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Voiture autonome : les deux leçons du pari de Valeo

Publié le 18 mai 2017 par Pnordey @latelier

En annonçant vouloir tester son véhicule autonome dans Paris, le grand équipementier français envoie deux messages importants. L’un sur la localisation de la révolution numérique, l’autre sur l’évolution du business model de l’industrie automobile.

Le grand équipementier automobile français Valeo se lance un véritable défi : faire bientôt rouler son prototype de voiture autonome (un Range Rover) … dans Paris ! Cette information raconte fondamentalement deux choses.  La première, c’est que la voiture autonome n’est pas réservée aux Etats-Unis. On a parfois l’impression qu’en matière de révolution digitale, les choses bougent très vite de l’autre côté de l’Atlantique et que le Vieux Continent est un peu à la traîne. Certes, la dynamique tricolore existe avec le succès de la FrenchTech mais les start-up françaises ne rêvent plus de se faire coter à Paris mais uniquement d’entrer au Nasdaq.

Le cauchemar de l’Etoile

En matière de voiture autonome, symbole le plus grand public (avec les drones) de cette révolution digitale, plus compréhensible que l’intelligence artificielle par exemple, il en va de même. On a l’impression que tout se passe dans la Silicon Valley. Il se dit même qu’aujourd’hui, à San Francisco, une voiture sur quatre qui roule dans la cité serait une voiture autonome.

Mais l’annonce de Valeo change la donne. Elle montre que l’Europe, et notamment la France, avance, elle aussi. Et c’est d’autant plus remarquable que la configuration routière en Europe est beaucoup plus contraignante que celle des Américains. Rues sinueuses, respect aléatoire des règles du code de la route : l’Europe est un cauchemar pour la voiture autonome.

Et Valeo va plus loin en décidant de faire rouler son Range-Rover autonome en plein Paris qui réunit toutes ses difficultés, en particulier la place de l’Etoile où elle devra faire ses preuves.

Valeo

Là, ce n’est plus un cauchemar, c’est un enfer : aucun marquage au sol, la nécessité de s’engager vigoureusement dans le carrefour, en priant que chacun respecte la seule règle en vigueur place de l’Etoile : la priorité à droite. Si la voiture autonome de Valeo passe ce test avec succès, elle pourra rouler n’importe où.

Le troisième larron

La deuxième chose que nous apprend cette information, c’est que le rapport de force sur la voiture autonome est en train de bouger. Dans l’industrie automobile existaient en gros deux catégories d’acteurs : les constructeurs qu’on peut aussi appeler plate-formistes, assembleurs, ensembliers. Les Renault, Peugeot-Citroën, Toyota, Volkswagen, General Motors, Ford, etc. Et puis les équipementiers qui fournissent les phares, l’électronique, la climatisation, les pneus, etc. Jusqu’à maintenant, le rapport de force était clair et il était en faveur des constructeurs. Même si le projet de Michelin de mettre des moteurs dans chaque roue et donc de rendre inutile le moteur central vise à modifier cet équilibre. Cette organisation est désormais comme beaucoup d’autres menacée d’ « ubérisation » par la révolution digitale. Les GAFA sont entrés dans la danse avec la voiture autonome. Google a présenté sa Google Car, Apple a planché sur un projet. Et Tesla a débarqué avec des voitures classiques mais électriques mais aussi un système de véhicule autonome.

La prédiction de Carlos Ghosn

Le bras de fer a donc commencé entre les constructeurs et les GAFA. Cela a poussé les constructeurs automobiles à se bouger et à accélérer dans le domaine de la voiture autonome. Du coup, ils ont semblé reprendre un coup d’avance sur Google et ses amis. Carlos Ghosn, le patron du groupe Renault – Nissan – Mitsubishi, a clairement indiqué, au dernier CES, le Consumer Electronic Show, de Las Vegas, qu’en matière de véhicule autonome, les GAFA seraient des équipementiers. Le sous-entendu est clair : des équipementiers comme les autres, les constructeurs gardant la main sur cette industrie, même nourrie de véhicules autonomes.

C.Ghosn

L’annonce de Valeo vient perturber le champ de bataille. Elle montre que certains équipementiers classiques entendent eux aussi jouer dans la cour des grands et être aux commandes de la voiture autonome. Et ça, après la tentative d’offensive des GAFA, c’est une nouvelle alerte pour les constructeurs. La voiture autonome ouvre des perspectives nouvelles qui peuvent amener à un bouleversement du business model de cette industrie automobile. Valeo l’a bien compris. Ce n’est pas parce que vous fabriquez la carrosserie que vous gardez le pouvoir. A moins d’apporter une véritable différence, une expérience client unique exactement comme Apple l’a prouvé avec l’iPhone qui était à la fois un smartphone tactile comme les autres et un produit à part qui continue à susciter le désir partout sur la planète.

Qui gagnera le plus d’argent ?

Il est trop tôt pour dire qui va gagner alors entre les constructeurs, les équipementiers classiques comme Valeo et les GAFA, nouveaux équipementiers si l’on en croit Carlos Ghosn. L’annonce de Valeo montre au moins que les équipementiers classiques n’ont pas dit leur dernier mot et que les constructeurs qui ont concentré leurs forces face aux GAFA ne devraient pas les oublier. La question peut être formulée d’une façon plus fine : qui tirera les bénéfices, les profits de la voiture autonome ? C’est la marge qui fera la différence. Exactement comme Apple qui tire les profits de l’iPhone alors que le chinois Foxconn en fabrique 90%. C’est donc l’évolution du business model de cette industrie qui nous apportera la réponse. Une évolution qui va se produire sous nos yeux dans les prochains mois et les prochaines années.


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