Les entreprises ont parfois du mal à savoir comment et où orienter leurs efforts d’innovation. Elles cherchent des innovations de rupture et lancent des challenges de type hackathon, où les collaborateurs sont invités à présenter en un temps bref une idée et un premier prototype. Mais en dehors de cette parenthèse de 48 heures, l’entreprise continue de travailler en silos et favorise dans les faits l’innovation incrémentale. Dans leur ouvrage Science et impact social, Mélanie Marcel et Eloïse Szmatual analysent ces deux approches contraires :
« L’innovation incrémentale est moins risquée que la disruptive : lorsque Apple sort l’iPhone 2, le groupe connaît déjà son territoire, ses clients, le coût du produit précédent, ses performances, etc. La manœuvre et le risque sont donc maîtrisés. L’innovation disruptive est bien plus risquée : l’issue est incertaine (que ce soit du point de vue technique ou de l’accueil par les clients). Mais lorsque l’innovation disruptive fonctionne, elle permet de changer les règles du jeu : elle vous ouvre un marché, vous devenez leader, vous tirez tous les autres, votre image est renforcée.
Une entreprise bien établie va chercher à mettre en œuvre et optimiser un business model déjà opérationnel. L’innovation incrémentale est alors de mise, afin de s’assurer que tout fonctionne de la façon la plus efficace ; c’est elle qui permet à l’entreprise de prospérer sur la durée. C’est pour cette raison que la plupart des collaborateurs sont priés de se concentrer sur ce qui leur est demandé et non pas d’explorer des voies nouvelles de développement.
Mais ce n’est pas l’innovation incrémentale qui permet de préparer l’avenir et de déceler les opportunités de demain. Aucune entreprise n’a jamais réussi à créer un produit révolutionnaire (qui pourtant génèrera une très forte croissance) en se disant : « Comment pouvons-nous faire ce que nous faisons déjà, en un petit peu mieux et un petit peu moins cher ? » L’entreprise a donc besoin d’innovations disruptives pour assurer son avenir, alors que les plus grandes entreprises sont structurées pour faire de l’innovation incrémentale. Celles-ci ont pourtant conscience que les changements qui les entourent, la concurrence, l’émergence de start-up, de nouveaux modèles et de nouvelles technologies, mettent en danger leur existence ».
Pour sortir de cette difficulté, des entreprises comme Pernod-Ricard ont fait le choix de créer une cellule d’innovation en dehors de l’organisation : son « Breakthrough Innovation Group » (le BIG) est volontairement placé loin du siège. D’autres ont choisi de repenser leur organisation de zéro et de recommencer d’une feuille blanche : L’entreprise américaine d’agroalimentaire Hampton Creek a ainsi complètement changé d’orientation pour s’intéresser aux plantes et développer une mayonnaise saine à base de pois chiches. Et vous, comment pouvez-vous faire évoluer votre organisation pour favoriser l’innovation de rupture ?