Partager la publication "[Critique] TUNNEL"
Titre original : 터널Teo-neol
Note:
Origine : Corée du Sud
Réalisateur : Kim Seong-hun
Distribution : Ha Jung-woo, Bae Doona , Dal-Su Oh…
Genre : Catastrophe/Thiller
Date de sortie : 3 mai 2017
Le Pitch :
Jeong-soo est commercial chez Kia Motors. En route pour fêter l’anniversaire de sa petite fille, il se retrouve coincé dans un tunnel qui s’effondre sur son passage. Commence alors une course contre la montre pour le secourir qui va mobiliser tout le pays…
La Critique de Tunnel :
La Corée du Sud n’a de cesse d’exporter son cinéma. Depuis une quinzaine d’années, les films en provenance du Sud de la péninsule se font de plus en plus nombreux dans les salles obscures françaises, pour le plus grand bonheur des cinéphiles. Car on a généralement droit à la crème d’une scène cinématographique pleine de vie et qui semble faire fi de nombre de conventions scrupuleusement suivies en Occident. Tunnel est donc le dernier en date et ne fait que confirmer ce constat.
50 nuances de débris
Prenant des atours de film « de genre », il n’en est pas moins riche de nombreuses thématiques et angles d’attaque différents. En nous narrant le combat pour la survie d’un homme du commun pris dans une situation extraordinaire, il nous montre l’état de déliquescence des institutions du pays. L’ironie ultime étant peut être à trouver du côté de l’entrée du tunnel fatal, ornée des inscriptions Sécurité Prospérité. Grinçant. Car l’effondrement qui va ensevelir Jeong-soo est dû à un défaut de construction, de mise en conformité de la structure… Dès lors, toutes les composantes de la société coréenne seront passées au crible, mais attention ! Il ne s’agit pas là d’un banal pamphlet à charge, le manichéisme étant à exclure d’un scénario plus fin qu’il n’y paraît. Car si la catastrophe est évidemment au cœur du film, ce sont ses conséquences qu’il faut documenter avant tout. En plus de Jeong-soo coincé dans sa voiture, on suivra les épreuves que va vivre son épouse Se-hyun, qui doit gérer sa fille et est frappée de plein fouet par les opinions de ses compatriotes et le combat de Dae-kyeong, le chef des secouristes, pour maintenir l’opération de sauvetage. Car, au delà de la survie de l’infortuné commercial, il s’agit aussi de voir comment réagit tout un peuple face à une situation exceptionnelle.
The catastrophy will be televised
Sur ce plan-là, le rôle des médias n’est pas toujours glorieux, bien qu’il y ait toujours une nuance à apporter. Au niveau des réactions, on oscille donc entre un humanisme souvent maladroit et un cynisme assumé. Cela donne une toile de fond scénaristique très réaliste et humaine. Et ce canevas est la scène parfaite pour de belles performances d’acteurs. Ha Jeong-woo est parfait en type banal qui va devoir déployer une forte résilience et une ingéniosité retorse (mais crédible, on n’est pas dans MacGyver). Il est profondément humain et faillible mais va devoir mettre ses failles et son humanité à rude épreuve si il veut s’en sortir. Bae Doona (que l’on a déjà vu dans The Host et qui est devenue la muse des sœurs Wachowski), quant à elle, impressionne par son interprétation empreinte de dignité et de retenue d’une quasi-veuve, qui doit prendre de plein fouet la complexité de la situation. Oh Dal-soo, qui campe le responsable des secours fait preuve de combativité et de compassion vis à vis du sujet de son opération. Son indignation face à l’indécence des journalistes, de la corporation qui a bâti le tunnel et du gouvernement, le rend très attachant.
Mettre en scène le désastre
Pour mettre en image cette grande histoire nationale, il fallait des moyens. Le budget, très habilement géré, permet de filmer l’effondrement depuis l’intérieur, de montrer l’énorme chantier que représente l’excavation et la mobilisation générale avec une économie d’effets mais une efficacité redoutable. La mise en scène est, en ce sens, très efficace et s’éloigne des carcans que nous sert Hollywood. On a droit à un anti-blockbuster qui n’en reste pas moins très tendu et impressionnant. Car filmer dans les espaces réduits du tunnel n’est pas chose évidente et permet de créer une myriade d’émotions. Cette claustrophobie est contrebalancée par de grands plans extérieurs qui permettent au spectateur d’arracher quelques grandes inspirations avant de retourner au fond du trou. Kim Seong-hun a abattu un travail énorme et tout en sobriété. La musique de Mok Young-jin et Vitek Kral est aussi très immersive, plus classique avec une grande place laissée aux cordes, elle nous immerge dans une grande histoire aux allures d’épopée parfois absurde mais terriblement réelle.
En Bref…
Encore un carton plein pour un film coréen qui nous impressionne par son sens du détail et sa profonde humanité. Plaidoyer en faveur de la compassion et de la dignité, Tunnel nous invite à assister à l’effondrement d’un tunnel pour mieux nous montrer les ruines d’une société en perdition où surnagent de beaux éclats de bonté et de bienveillance. Car la véritable catastrophe n’est pas là où on l’attend…
@ Sacha Lopez
Crédits photos : Version Originale/Condor