C’est une invitation : « Entre ». Viens dans la page, ramasser des lettres, en faire un alphabet aléatoire. Entre, viens dans les mots répétés creuser le vide grâce auquel tu peux entrer. Entre donc sur les lignes et dans les interlignes, que les phrases laissent place aux formes géométriques, carré, triangle, cercle qui écartent les mots, les dilatent, les coupent sans se soucier des sens nouveaux que cela leur donne. J’écris « entre », mais on pourrait le conjuguer à toutes les personnes, l’une après l’autre, dans le désordre. Et plutôt que de désordre, il faudrait parler de hasart, avec un « t » pour respecter la façon de Philippe Jaffeux. Le hasart est joué aux coups de dés successifs, déterminant l’écart entre les phrases, car il n’y a pas de ponctuation pour les séparer. C’est cet écart-là qui se joue sans cesse dans le livre, cet « entre ». Et le rythme de la phrase dont Mallarmé a fait un titre (Un coup de dés jamais n’abolira le hasard) est répété de ligne en ligne. Philippe Jaffeux joue deux dés : « Mes intervalles se modèlent sur la sauvagerie d’un coup de dés ». Deux dés, onze nombres, et vingt-six lettres : voilà le matériau « pour embrasser un vide esseulé ». Pour un art du vide papier rendu visible par le plein des mots répartis en trente lignes par page. « Les défenses du papier renouvellent la mécanique de tes intervalles ». Ici, il est question de liberté.