Magazine Culture

[Revue de presse] L’histoire derrière la Beatle-mobile de John Lennon #JohnLennon #RollsRoyce

Publié le 06 août 2017 par John Lenmac @yellowsubnet

Comment la Rolls Royce psychédélique de John Lennon est-elle devenue un objet culte de notre culture ?
" Vous êtes sérieux ! Comment avez-vous osé faire ça à une Rolls Royce ? " Telle fut la réaction d'une Britannique à la vue de la Phantom V de John Lennon sur la promenade de Piccadilly en 1967. Cette limousine ornée de décorations, peinte d'une couleur jaune électrique et agrémentée de panneaux floraux et de symboles du zodiaques telle une caravane gitane avait tellement offensée cette brave dame qu'elle n'hésita pas à attaquer Lennon à coups de parapluie. C'est en tout cas ce que racontera le Beatle par la suite.
John Lennon avait décidé d'exprimer son univers à travers sa voiture. Une réaction qui choquera les anciennes générations, enrageant ceux qui estimeront que l'icône britannique devenait subversive. " Je peux imaginer la réaction de cette dame : ''Comment osez-vous ? C'est une des choses que vous ne pouvez pas faire !'' " nous explique Giles Taylor, directeur du design pour Rolls Royce. " C'est comme tagger Buckingham Palace. Vous vous approchez dangereusement des limites de ce que peuvent supporter l'élégance, la décence et les bonnes manières britanniques. "

50 ans après avoir outragé l'Establishment britannique, la Rolls Roce de John Lennon est devenue un chef-d'eouvre de design et un joyau des Swinging Sixties. Après quasi quarante ans passés en Amérique du Nord, où il a été accueilli par plusieurs musées, ce véhicule unique est revenu en grande pompe en Angleterre dans le cadre d'une exposition sur les Rolls Royce, " The Great Eight Phantoms ". Jusqu'au 2 août, des Phantoms possédées par les plus grands, de la reine Elizabeth II à Fred Astaire ont été exposées dans les galeries de Bonham à Londres pour commémorer la sortie de la Phantom VIII, dernière version du modèle quasi centenaire.

Au détriment des somptueux modèles exposés, la voiture possédée il fut un temps par un gars de Liverpool aura été le centre de l'attention. " C'est de l'art à l'état pur " explique Taylor à propos de la voiture surnommée désormais " Psychedelic Rolls " pour des raisons évidentes. " John Lennon a choisi une pièce automobile comme toile, détournant tous les symboles qui étaient rattachés à la Rolls Royce à l'époque. Il en avait certainement ras-le-bol du conformisme. Cette voiture est une affirmation artistique. " Allusion directe à John Lennon, le nouveau modèle de Phantom proposera aux clients de designer entièrement le tableau de bord en verre de la façon qu'ils souhaitent. " Nous avons laissé la porte ouverte à une forme de " subversion " de la part de la marque qui fait écho au geste originel de John Lennon. Vous avez désormais le droit d'exprimer votre créativité. "

John Lennon acheta sa première Rolls Royce, une voiture d'occasion marron et noire, en juillet 1964 pour aller de Londres à Kenwood, sa propriété fraîchement acquise dans le village de Weybridge (Surrey). Mais en décembre de la même année, Lennon décida d'améliorer sa voiture relativement modeste en achetant un véhicule approprié à son nouveau statut, et fit une commande du modèle le plus rare (comprendre : le plus cher) de Rolls Royce. " La rumeur dit que John voulait doubler son manager, Brian Epstein ", explique Dr. Lorne Hammond, conservateur du Royal British Columbia Museum au Canada où la voiture est exposée depuis 1993. " Au retour d'un voyage en 1964, les Beatles ont été reçus par Brian à l'aéroport dans une nouvelle Bentley, preuve matérielle de leur succès. Le choix de Lennon de s'acheter une Phantom V montrait alors au monde qu'il avait réussi. Il a acheté " la meilleure voiture du monde " en prenant toutes les options et les suppléments possibles. La satisfaction d'avoir fait mieux que son manager a dû jouer dans ses choix. "

Commandée auprès de R.S Mead Ltd., un détaillant basé à Maidenhead, la Phantom V entièrement personnalisée a demandé six mois de fabrication. Son châssis a été manufacturé dans l'usine Rolls Royce de Crewe (Cheshire) et à la fin du mois de janvier 1965, le travail sur la limousine en tant que telle commence au Mulliner Park Ward de Willesden. Malgré tous les documents accumulés pendant le processus de fabrication du véhicule, le coût total de la voiture n'est jamais indiqué. L'historien Steve Clifford a fait une estimation - après avoir détaillé entièrement la voiture dans un article paru en 1999 pour le magazine Beatleology - autour de 11 000 livres d'époque (soit un peu moins de 203 000 euros aujourd'hui). Cependant, si l'on prend en compte l'impact médiatique de John Lennon, celui-ci étant l'une des personnes les plus célèbres du monde, il serait juste de penser que le Beatle a bénéficié d'une certaine réduction sur le prix total.

Ironie du sort lorsque l'on connaît le budget de la voiture, John Lennon était incapable de conduire lorsqu'il a fait la commande. Il ne passera son permis que le 15 février 1965 à l'âge de 24 ans, devenant ainsi le dernier Beatle à l'obtenir. " Je ne m'en suis jamais vraiment préoccupé parce que conduire ne m'intéressait pas, mais quand les autres l'ont passé, je me suis dit que je ferais mieux de m'occuper de cela ou je serais à la traîne " affirmait Lennon à l'époque. Le même jour, le 15 février 1965, le groupe commence à travailler sur le prophétique " Ticket to Ride ". Si l'on en croit le plus grand nombre - Lennon inclus - il était un conducteur assez médiocre, et trop peu habile de ses mains pour gérer la moindre panne.

Un nombre incroyable de pare-chocs ont été épargnés lorsqu'il décida de faire appel aux services d'un Gallois nommé Les Anthony, dont les larges compétences lui permettront de devenir à la fois un garde du corps et un chauffeur efficace. Disponible à n'importe quelle heure du jour et de la nuit pour 36 livres par semaine, Anthony endossait sa casquette de chauffeur dès que " Mr. Lennon " téléphonait. C'est certainement lui qui conduisit au moment de la réception de la Phantom V le 3 juin 1965. Immatriculé " FJB111C ", le véhicule mesure 5,8 mètres de long sur 2,04 mètres de large. Sur la balance, la limousine pèse pas moins de 3 tonnes et par conséquent ne roule pas à proprement parler mais glisse plutôt sur le goudron. A la livraison, la voiture n'est pas encore décorée et a été peinte avec la teinte " Valentine Black ". " La Rolls de John était entièrement noire - même les roues. La seule touche de couleur était sur le radiateur. Il m'avait dit qu'il voulait que cette partie soit noire également, mais les gens chez Rolls n'ont pas voulu " affirme Anthony.

Parmi toutes les fonctionnalités les plus classiques du modèle, la voiture comprenait un V8 de 6,23 litres, des sièges en cuir noir, un espace à cocktails en bois fin, une table d'écriture, des lampes de lecture, un ensemble de valises mixte de sept pièces et une télévision portable. Quelques nouveautés s'étaient glissées dans cette liste : un système de réfrigération caché dans le coffre de la voiture, parfait pour refroidir du champagne ou du soda pour les whisky. L'ajout le plus inédit consistait en des fenêtres côté passager faites à partir d'un verre triple épaisseur assombri. La Phantom V de John Lennon fut l'une des premières voitures en Angleterre à posséder des vitres teintées, empêchant les curieux de voir ce qu'il se passait à l'intérieur de l'habitacle. Mais plus important encore que l'aspect privé, John Lennon aimait l'impression d'espace confiné, comme une discothèque mobile, que cela conférait à sa voiture. " Les gens pensent qu'ils ont des fenêtres sombres pour se cacher des autres. C'est en partie pour cela, mais c'est également pour les retours de soirée, " admit John Lennon en 1965. " S'il fait jour quand vous rentrez, l'intérieur de la voiture est toujours sombre - vous avez juste à fermer toutes les fenêtres et vous êtes toujours dans le club. "

Dans ces heures très matinales, alors qu'il se faisait conduire chez lui depuis les clubs les plus branchés comme le Ad Lib Club ou le Scotch of St. James, Lennon prenait certainement plaisir à se dire qu'il voyageait dans la même voiture que son héros Elvis Presley. Mais le King of Rock était loin d'être le seul monarque à apprécier la Phantom V. La reine Elizabeth II et la Reine Mère utilisaient toutes les deux ce modèle comme voiture officielle. Une situation qui créait occasionnellement la confusion auprès des fans des Beatles. Peut-être que ce point commun aura servi de sujet de conversation quand les Beatles sont montés dans la Phantom de Lennon pour se rendre à Buckingham Palace le 26 octobre 1965 afin de recevoir leurs médailles des mains de Sa Majesté.

En décembre 1965, un contrôle de routine se transforma en une véritable rénovation après que Lennon a envoyé une liste de sept pages pour changer certaines choses pour la modique somme de 1900 livres. Un budget qui permis à la voiture de devenir un véhicule à-la-Austin Powers, notamment avec une banquette arrière qui pouvait se transformer en un lit double - et qui a vu ses accoudoirs devenir d'immenses cendriers. De la musique sur demande était disponible grâce à un petit bijou de platine ''flottante'' Philips Auto-Mignon AG2101, munie d'un système de suspension qui évitait à l'aiguille de sauter lorsque la voiture était en marche. Un lecteur de cassette Philips a également été ajouté dans un petit espace conçu uniquement pour cela, ainsi qu'un téléphone Sterno qui répondait au numéro WEYBRIDGE 46676. " Le téléphone et ses piles étaient si gros à l'époque qu'ils occupaient presque tout l'espace " se remémore la gouvernante de John Lennon, Dot Jarlett. " John avait également fait changer le klaxon pour qu'il joue ''Lili Marlene'' dès que l'on s'en servait. "

La télévision fut également améliorée, mais la qualité de réception était faible et l'appareil fonctionnait rarement. A la place, John Lennon se divertissait en utilisant un système de porte-voix qui lui permettait de s'adresser au public. Les haut-parleurs situés dans les passages de roues avant permettaient aux occupants du véhicule de communiquer avec le monde extérieur par le biais d'un micro. " Vous pouviez demander aux gens de traverser un peu plus vite, ce qui les effrayait au plus haut point, " explique à Rolling Stone l'associé des Beatles Tony King. La radio de la voiture pouvait également passer par ces haut-parleurs, et John Lennon aimait particulièrement faire jouer des enregistrements de trains et d'avions pour surprendre les passants.

Les compagnons de John Lennon participaient régulièrement à ces facéties. " Après les sessions d'enregistrement, à deux ou trois heures du matin, nous nous passions par des villages pour aller à Weybridge, en chantant " wey hey "tout en conduisant beaucoup trop vite " se souvient Paul McCartney dans le documentaire sur les Beatles Anthology. " George était parfois dans sa Ferrari - il conduisait vraiment vite - et John et moi le suivions dans sa grande Rolls Royce. John avait un micro dans sa Rolls avec un porte-voix à l'extérieur et il criait sur George qui était devant ''Il est inutile de résister, il est inutile de résister ! Rangez-vous !'' C'était fou. Toutes les lumières des maisons s'allumaient alors que l'on passait devant - on devait effrayer absolument tout le monde. "

Personne n'était à l'abri, pas même les gens de leur entourage. " Je me souviens être à Hyde Park, de retour de la maison de John dans sa grosse voiture avec chauffeur... Nous roulions dans le parc, et devant nous il y avait l'Austin Princess de Brian [Jones], " explique Paul McCatney à son biographe Barry Miles. " On voyait son grand chapeau et ses cheveux blonds tandis qu'il fumait nerveusement à l'arrière de sa voiture. John s'est alors servi de son micro et dit ''Rangez-vous, maintenant ! Brian Jones ! Vous êtes en état d'arrestation ! Rangez-vous immédiatement !'' Brian fit un bond. ''Putain'' ! Il croyait vraiment qu'il avait été pris sur le fait. Il se faisait dessus ! Il a ensuite vu que ce n'était que nous. Et on est partis en lui faisant des grands doigts d'honneur de nos fenêtres. "

John Lennon a totalement rentabilisé sa voiture en 1966, enchaînant les kilomètres et atteignant les 20 000 miles (un peu plus de 32 000 kilomètres) à la fin de l'année. Quand son premier rôle au cinéma dans How I Won the War (de Richard Lester) nécessita qu'il se rende en Espagne pour six semaines à l'automne 66, il demanda à Anthony de faire le trajet en voiture avec sa Phantom V pour qu'il le rejoigne sur place. " Nous étions à Almeria, où il y avait beaucoup de sable, et les enfants du coin en profitaient pour écrire El Beatle sur la voiture. " se souvient Les Anthony. Le grand espace noir était un objet de concupiscence dans la petite ville de province, et obtint rapidement le surnom de " El Funebre " (le Corbillard) dans l'esprit des locaux.

Le tournage devint rapidement assommant et peu enrichissant aux yeux de Lennon, et la Rolls se transforma en un cocon dans lequel, selon Paul McCartney, " il vivait en partie. La voiture avait des vitres teintées donc c'était parfait. John n'en sortait plus - il avait pris l'habitude de s'adresser aux gens en utilisant son micro : 'Eloignez-vous de la voiture' " Pour fuir l'ennui entre les prises, John Lennon passait son temps sur la banquette arrière, à fumer de la marijuana qui avait été introduite sur le territoire espagnol dans des boîtes de bonbons, et à inventer des paroles pour une nouvelle chanson très mélancolique provisoirement intitulée " It's Not Too Bad ". Après un long processus de maturation, la composition prendra son titre final de " Strawberry Fields Forever ".

Le single légendaire des Beatles sera le point d'orgue de ce qui aura été un voyage globalement décevant. John Lennon perdit l'envie de devenir une star du cinéma, Anthony détesta les cafards et la chaleur du pays, et les routes archaïques qui endommagèrent sévèrement les essieux de la Phantom V. Les réparations mécaniques furent effectuées rapidement, mais le sable du sud de l'Espagne et la poussière avait ruiné le fini noir mat de la voiture. Une nouvelle peinture fut requise. John Lennon, libéré par les sessions fructueuses de Sgt. Pepper and the Lonely Hearts Club Band, commença à considérer le fait de colorer un peu plus sa carlingue.

Comment au juste John Lennon arriva à la conclusion de faire un ensemble composé de fleurs gypsy et de signes du zodiaque est sujet à de multiples débats. Les Anthony affirme que Ringo Starr aurait été l'initiateur du projet durant un trajet début 1967. " Nous passions à côté d'une fête foraine, et ils admiraient toutes les décorations et les caravanes des gitans. Ringo proposa alors que la Rolls soit peinte de cette façon. John approuva l'idée. " Cependant, d'autres affirment que l'idée fut suggérée pour la première fois par Marijke Koger - du collectif de design danois Fool et qui peindra également le piano de John Lennon ce même été - après que Lennon lui a commandé la rénovation d'une caravane de gitans datant de 1874 comme cadeau pour son cadet, Julian. Quelle qu'en soit l'origine, l'occasion de dire " Fuck " à tout le bien-pensant britannique était trop bonne, et ce changement permit également à John Lennon de satisfaire son goût excentrique.

Doutant de la capacité de Rolls Royce à faire subir un changement aussi drastique à l'un de leurs véhicules haut de gamme, John Lennon rendit visite au constructeur de voitures privées J.P. Fallon Ltd. le 8 avril 1967, pour parler du design. Après avoir peint tout le corps de la voiture en jaune, l'artiste local Steve Weaver fut chargé des spirales art nouveau rouge, orange, verte et bleu, des panneaux latéraux fleuris et des signes du zodiaque Balance - celui de John Lennon - sur le toit. Le 24 mai, Weaver termine la commande. Comme on aurait pu s'y attendre, la révélation de cette Rolls Royce inédite attira la presse du monde entier. " La première fois que je l'ai conduite, j'étais cerné par des hordes de photographes, " se souvient Anthony.
Les réactions furent mitigées, en fonction de la génération à laquelle vous apparteniez. The Daily Mail rapporta que " le jaune criard " du véhicule entraînait les railleries de la foules, tandis que le numéro du mois de juillet 1967 de Beatles Book Monthly affirmait qu'un agent de la circulation craignait que les couleurs vives de la voiture ne distraient les conducteurs de la route. Bien sûr, il y a également eu des réactions similaires à celle de cette personne âgée qui se servit de son parapluie pour frapper la voiture sur Piccadilly. " Bien entendu, John était ravi et répétait cette histoire partout où il allait " se souvient son ami Tony Bramwell dans ses mémoires Magical Mystery Tours : My Life with the Beatles en 2006.

John Lennon et ses comparses adorèrent la voiture. Livrée plusieurs jours avant la sortie de Sgt. Pepper and the Lonely Hearts Club Band, son premier voyage officiel eu lieu le 28 mai. La bande d'amis se rendit dans la nouvelle maison de campagne de Brian Epstein, pour célébrer à la fois la crémaillère et la sortie de l'album. On ne sait trop comment, John Lennon réussit à se faufiler à l'arrière de la voiture avec huit autres personnes : sa femme Cynthia, George Harrison et son épouse Pattie, Koger et ses compagnons de Fool Simon Posthuma et Josie Leeger, Derek Taylor - l'ancien attaché de presse des Beatles qui venait tout juste d'atterrir de Los Angeles pour l'occasion - et sa femme Joan. Chacun d'entre eux - exceptés les Taylor - étaient revêtus de vêtements de soie et de satin colorés, ornés de fleurs, de foulards et de colifichets. Guidés par des bouquets de ballons disposés à des endroits stratégiques pour annoncer le chemin, les amis sirotèrent du thé aromatisé au LSD et jouèrent en boucle la ballade gentiment psychédélique de Procol Harum " A Whiter Shade of Pale ".

" John et ses amis flottaient dans sa grande Rolls jaune, évoluant dans la campagne bucolique des beaux jours de mai, comme s'ils étaient dans la citrouille magique qui se rend au bal, " écrit Bramwell dans une scène idyllique. L'événement fut le fait marquant de toute la saison, point d'orgue de ce mythique Summer of Love. " La fête possédait un aspect quasi onirique, " écrit le confident des Beatles Peter Brown dans son livre The Love you Make. " Les prophètes étaient là, il y avait de la bonne nourriture en abondance, de l'alcool et des amis. 'A Whiter Shade of Pale', entrecoupé d'extraits de Sgt. Pepper, fut joué pendant tout l'après-midi et jusque dans la soirée. "

Cet état idyllique ne pouvait pas durer. L'été magique connu une fin abrupte le 27 août, lorsque Brian Epstein fut retrouvé mort d'une overdose accidentelle de barbituriques et d'alcool dans son domicile londonien. Les temps avaient changé et la météo s'assombrit. Cet automne là, les Beatles se rassemblèrent pour filmer leur premier long-métrage en tant que réalisateurs, Magical Mystery Tour, qui fut légèrement moins pire pour Lennon que son expérience de How I Won the War un an plus tôt. La Phantom peut être aperçue dans plusieurs plans du film, qui restent les seules images - ou presque - de la voiture au temps où les Beatles étaient en activité.

Depuis 1968, une autre Phantom V, immatriculée EUC 100, était devenue le véhicule principal de John Lennon. Le modèle, entièrement blanc, semblait être le signal d'un changement dans la vie de Lennon, qui s'écarte alors de ses fantaisies psychédéliques pour se diriger vers un minimalisme conceptuel - dû en partie à sa relation naissante avec l'artiste Yoko Ono. Le collage kaléidoscopique de la pochette de Sgt. Pepper fait place à la jaquette immaculée du White Album, les kaftans vifs sont remplacés par des costumes blancs et Kenwood est remplacé par la grande maison de style géorgien de Tittenhurst Park.
La connaissance des lieux précis où se situe la Phantom flower-power reste assez confuse pour le reste des années soixante, mais Steve Clifford a établit une théorie selon laquelle la voiture aurait été acheminée jusqu'aux Etats-Unis début 1968 pour que Lennon l'utilise lors des réunions d'Apple Corps - le nouveau label des Beatles - à New York. Quoi qu'il en soit, John Lennon rejoint sa voiture en septembre 1971, quittant son Angleterre natale pour ce qui sera la dernière fois. Même si la Phantom fera une apparition au 31ème anniversaire de John Lennon à Syracuse, la voiture sera principalement utilisée en location par d'autres musiciens, Bob Dylan, les Moody Blues et même des membres des Rolling Stones...

La Rolls est finalement rangée en décembre 1977 quand Lennon, embarqué dans des histoires avec les impôts américains, décide de la donner au Musée Cooper-Hewitt au Smithsonian Institute en échange d'un crédit d'impôt de 250 000 dollars. La voiture servira alors de point culminant à l'exposition " Ornament in the 20th Century ", d'octobre 1978 à janvier 1979. John Lennon fut grandement amusé par le spectacle de sa voiture en exposition, et plus particulièrement par toutes les cartes postales sur lesquelles figuraient son ancien véhicule. Il n'a d'ailleurs pas pu résister à en envoyer une à son oncle juste avant la clôture de l'exposition.

La Phantom V jaune prendra une nouvelle signification après l'assassinat de John Lennon le 8 décembre 1980, devenant une relique de l'une des figures les plus iconiques du XXème siècle. Quand le musée Cooper-Hewitt décida de mettre la voiture aux enchères chez Sotheby's le 29 juin 1985, elle se vendit pour 2 229 000 dollars (un peu plus de 1 880 000 d'euros) - près de dix fois sa valeur estimée. L'acheteur était Jim Pattison, un magnat et milliardaire canadien.

Pattison possédait également une franchise de musées américaine, et la Phantom fut un temps exposée dans l'une de ces structures, en Caroline du Sud. La voiture fut prêtée à l'Exposition Universelle de Vancouver en 1986 (également parrainée par Jim Pattison) avant d'être offerte au gouvernement canadien et exposée au Musée des Transports en 1987. A la suite de la fermeture de l'institution, le véhicule fut finalement installé au Royal British Columbia Museum.

Trop large pour faire partie de l'exposition classique du musée, la voiture passe la majorité de son temps stockée dans les dépôts. La télévision Sony, le lecteur de cassettes Philips et des câbles ont mystérieusement disparu au fil des ans, et le système audio ne fonctionne plus, mais la voiture roule toujours bien. Tous les six mois, un représentant de Bristol Motors la conduit brièvement pour s'assurer que tout reste en ordre, augmentant légèrement le kilométrage (qui a aujourd'hui atteint les 56 000 kilomètres). " Le plus gros défi avec cet objet consiste à préserver la peinture unique de l'extérieur " explique la responsable de la conservation Kasey Lee. " Elle ne s'est pas bien comportée avec le métal et la peinture originelle. Nous essayons de garder la voiture en état de marche simplement pour être surs de pouvoir la bouger si besoin. Le véhicule est incroyablement lourd, et puisque la peinture est si fragile, c'est très difficile de la pousser sans l'endommager. "

Selon le Dr. Hammond, la voiture de John Lennon a été estimée à 5,2 millions de dollars (4,4 millions d'euros environ), mais sa valeur réelle est impossible à évaluer. " Avec une œuvre d'art comme celle-ci, dieu seul sait ce qu'il peut se passer lors de l'enchère. Etant donné l'incroyable popularité de John Lennon et l'engouement des collectionneurs autour de tous les objets susceptibles d'avoir touché Lennon ou les Beatles, nous pouvons simplement deviner que la valeur du bien va augmenter avec le temps. Cependant, sa valeur en tant qu'objet de notre histoire culturelle est inestimable. "

[Revue de presse] L’histoire derrière la Beatle-mobile de John Lennon #JohnLennon #RollsRoyce
Par Jordan Runtagh / Traduit et adapté par Louise-Camille Bouttier sur Rolling Stone FR

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


John Lenmac 6235 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines