Quand Laurent Gaudé écrit des poèmes, c’est pour parler des gens. De ceux qu’il a rencontrés, en Haïti, en Irak, à Calais. C’est pour défier l’oubli. L’oubli qu’un arbre a planté dans les corps de ces femmes et de ces hommes avant qu’ils soient entassés à fond de cale pour un commerce triangulaire (Afrique, Europe, Amérique). L’oubli du nom de l’enfant, une fille née après le tremblement de terre et quatre jours avant que les siens soient chassés. L’oubli, une fois passé le pont, de l’espoir d’une ville qui accueillerait les Kurdes chassés de leurs terres. L’oubli des générations d’où nous venons, car nous venons de frontières traversées, de marches, de trains, de bateaux, de terres que l’Europe a sauvées. Quand Laurent Gaudé écrit des poèmes, c’est « une poésie qui marche derrière la longue colonne des vaincus et qui porte en elle part égale de honte et de fraternité ». Ce sont des poèmes à voix haute, qu’on lit debout et qui résonnent longtemps.