mal) et qu’on ne peut s’empêcher de souligner ou noter.
En deux mots : merci Virginie Grimaldi pour cet excellent livre. Il y a là une acuité émotionnelle indescriptible. Tout en évoquant une sujet récurent de la littérature féminine, vous réussissez à faire un livre original, incroyable de sincérité, évocateur et inoubliable !