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(Notes sur la création) Raphaële George

Par Florence Trocmé

George1Étrange ouverture qui se fait en lisant ou en écrivant. On croit approcher cet homme intérieur, celui qui se réveille avec nous dans certains livres, cet intérieur qui, du profond, ne se fait connaître qu'extérieurement, du dehors. Quelquefois par appels aussi. Soudain on a ce sentiment qu'il vient vers soi au moment où, soi-même lisant, on croit descendre dans l'intérieur. C'est ce qui a lieu avec les livres denses, miracle de l'écriture, où écriture et lecture soudain se confondent. Et nous voici soudain avec cette impression, une sorte de sentiment presque semblable à une très vieille nostalgie, une nostalgie du secret, impression d'être plus savant, sinon plus savant au moins plus calme, plus sage, et en même temps un peu plus étranger à ce vrai qui ne veut pas parler. Et dire que c'est dans cet échange des gouffres que j'éprouve la plus intense émotion, l'impression que le monde m'a été donné pour cette respiration, pour cette entrevision de ce qu'est l'espace hors de nous.
On a de la pudeur à exprimer cette intensité éprouvée, on n'ose pas dire retrouvée. Intensité que l'homme est seul à imaginer et seul à rêver atteindre.
Lorsqu'on quitte un livre où cette intensité semblait régner, nous pousser au-dedans, lorsqu'on s'en défait à la dernière page, c'est l'intensité qui se referme sur elle-même, me laissant dehors dans un rien, dans une chute avec un tout petit bout, un tout petit morceau de mémoire qui me serre à la gorge. Après, je garde cette impression qu'il y a des mots plus pauvres que d'autres.
Raphaële George, Je suis le monde qui me blesse, journal intégral (1976-1985), Éditions Unes, 2017, 192 p., 23€, p.92


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