Partager la publication "[Carnet noir] George A. Romero, le maître de l’horreur, est décédé"
Né en 1940 à New York, George A. Romero tourne ses premiers courts-métrages à 14 ans, avant de faire des débuts francassants dans la cour des grands en 1968, avec son premier film, La Nuit des Morts-Vivants, qu’il finance avec plusieurs amis, inventant du même coup un genre cinématographique à part entière et une nouvelle sorte de satire, mordante à souhait. Rapidement culte, ce chef-d’œuvre inspire dans le monde entier des metteurs en scène qui se chargent de faire fructifier ce qu’on peut déjà appeler l’héritage de Romero. Lui ne se repose pas sur ses lauriers et enchaîne les coups d’éclats avec Season Of The Witch en 1972, The Crazies (La Nuit des Fous vivants en France) en 1973 et Martin en 1977. Par la suite, le réalisateur revient aux morts-vivants et signe avec Zombie un pamphlet ultime sur la société de consommation. Depuis, personne n’a fait mieux… En 1981, il emballe Knightriders et collabore avec Stephen King dans le cadre de Creepshow, l’un de ses autres chefs-d’œuvre. Un film à sketches brillant, effrayant et drôle, qui assoie sa suprématie sur le genre. En 1985, Romero revient à ses premiers amours et clôture sa trilogie avec Le Jour des Morts-Vivants, avant de s’atteler à Incidents de Parcours, un autre sommet, quoi que moins populaire, de sa filmographie.
Par la suite, George A. Romero tourne moins, n’emballant que deux films dans les années 90, à savoir Deux Yeux Maléfiques (qu’il co-réalise, vu qu’il s’agit aussi d’un film à sketches, avec Dario Argento notamment) et La Part des Ténèbres, qui est aussi adapté d’un livre de Stephen King. Bruiser, en 2000, ne fera pas grand bruit, contrairement au Territoire des morts (Land Of The Dead), qui marque son retour aux zombies. Un film qui déçoit beaucoup de ses fans mais qui porte en lui cette verve déjà au centre de ses précédents faits de gloire, prouvant qu’il avait encore des choses à dire sur notre monde à travers ses monstres. Land Of The Dead qui quoi qu’il en soit, fait office de chef-d’oeuvre si on le compare avec les deux derniers films de Romero, à savoir Chronique des Morts-Vivants et Le Vestige des Morts-Vivants. Deux œuvres totalement indignes du talent et de l’acuité de Romero, qui passent de toute façon un peu inaperçu.
C’est avec beaucoup de peine que nous avons appris cette nuit, la mort de George A. Romero. Le réalisateur s’est éteint dans son sommeil ce dimanche 17 juillet, alors qu’il préparait son grand retour avec une série TV autour des zombies et un nouveau film. Il y aurait tant de choses à dire sur ce véritable maitre de l’horreur. Un artiste qui, plus encore que nombre de ses illustres contemporains, a révolutionné un genre, auquel il a offert quelques-uns de ses plus beaux chapitres. Sans lui et sa Nuit des Morts-Vivants, pas de The Walking Dead par exemple. Authentique visionnaire, il a aussi donné une légitimité à l’horreur, en doublant la violence des images d’un discours pertinent sur la société et ses travers. Activiste, Romero a peut-être largement versé dans le gore et les frissons, mais seulement pour mieux montrer du doigt le racisme et les inégalités, sans aucune forme de mesure, avec justesse et éloquence. Beaucoup de metteurs en scène actuels lui doivent énormément, eux qui ont tablé sur les recettes qu’il a inventé, pour le meilleur parfois (comme avec Shaun Of The Dead, qu’il a adoré au point d’offrir à Simon Pegg et Edgar Wright des caméos dans Land Of The Dead), mais aussi pour le pire, mettant dans ce denier cas de figure, encore plus en exergue le génie du maestro. Et alors que depuis 1968, des centaines de film de zombies sont sortis sur les écrans, les siens restent les meilleurs. Monuments insurpassables, d’une intelligence et d’une efficacité probantes.
@ Gilles Rolland