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Le paradis (?) de Candide

Publié le 26 juin 2008 par Rendez-Vous Du Patrimoine

Les éditions Calmann-Lévy m'ont aimablement adressé en avant-première (sortie le 27 août, il vous faudra patienter !), le dernier ouvrage de Paul Melki.
Vous saurez ailleurs ce que ce jeune auteur a de singulier. Pour ma part, je me contenterai du sujet de ce premier roman "Au paradis de Candide" et de son univers.Evidemment, je pourrais avoir la dent dure et l'on me taxerait immédiatement de jalousie étant donné mes exercices de compagnonnage avec ledit Candide...Je pourrais être dithyrambique et trouver que tout est pour le mieux. Ce serait dans l'esprit mais sans doute aussi douteux et peu interressant.
Visons donc la juste critique. Le style est vif, l'histoire aussi : Candide assommé par une branche d'arbre se trouve brutalement projeté de 1759 à notre époque. Là tout défile à un rythme d'enfer : l'hôpital, le commissariat, la cellule, la morgue, les caves de Sarcelles. L'enfermement assuré et pour aller d'un point à l'autre une civière ou une camionnette bringuebalante.Tout ce qu'il y a de répulsif à nos yeux se trouve magnifié par le pauvre Candide non seulement parce que le décalage chronologique lui fait apprécier les progrès accomplis depuis le XVIIIe siècle, mais aussi parce que sa "bonne nature" ne lui fait voir que le bon côté des choses. L'effet produit est assez réjouissant si l'on accepte la contrepartie qui tourne parfois à la grosse farce. La scène de la morgue est ainsi particulièrement gore et excessive. Mais Voltaire lui-même n'accentuait-il pas ce côté "bras arrachés, viols et meurtres" ? J'ai une édition illustrée par Joann Sfar (Editions Bréal) qui n'est pas triste dans le genre et que je vous recommande pour son humour au 2e degré.La confrontation du Candide de Melki avec le XXIe siècle aurait cependant pu être plus mordante, vue d' un autre angle, et c'est là sans doute ce qui me laisse un léger regret. On sent que, malgré les scènes "agitées", c'est plutôt un gentil et que sa vision de la société ne l'entraîne pas dans une dénonciation aussi vive que l'original. Un exemple : l'hôpital fréquenté par Candide se révèle un modèle de propreté (évidemment par rapport à 1759) et son seul reproche est qu'il manque de peintures au plafond pour égayer les malades alités. Joli ! Bien sûr, il y a le chirurgien véreux qui joue les docteurs Mabuse. Mais c'est anecdotique. A côté, rien sur le système de santé par exemple, l'accès aux soins, les riches, les pauvres... Il y avait là une occasion.De même, sa découverte des "grands ensembles" ne donne lieu qu'à une aimable critique des architectes incapables d'intégrer le passage des fauteuils roulants dans les couloirs. Notre urbanisme contemporain aurait mérité mieux.Rien non plus sur les religions (Voltaire n'y manquait pas, quand même !), l'économie de marché ou la société de consommation qu'il aurait sans doute épinglée...En revanche, là où l'auteur nous entraîne avec un réel plaisir, c'est avec ses personnages secondaires, bien typés comme Sélim dont les dialogues sont aussi savoureux que son grand coeur. Il y a d'excellentes formules qui font mouche et rendent (presque) plausibles la loufoquerie des situations. C'est la vraie réussite de ce roman : la rencontre improbable de Candide et du jeune de banlieue destiné aux pires besognes et qui s'en rend compte :" Tu peux être que manoeuvre, éboueur, balayeur, moto-décrotteur, homme ou femme de ménage, agent hospitalier... La merde et le sang nous sont réservés".La BD excessive trouve alors des nuances plus vives parce que plus réelles et la critique porte.Et Cunégonde, me direz-vous ? Et Cacambo ? Ils y sont aussi ! mais je ne vous dis rien : vous aurez d'autres surprises encore avec Pangloss reconverti en administrateur de potion magique... et paralysante !
Melki a du talent, une imagination débordante, ses personnages sont attachants, les situations originales : allez vite réserver votre exemplaire chez votre libraire favori.
Le roman de l'été, c'est Candide...au paradis !Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !

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