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La troisième partie du monde

Par Rob Gordon
La troisième partie du mondeIl n’y a pas plus belle arnaque que celles où la victime se demande sans arrêt si elle n’est pas en train de se faire berner mais où elle n’a jamais la possibilité d’en être certaine. L’arnaqueur présumé se nomme Éric Forestier ; la victime, c’est le spectateur. Au centre de l’intrigue, La troisième partie du monde, fascinante bizarrerie dont il est bien difficile d’établir si c’est une œuvre géniale ou une totale entourloupe. Ce qui signifie que le réalisateur est suffisamment costaud pour captiver l’assistance pendant toute la durée de son film, mais qu’il lui a manqué un petit quelque chose pour le mettre totalement dans sa poche.
Cela commence par une rencontre : ils sont jeunes, se désirent, et profitent d’une maison à la campagne pour amorcer leur histoire. Ce qui pourrait ressembler à l’archétype du film d’auteur français emprunte bien vite d’autres voies, puisque se mêle rapidement à l’ensemble une sérieuse dose de métaphysique et de physique tout court, avec petit cours sur l’entropie et les trous noirs. Ce qui s’applique aux corps célestes semble s’appliquer également à la vie, puisque le jeune homme semble disparaître sans prévenir, comme happé lui aussi par un trou noir. S’engage alors une sorte d’enquête pas orthodoxe (c’est-à-dire plus intérieure que policière), où la demoiselle va bientôt se rendre compte que ceux qui la désirent et qu’elle désire tendent à disparaître eux aussi. Cela ne constitue que la première moitié d’un film qui plonge alors dans le métaphysique le plus total.
Assez cohérente jusqu’alors, l’intrigue va ensuite se déliter peu à peu et laisser place à un trip inquiétant mais toujours fascinant, avec évidemment quelques emprunts à Lynch. Mais Forestier est doué et ne donne pas dans la copie facile. Sa mise en scène baroque et délicate, aux antipodes des évènements inquiétants qu’il décrit, donne au film un ton particulier et assez emballant. On est sans arrêt à deux doigts de décrocher, mais on reste toujours dedans. Il faut dire que Clémence Poésy fournit au film une énergie hypnotique qu’il serait idiot de vouloir rejeter. Belle et convaincue par ce qu’elle a à défendre, elle est l’atout numéro un de ce film si étrange, également porté par quelques séquences de trip astronomique et par la musique d’un Jay-Jay Johanson décidément doué pour choisir à quels films prêter son talent. Des arnaques comme celle-ci, on en reprendrait bien tous les jours.
8/10

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