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[Revue de Presse] Pourquoi « Sergent Pepper » des Beatles est LE chef-d’oeuvre pop-rock du siècle

Publié le 24 mai 2017 par John Lenmac @yellowsubnet

Premier album " concept ", chef d'oeuvre rock psychedélique, summum du pop art... les superlatifs ne manquent pas pour qualifier l'album des Beatles sorti en 1967. Mais quelles sont les raisons qui font du célèbre " Sgt. Pepper's lonely hearts club band " un monument de référence encore aujourd'hui ? Retour sur l'album qui a changé la face (A et B) de l'histoire du rock.

Alors que sort une édition luxueuse pour fêter ses 50 ans, le disque phare des Beatles et même de toute une génération, pour ne pas dire de toute l'histoire de rock, suscite encore aujourd'hui l'admiration, et pas seulement chez les fans du quatuor de Liverpool. Bien qu'il ne soit pas forcément le disque préféré des aficionados des Fab Four (le " Double blanc " et " Abbey Road " arrivant la plupart du temps en meilleure position), " Sergent Pepper " reste l'album culte par excellence. Pourquoi fascine-t-il encore autant ?

La bande-annonce du documentaire de Alan G Parker " Sgt. Pepper & beyond " qui sort en salles le 26 mai au Royaume-Uni, puis en DVD/Blu-ray le 5 juin, et enfin en VOD le 8 juin

La figure de proue d'un mouvement musical et social

L'album " Sgt. Pepper " s'incrit dans un contexte propice à une créatvité débridée : nous sommes en 1967, l'année du flower power. Le disque sort le 1er juin, deux semaines avant le festival de Monterey qui va inaugurer le summer of love, paroxysme du mouvement hippie : libération sexuelle, vie en communauté, consommation de drogues, conscience politique et désir de créer une société nouvelle.

Chez nos voisins anglais, c'est l'apogée du " swinging london " : la mode des couleurs vives de Carnaby Street, les effluves psychedéliques venues d'orient, la pop musique qui s'émancipe du format traditionnel des chansons pour midinettes et s'aventure vers des orchestrations plus complexes.

C'est dans ce paysage social, culturel, artistique, que les Beatles vont sortir leur album qui va devenir emblèmatique de toute une génération.

Il semble que Sgt. Pepper a capturé l'ambiance de cette année-là, et il a également permis à beaucoup de gens de partir de là et de se lancer.

" Sgt. Pepper " a clairement été la réponse des Beatles au " Pet sounds " des Beach Boys, McCartney voulant surpasser Brian Wilson. Plus encore que son opposition historique avec Lennon, c'est sa compétition avec le leader des garçons de la plage qui a été moteur dans le processus de création.

Une rupture dans la façon de concevoir un disque pop-rock

Il y a clairement eu un avant et un après " Sgt. Pepper ". D'ailleurs, avant ce disque, on ne parlait pas " album ". Les artistes enregistraient des chansons en vue de sortir des singles en 45T, et les disques 33T n'étaient que des compilations de morceaux sans réelle cohérence ou démarche artistique assumée. Pour la première fois, un album est pensé dans son intégralité comme une oeuvre d'art : un concept, une pochette, des chansons qui racontent une histoire, et qui pour certaines s'enchainent sans pauses.

On changeait nos méthodes de travail à l'époque, et au lieu de chercher single accrocheur après single accrocheur, " Sgt. Pepper " ressemblait plus à l'écriture d'un roman, pour moi.

Le patronyme " Sergent Pepper " serait la déformation phonétique d'un " salt and pepper " échangé par Paul et Ringo à table. Mais le nom complet est surtout lié à la tendance américaine du moment de donner des " noms à rallonge " aux groupes, comme Quicksilver Messenger Service, ou Big Brother and the Holding Company (Creedence Clearvwater Revival n'existait pas encore). Sur une idée de McCartney, les Beatles décident de former un groupe fictif qui lui aussi aurait un nom très long et partirait en tournée à leur place. Le quatuor a en effet décidé d'arrêter les tournées harassantes, et veut se consacrer uniquement à enregistrer des " albums ".

Un travail d'orfèvre(s) en studio

Le processus d'enregistrement a été très long : 129 jours, 700 heures de sessions, étalées sur près de 5 mois (de décembre 1966 à avril 1967), de nombreuses prises : 15 pour " Gettin' better ", jusqu'à 26 pour " Strawberry fields forever " (qui finalement ne figurera pas sur l'album).

Les chansons bénéficient d'arrangements soignés et complexes avec des orchestrations classiques signées George Martin, inédites dans un disque de rock à l'époque. Mais c'est aussi l'occasion pour John, Paul, George et Ringo de tester tout ce qui leur tombe sous la main et de révolutionner les techniques d'enregistrement et de mixage : de la compression plus qu'il n'en faut par ci, des voix saturées par là, des collages sonores, et même des ultrasons à la fin du disque... diverses expérimentations qui feront d'ailleurs s'arracher les cheveux aux ingénieurs du son cravatés des studios EMI.

Des chansons intemporelles

Ce qui fait aussi la force de " Sgt. Pepper ", c'est que ce travail de titan est au service des chansons qui semblent tellement évidentes : des mélodies qui trottent dans la tête, des paroles poétiques, oniriques, qui semblent échapées d'un roman de Lewis Caroll, et un mélange de style musicaux qui synthétise le melting-pot de l'époque : que ce soit le rock nerveux du morceau titre, la douce mélancolie de " She's leaving home ", l'imaginaire forain de " Being for the benefit of Mr Kite! ", le fameux " Lucy in the sky with diamonds " dont les initiales donneront lieu pendant des décennies à une interprétation éronnée (LSD), ou encore les vapeurs orientales de " Within you without you ", le charme rétro de " When I'm sixty four ", ou enfin le délire pyschédélico-symphonico-surréaliste de " A day in the life " :

La pochette du disque, véritable oeuvre d'art à elle seule

C'est sans doute la pochette la plus célèbre de l'histoire du rock. Un collage réalisé par Peter Blake, père du pop art anglais. Entourant les Fab Four en habits colorés, on y trouve des personnalités aussi diverses que Bob Dylan, Johnny Weissmuller, Karl Marx, Edgar Allan Poe ou encore Marylin Monroe, et également les Beatles eux-mêmes comme à leurs débuts.

Toujours à la recherche de provocations caustiques, Lennon avait eu l'idée d'inclure Jésus et Hitler dans les personnages, mais sous la pression il a finalement abandonné. C'est également lui qui en a dessiné le croquis, mis aux enchères à New York le 20 mai.

Dans un autre registre, c'est avec cette pochette que va débuter la fameuse légende urbaine " Paul is dead ", avec ses nombreux indices qu'ont cru décelé des fans investigateurs adeptes de théories complotistes : le sigle O.P.D (official pronounced death), les couronnes symbolisant l'enterrement, la clarinette noire, le doigt de George pointant vers l'heure dans les paroles de " She's leaving home "...

C'est en effet la première fois qu'une pochette de disque fait figurer les paroles des chansons, qui seront décortiquées par les fans de tous pays, notamment un certain Antoine De Caunes :

Je ne sais pas si je fis de réels progrès en anglais conventionnel, mais ce qui est certain, c'est qu'au bout d'un mois je parlais le Sergent Pepper à peu près correctement

Antoine De Caunes - Petit dictionnaire amoureux du rock

Cette pochette est devenue une véritable icône graphique rock et a été maintes fois reprise, parodiée, détournée... Deux exemples :
Pour ses 80 ans en 2012, Peter Blake l'a lui-même refaite pour célébrer les figures de la culture britannique qu'il admire le plus. Sur cette version, on peut ainsi voir la chanteuse Amy Winehouse ; l'auteur de la saga " Harry Potter ", JK Rowling ; le pied de Cupidon, emblématique des Monthy Python (et piqué à au peintre italien Il Bronzino) ; le chanteur de Joy Division, Ian Curtis ; les créatrices de mode Vivienne Westwood et Stella McCartney ; David Bowie, Audrey Hepburn ou Mick Jagger :

Plus récemment, l'artiste Chris Barker s'en est servi de modèle pour rendre hommage aux personnalités décédées en 2016.

Le début de la fin des Beatles ?

Beaucoup de fans considèrent que c'est avec " Sgt. Pepper " que commence la main mise de Paul sur le groupe, tendance qui va se confirmer la même année avec " Magical Mystery Tour ", puis s'accentuer avec les " Get back sessions " (qui donneront lieu à " Let it be ") et enfin " Abbey Road ", le " double blanc " restant une parenthèse un peu à part.

C'est en effet lui qui a l'idée générale. C'est lui qui signe le morceau titre. C'est lui qui compose et écrit la majeure partie des chansons, même si John clot avec son imposant " A day in the life ". Il prend la place de guitariste soliste, habituellement dévolue à George, sur " Goog morning good morning " (comme il l'avait déjà fait dans " Taxman " sur l'album " Revolver ").

Le " quiet Beatle " ne signe d'ailleurs qu'une chanson (alors que le précédent album " Revolver " en contenait 3 de sa composition) : " Within you without you ", mais considérée par John comme l'une de ses meilleures :

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Le disque suivant " Magical Mystery Tour " sera encore plus dirigé par McCartney qui ira jusqu'à en " réaliser " le film éponyme, même si de l'avis de tous, il est loin d'être resté dans les annales cinématograpiques.

Autour du disque

Si les Beatles on cherché (et sans doute réussi) à surpasser les Beach Boys, la tentative des Rolling Stones de s'aventurer dans les mêmes contrées musicales n'a pas accouché de leur meilleur album, loin s'en faut : " Their satanic majesties request " apparait comme une pâle copie du Sergent Poivre. Heureusement, les Glimmer Twins reviendront vite au rock sauvage et au blues authentique l'année suivante avec " Beggar's Banquet ".

Une anecdote racontée par McCartney lui-même en concert : deux jours à peine après la sortie du disque, Jimi Hendrix reprend la chanson titre en concert, alors que Lennon et McCartney sont dans la salle... médusés !

Jimi aurait écouté le disque (fraichement acheté) dans les loges, juste avant de monter sur scène, et aurait reproduit le morceau avec la maestria qu'on lui connait. Il l'a ensuite repris plusieurs fois lors de ses shows, dans un déluge sonore dont lui seul avait le secret :

Autre fait notoire, pendant les sessions d'enregistrement de " Sgt. Pepper ", un jeune groupe débutant enregistre son premier album dans les studios juste à côté : Pink Floyd, mené par l'un de ses fondateurs Syd Barrett. " Piper of the gates of dawn " sera le premier et dernier album des Floyd avec Barrett, qui sera remplacé par David Gilmour l'année suivante. On y entend certaines similitudes dans cette pop à la fois fantasmagorique, enjouée et délicieusement sucrée.

En 1973, l'album " Berlin " de Lou Reed sera qualifié de " Sgt pepper des seventies " par de nombreux critiques rock. Un titre d'album qui est devenu quasiment une " marque ", en tout cas un étalon, une référence.

Aujourdhui encore, cette oeuvre semble insurpassable, et son 50ième anniversaire prévoit de lui rendre un hommage à la hauteur de sa réputation.

Source : Jean-François Convert @Culturebox

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