Laurent Fiévet, titulaire d’un doctorat en études cinématographiques et audiovisuelles, aurait pu se contenter d’enseigner le septième art. Mais, à force de visionner des films, de les assimiler jusque dans les moindres détails, l’envie lui est venue de constituer et partager une forme de musée imaginaire, non pas en accumulant les pellicules ou les DVD, mais en créant ses propres vidéos à partir de séquences de films existants qu’il revisite. Avec l’exposition Ball change, qui se tient jusqu’au 22 juillet à la galerie Mathias Coullaud (12, rue de Picardie, 75003), l’artiste présente son travail singulier, à travers plusieurs installations tout à fait étonnantes. Ball change s’articule autour d’un thème familier de tous (du moins, le croit-on avant de pousser la porte de la galerie) : la comédie musicale hollywoodienne.
Une première installation, intitulée « Dislocated », met en présence trois grands écrans sur lesquels alternent des séquences de Down Argentine Way (1940), The Gang’s All Here (1943), Tous en scène (1953), West Side Story (1961) et Mary Poppins (1964). Cinq grands classiques et cependant cinq univers hétérogènes. Chaque écran diffuse une scène différente, mais la bande-son d’un seul film s’impose avant qu’une autre vienne s’y substituer. Des banquettes sont mises à la disposition des visiteurs ; il est conseillé de s’y installer et d’observer ce qui se passe devant nos yeux. Au premier abord, le spectateur ne voit qu’une succession de séquences ; pourtant, progressivement, il découvre le travail de Laurent Fiévet, qui joue des images comme un violoniste de son archet, pour en obtenir les effets les plus extrêmes, mais avec une grande délicatesse : les personnages avancent, puis reculent, une scène se superpose à une autre, les rythmes varient. Une nouvelle chorégraphie en résulte. Suivre les trois écrans simultanément ou se concentrer sur l’un d’entre eux, tel est le dilemme pour le regardeur. Son cerveau est soumis à ces changements constants, qui suscitent une grande diversité de perceptions, dans un spectacle quasi-hypnotique.

