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Je ne conteste pas le vent

Publié le 23 juillet 2017 par Paulo Lobo
Petit, je te veux vivant...Je ne conteste pas le vent qui souffle, je ne conteste pas la pluie, ni le soleil, ni les étoiles. Je ne conteste pas le matin, ni la nuit, ni la brume qui parfois les enveloppe. Je ne conteste pas mon souffle, ni mon ombre, ni le battement de mon coeur.Pourtant, je n'en sais rien. Je n'en sais fichtrement rien. Je ne vois que ce que mes sens me permettent de voir. Je ne comprends que ce que ma finitude me permet de comprendre. Je devrais me sentir plus fort? Un gagnant vibre en moi, et vous voudriez que je me révèle à moi-même, que je brise mes chaînes, que je m'épanouisse? Votre appel est sonore, mais désolé, très peu pour moi, je me contente de ma vanité rampante, je serais déjà très heureux si je pouvais m'endormir en paix chaque nuit de ma vie. Si je savais que la souffrance est passagère, que le réconfort arrive toujours après la tempête. Évidemment, ce n'est qu'un songe. Évidemment, je divague comme un zouave. Vous ne lâchez pas prise et vous me provoquez : que je sois comme vous? Libre? Mais vous êtes-vous déjà regardé dans une glace? Avez-vous vu vos cheveux, vos lèvres, votre façon de marcher, de parler? Connaissez-vous la provenance de vos plats préférés, de vos goûts et dégoûts, de vos peurs et de vos rides? Ne faites pas de discours, ne soyez pas politique, admettez l'irrémédiabilité de vos conditionnements! Vous êtes esclave, quoi que vous fassiez, quoi que vous disiez, vous êtes enchaîné, tout comme moi. Votre liberté n'est que l'image du maître qui vous entraîne et vous use. Votre liberté n'est qu'allègeance à un dieu quelconque, au dieu de l'argent, par exemple, ou au dieu du ventre. Votre suffisance n'est que soumission au moi exacerbé, à la prévalence de la force physique, au déni de l'appartenance à la communauté des hommes qui naissent et qui meurent. Défendez au moins les plus faibles que vous! Ne soyez pas du côté des diables bondissants! Ah je ris de me voir en donneur de leçons! Moi qui ne volerais pas une mouche... Je ris, et je trie dans mes affaires accumulées au fil des ans, dans tout ce qui, après moi, n'aura plus de sens, dans tout ce qu'un autre que moi devra jeter à la déchetterie. Qu'y a-t-il d'important là-dedans? Quelle sorte de croyance m'habitait pour que j'éprouve le désir de me constituer une bibliothèque de souvenirs? Je me baignais dans les eaux éternelles de la rivière filante.Lentement, je sens la déchéance qui me prend dans ses crocs. Je sens le corps qui de délite, le visage qui se déforme. Il n'y aura pas de sauvetage de dernière minute. Il n'y aura plus jamais moi. Juste un être qui s'interroge. Juste un être qui dit : "Je ne sais pas."
Oui, la fin du monde approche. La fin d'un monde. La fin de mon monde. Et tout l'amour qui le remplit ne pourra pas l'empêcher de couler. Je voudrais continuer à parler, à écrire, à murmurer, sentir la chaleur de ta main, savoir ta présence à mes côtés. J'ai peur de la douleur qui va me subjuguer. J'ai peur de l'abîme qui va m'engloutir. J'ai peur de ce qui vous arrivera après moi. J'ai peur pour les belles personnes que je vais quitter. Je ne sais pas ce que je dois penser. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Je ne sais pas crier, ni même gémir. Je suis comme l'enfant perdu dans la foule, une peur panique s'empare de moi, je cours dans tous les sens, comme un fou, je cherche mes parents, je ne les trouve pas, autour de moi il n'y a que des géants inconnus et indifférents à mon sort, je cours affolé, je suis tout petit et seul, je suis perdu, je ne sais pas quoi faire, mon coeur bat si fort, j'ai l'impression qu'il va se briser en mille morceaux. Le cauchemar devrait finir ici, mais rien ne l'arrête. Ce n'est pas un cauchemar, c'est l'implacable réalité perceptible qui me charrie dans son lit. Petit, je te veux vivant.24 décembre 2013

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