[Critique] VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES
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Titre original : Valerian and the City of a Thousand Planets
Note:
Origine : France
Réalisateur : Luc Besson
Distribution : Dane DeHaan, Cara Delevingne, Clive Owen, Rutger Hauer, Alain Chabat, Rihanna, Ethan Hawke, Kris Wu, Sam Spruell, Herbie Hancock, John Goodman…
Genre : Science-Fiction/Aventure/Fantastiqu/Action/Adaptation
Date de sortie : 26 juillet 2017
Le Pitch :
Au 28ème siècle, Valérian et Laureline sont dépêchés sur la station Alpha, pour enquêter sur une force obscure dont la puissance pourrait mettre en péril l’équilibre de l’univers. Dans cet endroit en constante expansion où des milliers d’espèces cohabitent en paix, les deux agents du gouvernement vont devoir jouer contre la montre pour mener à bien leur mission…
La Critique de Valérian et la Cité des Mille Planètes :
Autant commencer par-là : Valérian souffre un peu du syndrome John Carter. Comme ce dernier, le film de Besson est adapté d’une œuvre fondatrice de la science-fiction, en l’occurrence la bande-dessinée de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin, qui a inspiré Star Wars et bien d’autres, participant in fine à la construction d’une imagerie qui aujourd’hui perdure. Comme John Carter donc, qui illustrait les romans d’Edgar Rice Burroughs. Il est donc logique de retrouver dans Valérian des éléments qui rappellent d’autres longs-métrages. On pourra par exemple souligner les points communs entre le vaisseau des héros et le Faucon Millenium de Han Solo et Chewbacca et faire le rapprochement entre l’apparence des créatures de la station Alpha et celles de la Cantina chez George Lucas. Voilà qui est dit…
Besson, roi de l’esbroufe
Cela dit, si il convient de replacer l’œuvre de Mézières et Christin à la place qui est la sienne dans l’Histoire de la science-fiction, difficile de ne pas remarquer que Lucas et les autres s’en sont beaucoup mieux sortis quand ils s’en inspirèrent pour donner naissance à des univers complexes et immersifs que Besson, vu que ce lui se « contente » de mettre en mouvement la B.D.. Avec l’assurance qui est la sienne, le réalisateur français s’approprie le monde de Valérian pour le remodeler à son image tout en conservant suffisamment de choses du matériau d’origine pour pouvoir se targuer de rendre hommage au boulot des auteurs.
C’est donc après une introduction assez longue au son du Space Oddity de David Bowie, qui est de prime abord intéressante mais qui devient rapidement redondante, que Valérian commence. Et d’emblée Besson veut nous en mettre plein la vue. Histoire de nous montrer que les 200 millions ont bien été dépensés. Difficile de nier que les effets-spéciaux de chez Weta (la boite de Peter Jackson) sont quasiment irréprochables. Les textures et la production design sont de très bonnes facture et font de Valérian le film le plus techniquement abouti de toute la filmographie de Besson. Haut la main. Mais après tout, le contraire aurait été surprenant quand on voit le budget et quand on sait qu’en allant frapper à la porte de chez Weta, Besson s’est assuré les services des meilleurs.
En revanche, si, très objectivement, Valérian est visuellement très soigné, on est tout à fait en droit de le trouver très moche. On reconnaît la patte Besson dans le moindre plan et la filiation avec Le Cinquième Élément est évidente. Certain pourront s’émerveiller et goûter à toutes ces couleurs criardes mais d’autres (dont l’auteur de ces lignes) à l’inverse, trouveront que le film s’apparente à un collage maladroit où des monstres globalement assez laids évoluent dans un monde composé d’éléments mal assortis, graphiquement agressifs voire assez vulgaires. En soit, Valérian faisant office d’assemblage prétentieux et flashy d’un mauvais goût assez prononcé. Mais c’est une question de goût. Les fans du Cinquième Élément y trouveront possiblement leur compte.
Besson a mis le paquet. À tous les niveaux. Il a forcé le trait à l’extrême, pied au plancher et ne s’est retenu en rien. Valérian est son jouet comme Michel Bay avec ses Transformers, il a clairement profité de son influence et de son budget pharaonique pour briser toute notion de limite, n’écoutant que sa propension à marier les saveurs les plus antinomiques quitte à ce qu’à la fin tout ceci laisse un arrière-goût pas franchement agréable en bouche et agresse en permanence la rétine.
Y compris au niveau de la mise en scène, typique du cinéma de Besson, c’est logique, sans surprise, sans trop de relief ni d’envergure, reposant sur des automatismes prévisibles et des gimmicks déjà vus dans les précédentes productions du maître d’œuvre, si on fait exception de deux ou trois trouvailles sympathiques sur lesquelles Besson ne table de toute façon pas assez pour se permettre de sortir de sa zone de confort.
Disque raillé
Et encore, ce n’est pas le pire parce que là où pêche clairement Valérian, c’est quand il essaye de nous raconter son histoire. Un récit plusieurs fois narré, en mieux la plupart du temps, auquel le scénario ne confère absolument aucune substance. Pour résumer assez clairement, il convient de dire que Valérian raconte en effet quelque chose, mais qu’il donne l’impression de tourner en rond et de se concentrer sur des vannes pas drôles et sur des scènes d’action gentiment aux fraises. La séquence dans laquelle les héros doivent par exemple récupérer un artefact dans une autre dimension est particulièrement mal fagotée et n’a visiblement pour but que de faire l’étalage du savoir-faire visuel de Besson, qui s’amuse comme un fou en oubliant de faire preuve de cohérence et de mesure. Une démonstration de force après l’autre, Besson avance bille en tête vers un dénouement qu’il foire dans les grandes largeurs comme à son habitude. Et si la rythmique du long-métrage est en effet assez soutenue, on en vient immanquablement à regarder sa montre et à trouver les 2h20 que dure l’aventure interminables. Rajoutons à cet état de fait un méchant sans saveur, presque anecdotique, des enjeux vraiment mal exposés voire inexistants et des dialogues particulièrement nazes et on aura une idée précise du traitement que fait subir le réalisateur à l’œuvre phare de Mézières et Christin.
Luc Besson qui a passé les mois précédents la sortie du film à nous convaincre de l’extraordinaire richesse de son univers et de l’admiration qu’il a pu susciter chez les auteurs de la B.D., allant même jusqu’à souligner à quel point il avait pu tirer de Rihanna des choses insoupçonnées, alors qu’en fait, cet exemple est particulièrement parlant, la chanteuse étant quasiment absente et ne se montrant vraiment que le temps d’un numéro de danse qui pourrait très bien faire office de clip vidéo et qui n’a donc rien d’utile et de transcendant. Du coup, quand il joue la carte de l’émotion, Valérian suscite l’indifférence polie ou tombe dans un ridicule gênant qui finit de tuer dans l’œuf un lyrisme de toute façon de pacotille et l’empathie que l’on pourrait ressentir pour les personnages.
Alors oui, Valérian est une œuvre graphique riche, fourmillant de détails, mais du côté du scénario, c’est un vrai ratage. Tous les tics les plus insupportables de Besson y sont présents et exacerbés à l’extrême. Rien ne se tient vraiment. Cherchant à sans cesse attirer l’attention, le réalisateur ne sait même pas se faire confiance et se reposer sur les images, se forçant à revenir sans cesse à la charge avec des dialogues bien moisis dont le but ne semble être que de rappeler au spectateur qu’il doit rester bien réveillé parce que tout ceci est franchement génial et pourrait même bien être le plus grand film de s.f. de tous les temps. C’est clairement loupé.
Cara Delevingne Show
Tragiquement, la direction d’acteurs est au diapason. Quand ils ne sont pas complètement paumés, comme Clive Owen, qui donne l’impression de ne pas savoir lui-même pourquoi il a signé pour un truc pareil, les comédiens sont mal dirigés. À commencer par le duo vedette. Dane DeHaan, qui joue Valérian, ne convient pas vraiment pour le rôle. Besson semble le savoir puisqu’il le relègue au second plan, et tant pis si c’est le nom de son personnage qui est sur l’affiche, préférant se focaliser sur Cara Delevingne, dont les courbes et le caractère viennent se placer dans la droite lignée de ses précédentes héroïnes (Milla Jovovich et cie). Cara Delevigne qui est filmée sous toutes les coutures, canon à souhait, mais pas suffisamment canalisée pour s’avérer pertinente. Inexpérimenté, l’ancien mannequin est ici en roue libre et c’est dommage. Les autres, les seconds rôles, ne sont là que pour faire joli, à l’image de tous les personnages extérieurs au duo, qui sont soit de bons vieux faire-valoirs sans consistance soit uniquement là pour compléter une galerie de créatures certes impressionnante mais parfaitement inutile. Et Alain Chabat on en parle ? Non, vaut mieux pas car de toute façon, on le voit 5 minutes et le fait que ce soit lui et pas le premier venu, ne change rien.
C’est dans les vieux pots…
La façon dont Luc Besson a d’exploiter son casting, de montrer qu’il a de l’influence en rameutant des stars sans prendre la peine de rendre justice à leur talent (Ethan Hawke, Rutger Hauer, qu’on voit 30 secondes…), sa tendance à irrémédiablement proposer le même film, les mêmes enjeux et les mêmes rebondissements, font de Valérian, cette grosse machine qui tourne à vide, un blockbuster particulièrement indigeste et parfois profondément irritant. Mais au fond, contrairement aux complètement ratés Malavita, Angel-A et Lucy, qui brillaient surtout par leur cynisme bien putassier, Valérian a pour lui sa sincérité. On sent que Besson aime la bande-dessinée et veut lui rendre justice. Empêtré dans ses habitudes, incapable de se défaire de ses tics, il se prend sans arrêt les pieds dans le tapis mais fait preuve d’une certaine innocence et d’une générosité qui parfois, limite les dégâts. Pas de quoi crier au génie, loin de là, mais force est de reconnaître que Valérian est le premier film depuis très longtemps, où Besson retrouve une certaine forme de sincérité. Ce qui, vu qu’il s’agit d’un gros truc bien bordélique, est aussi salvateur qu’inquiétant, prouvant au passage que le Besson des débuts, celui de Nikita, Le Grand Bleu et Subway, s’est définitivement fait la malle, laissant le grand nabab du cinéma français faire sa tambouille, incapable de se défaire d’une attitude de chef de basse-cour qui ne sait plus que s’extasier sur son propre talent auto-présumé et auto-glorifié, au lieu de revenir à un langage cinématographique pur. Le genre qui aurait pu faire de Valérian le grand film de science-fiction que le cinéma français attendait et d’une certaine façon méritait. Mais pour cela, il va falloir se tourner vers la jeune garde. Vers des films comme le récent Virtual Revolution par exemple, qui, avec quelques euros, trois bouts de ficelle, de la bonne volonté et de l’inventivité à revendre, ont réussi là où Besson n’est plus capable d’assurer…
En Bref…
Valérian limite les dégâts grâce à la sincérité (relative) de son réalisateur et à la qualité de ses effets-spéciaux, qui contribuent à donner naissance à un univers bordélique mais foisonnant. Malheureusement, le film n’a pas grand-chose à raconter et se perd au fil de blagues vaines et de rebondissements foirés qui noient les enjeux et amenuisent la potentielle émotion et le lyrisme de certaines jolies vignettes. En somme, ce blockbuster bien maladroit, assez prétentieux et plutôt mal assemblé porte la marque de son réalisateur. Beaucoup plus valeureux que Lucy, moins gonflant que Le Cinquième Élément, il ne parvient néanmoins pas à sonner avec la puissance espérée et ne rend pas justice à l’importance de la bande-dessinée dont il s’inspire, s’imposant surtout comme quelque chose de paradoxalement anecdotique. Malgré les millions d’euros et malgré tout le reste. Plus que jamais, l’argent ne fait pas tout…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : EuropaCorp