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Quand les crapules tirent les ficelles

Par Carmenrob

Me voilà de retour dans l’univers de John le Carré avec Single & Single, un polar sociopolitique dont il est réputé être un maître incontesté. J’ai pris moins de temps que lors de ma première lecture de cet auteur (Le chant de la Mission) à me faire à son ton dont l’ironie omniprésente contrebalance la tendresse pour ses personnages, leurs faiblesses surtout, me semble-t-il.

Quand les crapules tirent les ficelles
Ce livre met en scène les grands malfrats de la société, ceux qui vivent dans des palaces, qui se pavanent richement vêtus, qui ne fréquentent que des huiles, qui ont des amis bien placés. Ceux qui hantent rarement les prisons : ils réussissent généralement à passer à travers les mailles du filet, plus rarement ils meurent prématurément d’une balle entre les deux yeux. On parle ici des rois du commerce et des affaires, soutenus par les barons de la finance. La finance, c’est le business de Single & Single qui facilite avec profits à la carte de somptueux projets immobiliers, d’import-export ou de toute autre nature. Single père (Tiger) mène l’entreprise fort rentable de main de maître et fait de son avocat de fils, Single junior (Oliver), son associé minoritaire. L’histoire commence quatre ans après cette nomination, alors qu’Oliver se cache sous une fausse identité et collabore avec la police pour traquer un gang impliqué dans de très sales, et auxquels Tiger, attiré par l’appât des millions de retombées, a décidé de contribuer, provoquant une crise de conscience chez son fils à la moralité trop chatouilleuse. Ces activités mettent en cause des hommes d’affaires géorgiens, proches du gouvernement russe, également accointés avec un haut gradé de la police anglaise. Un nid de vipère, quoi! Sauf que la prise de pouvoir par Eltsine chambarde les équilibres, oblige l’exil en Turquie de nos bandits à cravate qui commencent à s’entredévorer entre eux, entraînant les Single dans la tourmente. Cette toile de fond assez sombre n’empêche pas l’auteur de faire voir en contrepartie la beauté du monde, le côté humain, tendre ou vulnérable, de tout un chacun. C’est aussi l’histoire d’un homme qui cherche à se déprendre de l’emprise de son père au piédestal démesuré. Tout cela avec cette palette colorée dont on ne se lasse pas.

Au firmament étoilé brillait une lune rose lacérée par des barbelés tranchants qui hérissaient le mur de la cour, remarqua Oliver avant que la porte se referme sur eux. Deux hommes étaient assis à une table de réunion derrière la baie vitrée du bureau de Toogoog, deux hommes au problèmes capillaires évidents. Pode, petit mais haut placé dans la banque, tout de tweed vêtu, portait des doubles foyers sans monture et de maigres mèches partant toutes du même côté dessinaient des lignes de tramway sur son crâne. Lanxon, le costaud, ancien élève d’école privée avec oreilles en chou-fleur et clubs de golf sur la cravate, arborait une moumoute brune en paille de fer digne d’un présentateur de télévision.

John le Carré, Single & Single, Éditions du Seuil, 1999, 392 pages


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