Partager la publication "[Critique série] MASTER OF NONE – Saison 2"
Titre original : Master of None
Note:
Origine : États-Unis
Créateurs : Aziz Ansari, Alan Yang
Réalisateurs : Aziz Ansari, Alan Yang, Eric Wareheim, Melina Matsoukas.
Distribution : Aziz Ansari, Eric Wareheim, Kelvin Yu, Lena Waithe, Alessandra Mastronardi, Bobby Cannavale, John Legend, Shoukath Ansari, Fatima Ansari, Noël Wells…
Genre : Comédie/Drame
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 10
Le Pitch :
En vacances à Modène, en Italie, où il apprend à fabriquer des pâtes et s’immerge dans la culture locale, Dev tente d’oublier son ex-petite amie Rachel, restée à New York, et d’envisager avec sérénité l’avenir. Que faire à son retour aux États-Unis ? Quelle impulsion donner à sa carrière et à sa vie sentimentale ? Plusieurs décisions s’imposent à Dev, qui pourra néanmoins compter sur ses amis et ses parents pour le conseiller…
La Critique de la saison 2 de Master of None :
Acteur de second rôle, révélé à la télévision dans la série Parks & Recreation, Aziz Ansari a débuté l’aventure Master of None en 2015, chez Netflix. Créateur du show, avec son compère Alan Yang, avec lequel il produit, écrit et réalise, Ansari est parvenu à imposer une tonalité qui lui est propre, en esquivant la majorité des clichés inhérents aux fictions qui s’articulent autour de la vie plus ou moins dissolue de trentenaires en mal d’amour ou de quoi que ce soit d’autre qui interdise un épanouissement total. Le tout dans la bonne humeur et le décalage. En cela, Master of None se rapproche d’œuvres comme Louie, la série de Louis C.K.. Notamment par son côté très biographique, renforcé dans le cas présent par la situation professionnelle du protagoniste principal (il est acteur, comme Ansari) et par la présence au générique des véritables parents du comédien, qui jouent les parents du personnage. Aziz Ansari qui est d’ailleurs le premier à reconnaître que sa série s’inspire grandement de ses propres expériences et si elle dénote d’un certain recul et d’une tendance néanmoins très raisonnable à l’extrapolation, elle dépend donc très fortement du parcours de vie de son interprète/réalisateur/co-créateur.
Et c’est donc après une première saison remarquable, à la fois originale, stimulante et attachante qu’arrive enfin le deuxième acte…
La Dolce Vita
Changement de décors. À la fin de la première saison, Dev quittait New York pour l’Italie, afin, entre autres choses, d’apprendre à confectionner les pâtes et s’éloigner de ses problèmes de couple. On le retrouve ainsi à Modène, l’un des principaux pôles de la gastronomie italienne, dans une ambiance qui dénote immédiatement d’une volonté de rendre hommage aux grands noms du cinéma italien, Antonioni et Fellini en tête. Le premier épisode est d’ailleurs présenté dans un élégant noir et blanc, ce qui en dit long sur la démarche d’Ansari, même si ses velléités restent très modestes en cela qu’il est évident que Master of None ne prétend jamais égaler les maîtres auquel le show préfère rendre un vibrant hommage des plus sincères. Belle entrée en matière, durant laquelle on retrouve avec grand plaisir Dev et son exubérance (concernant la bouffe en particulier), avant que la série ne revienne dans les clous et ne referme, que partiellement cela dit, cette parenthèse enchantée en Toscane.
Esthète passionné et cinéphile, Aziz Ansari prouve quoi qu’il en soit ici la nature de ses intentions et démontre d’une belle ambition, au niveau du fond comme de la forme.
New York, New York
Par la suite, à partir du troisième épisode, Master of None renoue avec la structure de la première saison. Chaque épisode s’articulant autour d’une thématique particulière. Ici, c’est à nouveau l’amour qui sert de fil rouge, avec toujours cette énergie et ce désir d’originalité qui débouchent sur des scènes souvent très drôles mais aussi attachantes. On pense bien sûr à Woody Allen, pour l’environnement, mais aussi pour cette pertinence des dialogues et cette faculté à saisir l’indicible avec drôlerie et décalage, mais on apprécie aussi la patte Ansari. L’acteur qui n’hésite pas à se mettre au second plan, comme lors de cet incroyable épisode qui passe d’un personnage à un autre, et aborde coup sur coup des thématiques chères à la série, d’une façon aussi inattendue que rafraîchissante. Master of None est une série non seulement très innovante sur bien des aspects, mais aussi très mesurée dans ses effets. Quand elle nous parle de racisme, elle sait toucher au vif. Pareil concernant l’homosexualité. Sans avoir peur d’attaquer frontalement les clichés, Ansari et Yang se font les vecteurs d’une morale qui ne sonne jamais… moralisatrice justement. Ils soulignent avec justesse les travers de la société, ne sont jamais plombants et veillent en permanence à garder en tête que leur série se doit d’entretenir une certaine légèreté.
Aziz Ansari dans tous ses états
Plus ambitieuse que la saison 1, la saison 2 de Master of None voit parfois les choses en grand. Au niveau de la forme et des ruptures de ton particulièrement. La prise de risque est plus importante et le résultat s’avère d’autant plus impressionnant. Aziz Ansari a pris de l’assurance et ça se voit. Il ose se mettre à découvert et joue moins, en particulier lors des deux derniers épisodes, parmi les meilleurs de la saison, sur la fantaisie.
Ce qui n’empêche pas les épisodes de receler de savoureuses références à la culture pop, bien utiles pour renforcer l’identification et l’immersion. Dotée d’un joli grain, l’image fait écho à cette exigence et contribue à donner à ces dix nouveaux épisodes un cachet certain. À tous les postes ou presque, Aziz Ansari réussit à captiver. Ansari qui a d’ailleurs déclaré que la saison 3, si saison 3 il y avait, se ferait certainement désirer. Master of None dépendant avant tout des expériences de l’acteur qui ensuite, utilise son vécu pour nourrir sa création. Forcément, on espère que Dev reviendra. Surtout si c’est pour nous offrir des moments aussi mémorables que cette escapade dans la campagne italienne et des personnages aussi excellents que le Chef Jeff, incarné par le génial Bobby Cannavale, sans oublier les piliers du show que sont les impeccables Eric Wareheim, Lena Waithe et les parents de Dev. Et puis il y a la révélation de ce deuxième acte, soit la sublime Alessandra Mastronardi, dont le charisme renvoie à tout un pan du cinéma romantique italien, qui se retrouve en outre au centre de quelques-unes des plus belles séquences de la saison. Une actrice qu’Ansari est allé chercher en Italie, qui avait néanmoins déjà joué chez Allen, dans To Rome With Love, dont l’apport est indéniable, conférant au récit un supplément de grâce et de classe dingue.
Mais en l’état, si Master of None devait s’arrêter-là, elle resterait l’une des meilleures choses que la télévision américaine nous ait proposé ces dernières années, dans le domaine de la fiction tragi-comique. Une ode à la vie, à l’amour, à l’amitié et à la tolérance, baignée dans l’ambiance unique d’une ville qui tient lieu de personnage bienveillant censé envelopper les déambulations d’un trentenaire dans lequel il est aisé de se reconnaître.
En Bref…
Plus ambitieuse mais tout aussi pertinence, drôle et tendre que la saison 1, la saison 2 de Master of None gagne sur tous les plans et parvient, à grand renfort de ruptures de ton parfaitement maîtrisées, à s’imposer avec une belle évidence. Aussi élégante qu’impertinente, plus que jamais inscrite dans son époque, cette série, qui tort le cou aux clichés, est une réussite majeure.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Netflix