Sorti au cinéma à la toute fin de l'année 2016, Fais de beaux rêves avait séduit les rares blogueurs participant au Top Films qui avaient réussi à le voir. Il terminait en 65e position avec une moyenne intéressante (3,50/5). Sa sortie en vidéo chez TF1 le 2 mai permet désormais de se faire une meilleure idée et de confirmer (ou pas) la bonne impression laissée en salles.
Marco Bellocchio a choisi d'adapter l'autobiographie de Massimo Gramellini en mettant en avant le choc terrible, ce sentiment de perte et de vacuité irrésistible qui peut résulter, chez un enfant, de la perte dune mère. Par un récit légèrement déconstruit, concentré sur trois instances temporelles, trois périodes de la vie de Massimo, il tente de nous faire partager cette détresse terrible faisant se succéder le déni, la rébellion et l'acceptation dans la vie d'un homme qui s'aperçoit, une fois adulte, qu'il n'a jamais vraiment fait le deuil de son deuil.
Sa caméra sensible, proche de ses personnages, nous fait partager quelques instants précieux de la complicité entre cette mère un peu folâtre dont le visage s'illumine lorsqu'elle partage les jeux de son fils, qu'elle chérit tendrement. Une mère qui nous émeut puis nous interpelle lorsqu'elle se blottit contre son petit garçon en regardant à la télévision des épisodes de Belphégor qui la fascinent et la terrifient.
Alors, d'innombrables questions se posent, tandis que commence le long et douloureux processus de deuil pour le petit Massimo, touchant garçonnet aux grands yeux sombres interrogateurs. On ne lui dit presque rien et le spectateur n'en sait guère davantage, on prend des gants pour lui annoncer le décès, qu'il se refuse à admettre, bien entendu. Mais comment ? Et pourquoi ?
Evidemment, de nombreux petits éléments épars, parfois subtilement placés, parfois maladroits, viendront apporter des débuts de réponse, au point que la révélation finale sur les circonstances de la mort de la mère ne viendra que confirmer un peu vainement les certitudes qui se seront fait jour dans nos esprits. Entre-temps, on aura vu grandir douloureusement le petit Massimo qui se réfugie dans la chronique sportive où il excelle depuis que son père l'emmenait assister à des matches du Torino (la quasi intégralité de l'histoire se déroule à Turin, dans laquelle ont été tournés tous les extérieurs). On aura l'occasion de voir passer dans sa vie des personnages fuligineux, incarnés par des acteurs connus : son père, d'abord, dont on devine mal la relation qu'il entretenait avec sa défunte femme (l'impressionnant Guido Caprino, dont on avait pu jauger la prestance dans la série sur les Médicis) ; la mère française de son meilleur ami, interprétée par une Emmanuelle Devos lumineuse ; Elisa, enfin, qui viendra oindre son existence d'adulte de sa douceur compréhensive (très juste Bérénice Béjo).
Un film touchant et sensible, fort bien accompagné d'une petite ritournelle
délicieuse composée par Carlo Crivelli, ménageant quelques instants de pur délice (la lecture de la lettre de Massimo en réponse à un lecteur qui avouait haïr sa mère) alternant avec des moments déroutants de vacuité, dans un rythme indolent calé sur la souffrance retenue d'un homme qui n'a pas su s'ouvrir à la vie. Il est des traumatismes dont on tarde à se relever.