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Comment se faire éditer : la méthode pilotée (une légende ? Euh…)

Par Georgesf

Comment se faire éditer : la méthode pilotée (une légende ? Euh…)
La méthode pilotée, c’est celle qui consiste à entrer avec un bon manuscrit X dans une maison d’édition A pour vous y adresser à un interlocuteur précis B, en étant chaleureusement recommandé par un influenceur C. Il faut que les trois paramètres A, B, C soient réunis pour que l’on puisse parler de méthode pilotée. Il est aussi préférable d’avoir le manuscrit X, mais ce n’est, paraît-il, pas indispensable.

Pendant longtemps, la méthode pilotée, je la voyais un peu comme les zoologues du début du XXème siècle voyaient l’okapi. Quand on leur en parlait, ils se marraient avec indulgence. L’okapi, c’était pour eux une baliverne commode, une vieille légende colportée par des chasseurs bredouilles « C’est à cause de l’okapi, il rend toute chasse impossible ».

Et je viens de me retrouver dans la peau du zoologue nez à nez avec le fabuleux okapi : je viens de découvrir que la légende, la méthode pilotée est une réalité. Découverte qui fait vaciller toutes mes certitudes.

Elles étaient pourtant bien, mes certitudes : je proclamais partout que la vraie et bonne méthode pour se faire publier, c’était la méthode courageuse, celle qui consiste à envoyer son manuscrit par la poste aux « services manuscrits » des éditeurs qui nous paraissent intéressants.

Et voilà que tout s’est écroulé lors de la plus formidable des rencontres : le festival du premier roman, à Chambéry. Nous étions quatorze, tous débutants dans l’univers du roman, évidemment. Quatorze à avoir produit un roman disons plutôt bon, puisqu’on nous avait élus comme les meilleurs premiers romans de l’année. Quatorze héros à avoir déposé nos bébés au guichet de la poste, à avoir tapé dans l’œil de la lectrice anonyme, à avoir franchi l’épreuve du comité de lecture, bref quatorze courageux témoins du bien-fondé de la méthode courageuse, c’était du moins ce qui me paraissait évident. Je me suis quand même renseigné : résultat, pas du tout, une majorité était arrivée sur la cime en passant par la voie pilotée.

Ces bienheureux étaient, je le précise, des auteurs tout à fait normaux, des gens charmants pas snobs pour un euro, de sympathiques profs ou fonctionnaires (genre banlieue moche ou province enfouie), des auteurs qui ont aussi un vrai métier plus racontable qu’auteur, des collectionneurs de bulletins de salaire d’entreprises obscures, des individus sympas mais qui ne passent pas leurs nuits dans les boîtes de Saint-Germain des Prés et qui n’ont pas leur rond de serviette au restaurant des Editeurs, place de l’Odéon. Je crois qu’ils ne tutoient même pas Frédéric Beigbeder.

Et pourtant, ils connaissaient « quelqu’un » ou ils l’ont rencontré, « quelqu’un » qui a apprécié leur manuscrit et qui les a recommandés à « quelqu’un » chez…

Cela ne diminue pas leur mérite : leur place à Chambéry, ils ne l’avaient pas volée, leur bouquin était bigrement bon (pour ceux que j’ai lus), et ils s’en seraient certainement aussi bien tirés s’ils étaient passés par la méthode courageuse.

Mais il y a trois trucs que je ne comprends pas :

1.   Quand on ne connaît personne, comment s’organise-t-on pour faire connaissance avec « quelqu’un qui.. » ? C’est déjà dur d’être auteur, faut-il en plus se balader partout avec son manuscrit sous le bras, et interpeller chaque quidam bien mis ? Dans quel ordre faut-il procéder ? Faut-il d’abord lui infliger la lecture de quelques pages puis lui demander s’il connaît « quelqu’un » dans une maison d’édition, ou le contraire ?

2.   Quelle est la logique économique du système ? Les maisons d’édition paient pour avoir des « Services des manuscrits », dans lesquelles les lectrices essaient chaque jour de dénicher la perle rare. Mandatent-elles en plus des émissaires : tiens, si tu traînes à Juvisy ou à Villiers-le-Bel, fais un tour au L.E.P., au cas où un enseignant aurait un manuscrit à te soumettre… Ce ne sont même plus des émissaires, ce sont des anges, au sens étymologique du terme, des aggelos, des messagers portant les requêtes des uns, les missives des autres. Ces anges auraient-ils des pouvoirs surnaturels ? Ceux d’apparaître aux génies méconnus, de les attirer ? Pourquoi ces anges se verraient-ils remettre des meilleurs manuscrits que les comités de lecture ? Je pose la question sans aucune ironie, je ne comprends pas comment ça marche. Et pourtant, le résultat est là : les manuscrits arrivant ainsi du ciel sont bons.

3.   Je ne comprends pas, d’autant moins que j’ai essayé. J’ai tenté le coup aux deux bouts de la chaîne, et je me suis pris des vents pas possibles.

J’ai tenté de jouer ce rôle d’aggelos (et j’ai vraiment une tête d’ange) auprès d’éditeurs que j’aime bien « Je connais des auteurs non publiés qui ont de très bons manuscrits, éventuellement je pourrais… ». Non, je ne pouvais rien du tout : on m’a répondu par un silence ennuyé.

A l’opposé, j’ai tenté d’entrer par la filière pilotée il y a quelque temps. A la suite d’un malentendu, j’avais cru que mon éditeur ne retenait pas mon second roman, et j’ai commencé à aller voir ailleurs. Le manuscrit en avait été lu par un nom respecté dans la critique, qui m’en avait fait un commentaire élogieux. Cette personne m’a donné quelques noms précis chez de bons éditeurs, et m’a autorisé à leur écrire en faisant état de cet appui. Résultat ? Rien du tout. En fait, si : des lettres de refus prouvant une lecture un peu plus approfondie. Je n’ai pas poursuivi l’expérience, car le malentendu a été vite dissipé, et la publication de mon manuscrit a été confirmée. Mais le résultat était là : la voie pilotée, ça ne marchait pas. En tout cas, pas pour moi. Il doit manquer un élément dans la combinaison. Et pourtant, les trois termes A, B, C, de l’équation magique étaient là, et le manuscrit X n’était pas nul (il a même eu le temps de trouver un deuxième éditeur). Peut-être que mon appui devait en plus porter lui-même le manuscrit chez l’éditeur. Mais si l’aggelos doit aussi jouer au facteur, mon facteur pourra-t-il jouer à l’aggelos ? Les deux méthodes vont-elles finir par se confondre.

Bilan ? Je ne sais que conclure. La voie courageuse, je vous garantis que ça marche, et je vous ai expliqué comment. La voie pilotée, je dois constater que ça marche pour certains, mais j’ai du mal à vous expliquer comment. Ce qui me perturbe le plus, ce n’est pas l’échec ou le succès, puisque l’autre voie me suffit : ce qui me déroute, c’est la logique chez l’éditeur. Pourquoi une telle confiance en une méthode aussi aléatoire ?

La parole est aux commentaires. Ils vont certainement vous aider à y voir plus clair, parce que si vous comptez sur moi, hein…


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