A la suite d'un concours de circonstances, un acteur médiocre et gaffeur, rayé des listes d'Hollywood, se retrouve invité dans une soirée organisée à l'intérieur d'une maison luxueuse aux raffinements high-tech, comme ce bar escamotable et cette gigantesque piscine intérieure. De gags en quiproquos, les situations comiques s'enchaînent avec une certaine frénésie.
L'histoire est simple (comme le dit le livret, elle tient sur un script d'une soixantaine de pages) avec une structure qui a fait école, tout tournant autour de l'acteur principal, véritable caméléon aux impressionnantes facultés comiques - la gageure consistant pour Blake Edwards à tenter de suivre cet olibrius capable de démonter chaque séquence d'une simple mimique. C'est que Peter Sellers en est la vedette, l'âme, la raison même du film : son numéro hallucinant chez Kubrick dans Dr Folamour et son personnage irrésistible dans les Panthère Rose avaient laissé l'impression d'un être d'exception.
J'avais donc hâte de voir ce film dont je n'avais que des impressions fragmentaires. J'ai été quelque peu déçu, mais c'est davantage dû au caractère un peu daté de la mise en scène et à l'attribut "culte" trop souvent accolé au film. L'ensemble se suit sans déplaisir, j'avoue avoir souri une bonne dizaine de fois. Ce n'est pas à se tordre de rire, mais ça reste drôle, quelquefois attendrissant, et on passe avec une étonnante facilité du burlesque (avec des gags sur fond de musique passe-partout, comme dans les films muets - à l'instar du coup de la chaussure flottante) aux jeux de mots ("Vous êtes un maniaque ! - Je ne suis pas votre niak !" ), voire à la farce (la scène du papier toilette ou du "Miam-miam" pour volatile [ birdie num num en V.O.]). Sellers est désarmant, surtout avec celui qui interprète Wyoming Bill Kelso, un grand acteur caricatural (mais de loin le plus sympathique) spécialisé dans les rôles de cowboy : il joue cet Indien décalé, Hrundi V. Bakshi, faussement niais mais véritablement étourdi, qui rebute les hommes de la haute mais attire insensiblement le regard des jeunes femmes.
Malgré une fin en demi-teinte, c'est un agréable moment rythmé par une véritable rigueur dans l'enchaînement des séquences comiques et une musique discrète mais superbe de Henry Mancini. On s'aperçoit que l'insouciance de la première lecture invite après coup à la réflexion sur les artifices et codes de comportement sclérosant certaines sphères de la société (qu'elle soit du spectacle ou pas) : ce chien dans un jeu de quilles de luxe bouleverse aussi bien les codes moraux que l'Etiquette, sans se départir d'une politesse désarmante et d'un sourire de bon aloi. Entre le réalisateur qui promet monts et merveilles à la jeune (et craquante) starlette française à condition qu'elle lui consente un peu de temps et de plaisir et cet acteur lamentable qui ose à peine la regarder mais n'hésite pas à la consoler, le choix est vite fait. Ce Candide un peu bouffon agit comme un révélateur de la fatuité (et de la vacuité) des magnats qui détiennent les ficelles de la bourse, font et défont les réputations et surtout qui, lorsqu'on leur annonce que leur femme est tombée dans la piscine, répondent froidement : "Sauvez ses bijoux."
L'intermède hippie fait moins sensation qu'à l'époque, mais le lavage de l'éléphant est réjouissant. A voir donc, ne serait-ce que pour la performance de ce comédien dont nombre de réalisateurs et acteurs en ont fait leur père spirituel.
Le DVD MGM collector propose le film dans une édition double DVD avec fourreau
de carton aux couleurs flashy à dominante bleue pâle, rappelant un peu le collector de Sacré Graal. L'interface est en cinq langues et la piste audio est en 5.1 dans ces 5 langues ! Le DVD bonus offre un documentaire, des autoportraits (dont un de Blake Edwards), des interviews de Sellers ainsi que quelques pubs qu'il a faites pour une banque...