En 1996, Wes Craven et le scénariste Kevin Williamson ont collaboré pour la première fois sur le film Scream. Ils ont livré aux spectateurs un film qu’ils n’avaient pas l’habitude de voir à l’époque. Avec Scream, le duo a intelligemment combiné le film autoréférentiel et le film qui a conscience des conventions du slasher (incluant souvent les clichés associés au genre) avec une affection authentique pour les films d’horreur. Le résultat fut un classique post-moderne instantané qui fonctionne autant comme un hommage et une parodie des slashers des années 70 et 80. Scream est à la fois effrayant comme un film d’horreur devrait l’être tout en étant fun à regarder.
Suivi de Scream 2 en 1997, et de Scream 3 en 2000, Scream a souvent servi de modèle pour toute une flopée de slashers comme Urban Legend ou Souviens-toi l’été dernier. Alors que Scream 3 sonnait le glas de la saga, c’est en 2011 qu’on retrouve à nouveau Wes Craven associé à Kevin Williamson pour un quatrième opus. Une décennie est passée, et le genre de l’horreur a bien évolué. Les torture porn et les remakes à foison ont rencontré un succès fou à Hollywood. De son côté, le slasher peine à retrouver ses lettres de noblesse. Mais c’était sans compter sur Scream 4 qui prouve que ce sous-genre de l’horreur a encore des choses à dire.
Dix ans ont donc passé depuis les meurtres commis sur le tournage de Stab 3 et auxquels ont réchappé Sidney, Dewey et Gale. Tous les trois sont maintenant réunis à Woodsboro. Sidney semble avoir réglé ses problèmes avec son trouble passé, tandis que Gale et Dewey ont conclu leur plan de mariage. Mais les choses dérapent à nouveau lorsqu’un tueur s’en prend aux jeunes du lycée local.
On pouvait sérieusement remettre en cause l’idée d’un Scream 4, les suites ne faisant pas que des bons films. Cependant son retour à un ton plus classique et un scénario ludique démontre qu’il est essentiel. La force de Scream 4 se forge dans sa capacité à citer le genre, à s’en imprégner pour mieux le digérer. Le scénario diffuse tout au long de son intrigue un constat sur ce que l’horreur est devenue depuis les années 2000. Cela inspire même Ghostface pour ses meurtres. La nature autoréférentielle de la saga se puise dans les films Stab – la franchise horrifique regardée par les personnages de Scream. Dans Scream 4, l’ampleur de l’intertextualité à l’intérieur du genre horrifique est tellement prononcée, que même les films Stab sont devenus autoréférentiels de manière flagrante. Scream 4 ne fait pas de clin d’œil aux spectateurs volontairement, il se déclare lui-même comme étant malin.
Ce quatrième opus se montre d’autant plus percutant quand il explore l’idée qu’il est lui-même un remake du film original dans une ère où tout un tas de films d’horreur sont des remakes ou reboots. Alors que le casting original, Neve Campbell, Courteney Cox et David Arquette rempilent, le reste du casting foisonnent de stars émergentes issues de la culture pop comme Hayden Panetierre ou Emma Roberts. Le gap générationnel s’exprime à travers le commentaire que les jeunes d’aujourd’hui ont grandi avec les remakes et les films d’horreur ayant conscience d’eux-mêmes (ironiquement inspirés de Scream). Tandis que les personnages originaux ont grandi avec un cycle de films différents et « old school ».
Une nouvelle génération, de nouvelles règles, un nouveau groupe d’adolescents prêt à se faire massacrer. Scream 4 s’apparente à un remake du film original, mais il est aussi un reboot dont le désir initial était de lancer une nouvelle trilogie. Le film s’exprime sur une décennie passée de films d’horreur et n’hésite pas à s’en inspirer. Les scènes de meurtres sont plus gore, plus violentes. La scène d’ouverture, hilarante d’inventivité, se permet de commenter le genre sur son utilisation incessante de clichés. La saga se renouvelle pourtant grâce à ces éléments surutilisés dans les films d’horreur et les détournent à volonté. Le jeu du chat et de la souris instauré ici n’en est que plus jouissif. Le film se permet aussi de tacler les réseaux sociaux qui font maintenant partie intégrante de son univers. Tous ces aspects creusent le récit allant jusqu’à inspirer le motif de la tuerie à laquelle nous assistons. « I don’t need friends, I need fans » s’exclame un des personnages, et Scream 4 de commenter la manière dont nous mettons en scène notre propre vie en qûete de gloire.
Wes Craven fait aussi constat de l’utilisation de l’image à travers une conclusion amère sur le cinéma. Il y a un parallèle entre la réalisation maîtrisée et stylisée du film et les tentatives filmiques du tueur qui capturent ses meurtres à l’aide de webcams ou de smartphones. Scream 4 fustige le cinéma d’aujourd’hui qui veut absolument « capter » le réel en oubliant tout sens de mise en scène. Oubliés les found footage, le film de Wes Craven est un retour à l’artisanat et au savoir-faire de la mise en image à travers laquelle on nous raconte une histoire.
Pour sa toute dernière réalisation avant son décès, Wes Craven insuffle un air nouveau à un genre qui en manquait cruellement. A l’instar du film orignal, Scream 4 est une capsule temporelle, un moment dans le temps qui incarne l’état du genre horrifique.
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