Partager la publication "[Critique] MESSAGE FROM THE KING"
Titre original : Message From The King
Note:
Origine : Grande-Bretagne/France/Belgique
Réalisateur : Fabrice Du Welz
Distribution : Chadwick Boseman, Teresa Palmer, Natalie Martinez, Teresa Palmer, Tom Felton, Alfred Molina, Jake Weary…
Genre : Thriller
Date de sortie : 10 mai 2017
Le Pitch :
Jacob King, un jeune homme originaire de Cape Town, débarque à Los Angeles après avoir reçu un message alarmant de sa sœur. C’est alors qu’il apprend que celle-ci a été torturée par des malfrats dont il ne tarde pas à remonter la piste. Commence pour King une vengeance sans pitié…
La Critique de Message From The King :
Digne représentant d’un cinéma belge sans concession, Fabrice Du Weltz s’est fait remarquer avec le sauvage Calvaire, avant de signer Alleluia, qui non content d’avoir secoué la Croisette, a aussi contribué à le faire remarquer un peu plus. Un film qu’il eut à peine le temps de terminer avant de s’envoler pour Los Angeles, cédant à son tour aux sirènes américaines, pour prendre les commandes d’un thriller urbain…
Justice sauvage dans la ville
Déraciné, Fabrice Du Weltz ne put pas compter sur ses collaborateurs habituels pour mettre en boite son premier film international. Une production modeste à laquelle il est quand même parvenu à insuffler une partie de son identité, permettant à un postulat plutôt basique de déboucher sur quelque chose de prime abord plus racé qu’à l’accoutumé. Car avec son pitch qui tient sur un timbre poste, Message From The King n’entend pas révolutionner le genre auquel il s’attache et qui, avec la saga Un Justicier dans la ville, le plus récent Equalizer ou encore Death Sentence, s’est régulièrement attiré les foudres de ceux qui ne voyaient là que des pamphlets réactionnaires ultra violents et donc profondément dérangeants à de multiples niveaux. Du Weltz lui, a tenu bon et a imposé un tournage avec de la bonne vieille pellicule. Le grain de son long-métrage lui ressemble et renvoie aux bas-fonds de Los Angeles dans lesquels prend place l’action. Et si Message From The King n’a pas l’audace ou la personnalité d’un Calvaire ou d’un Alleluia, force est de reconnaître la réussite de Du Weltz, qui ne s’est donc pas totalement laissé écraser par un système pourtant propice à l’étouffement de décisions originales et parfois risquées.
Voilà pour le bon point. Nous voici devant un long-métrage visuellement racé, qui parvient en une poignée de minutes à imposer une atmosphère prégnante et bien sûr souvent oppressante. Ce qui est bien mais finalement pas tant que ça…
Du glauque pour du glauque
Conscient que le style de son intrigue ne lui laissait qu’une mince marge de manœuvre, le réalisateur belge s’est concentré sur la forme pour se démarquer. Avec un certain succès comme vu précédemment. Pour le reste, c’est plus compliqué. Connu pour livrer des œuvres radicales, Du Weltz n’a clairement pas mis de filtres à l’occasion de sa traversée de l’Atlantique et chaque fois qu’il en a l’occasion nous abreuve d’un glauque à tout épreuve, quitte à en faire régulièrement des caisses sans que cela ne soit vraiment justifié. Pas tout le temps en tout cas. Et plus l’intrigue avance, plus c’est le cas. Ça, plus l’accumulation de bons gros clichés, également inhérents au genre, mais curieusement mis en avant sous l’impulsion d’un réalisateur un peu en roue libre. Ce qui n’est pas forcément gênant en permanence car encore une fois, le scénario laisse la place à certains excès. Ce qui est beaucoup plus problématique, c’est que Du Weltz se pose, surtout dans la seconde partie, comme un observateur très critique, envers le cinéma américain et même l’Amérique en général. Là encore, en soi, ce n’est pas vraiment un problème. C’est la façon dont le cinéaste souligne sans aucune mesure ce que son film entend dénoncer, qui pêche. Son héros déboule dans une cité qui pue (littéralement) et où les gens qu’il croise sont soit des camés, soit des psychopathes soit des riches pourris jusqu’à l’os. Sans aucune forme de nuance, Message From The King démonte le rêve américain avec un manichéisme qui confine vite au ridicule, tandis que son scénario exploite des clichés issus du vigilante movie américain sans forcément les comprendre ou les respecter. Oui, Du Weltz sait exploiter son environnement, mais ce qu’il ne sait visiblement pas faire, ou qu’il choisit de ne pas faire, c’est faire preuve de subtilité. Résultat, Message From The King tourne en rond et s’enfonce dans les méandres d’une vengeance aussi glauque qu’involontairement risible. Le point culminant étant atteint lors de la confrontation du personnage principal avec le grand méchant producteur hollywoodien, qui en plus d’avoir réussi là où d’autres ont échoué, entretient des vices bien crades. Pour résumer, Du Weltz prend ce dont il a besoin, profite du système et dénonce sans vraiment argumenter, en se contentant de lieux communs gênants et autres facilités scénaristes qui à l’arrivée, endommagent vraiment la portée de son discours. Alors ok, ce n’est pas lui qui a écrit le scénario, mais cela n’empêche pas de voir où il veut en venir.
Les acteurs de leur côté, assurent leurs partitions, même si là encore, on doit se contenter de bons vieux clichés sur pattes. Pas forcément concernant Chadwick Boseman, ce monstre de charisme, qui imprime de la gravité et de l’émotion à son personnage, avec un brio certain, mais concernant tous les autres. Teresa Palmer doit se contenter du personnage rabattu de la fille au grand cœur perdu dans les méandres d’un rêve qui a tourné depuis belle lurette au cauchemar, Luke Evans nous livre une interprétation pas super investie du méchant sans foi ni loi, tandis qu’Alfred Molina écope de la peine la plus lourde avec ce rôle de producteur moisi jusqu’à l’os, dont l’outrance ne fait que rappeler que Message From The King n’a rien de subtil mais reste par contre suffisamment prétentieux et vain pour ennuyer dans tous les sens du terme passé la première heure.
Il était prévisible qu’un artiste comme Fabrice Du Weltz, dont la filmographie n’a absolument rien de quelconque ou de commercial, n’allait pas se contenter de jouer le jeu des studios sur un film de commande. Et si Message From The King rassure bel et bien sur ce point et met en avant de belles qualités, formelles pour la plupart, le reste n’est pas forcément reluisant pour autant et c’est regrettable.
En Bref…
Fabrice Du Weltz tente de redynamiser et de s’approprier un genre purement américain, en y apportant sa touche et une nette tendance à se montrer très critique. Au final, si il commence sous les meilleurs auspices, Message From The King part vite dans tous les sens et se perd en chemin. Entre clichés gros comme un gratte-ciel, outrances pas toujours justifiées et un bon vieux manichéisme typique du type qui fait semblant de ne pas profiter d’un système dans lequel il est néanmoins bien content d’évoluer désormais, ce film ne sonne pas de la façon espérée.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : The Jokers/Les Bookmakers