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Frankito : Le grand frisson

Par Gangoueus @lareus

Frankito, auteur du Grand Frisson aux éditions Ecriture

Copyright photo Frankito - Dorlis


Aux premiers abords de ce roman, je me suis dit – à tort - que Frankito allait faire moins bien que son précédent texte L’homme pas dieu. Et pour cause, la couverture, le titre, la quatrième de couverture, l’entame du roman, il n’y avait rien pour contrebalancer ces signaux qui généralement, vous poussent à passer à une autre lecture.
Par le fait d'une contrainte heureuse, j’ai poursuivi la lecture et je suis arrivé au vrai point de démarrage de ce roman, à savoir le grand frisson ressenti par un adolescent un peu paumé d’une banlieue populaire de Paris, membre d’un gangpar défaut, spécialiste du street art pour certains, vandale par excellence pour les autres. Bienvenu dit Ben est la première voix de ce roman. L’entame du roman est morose car dans le fond, comment décrire avec emphase les questionnements de cet adolescent en quête de repère, qui s’auto-initie à la sexualité, qui persécute ses petits frères jumeaux tous élevés dans un foyer monoparental ? C’est un univers lourd, porté par les films que Ben se fait dans sa tête et qu'il traduit dans une langue ancrée dans le béton et les barres infinies ou par des fresques impressionnantes. Il tente de se tenir à carreau loin du terrible conflit qui oppose deux bandes de la cité : les requins et les mambas noirs. Il choisit d’ailleurs dans un premier temps que son combat se fera par le biais de ses peintures murales pleines de provocation pour riposter à une agression de la bande rivale.
Une deuxième voix s’exprime de manière très différente. Une femme. Une trajectoire qui n'a rien à voir avec celle de Ben. Elle a grandi en Guadeloupe et elle est venue en métropole pour poursuivre ses études. Elle est entretenue par un maffieux russe qui alimente certains gangs de quartiers brulants par un trafic d’armes et il touche au proxénétisme. Mais tout cela n’est pas su par la belle, plus préoccupée par le désir de s’affranchir de la tutelle oppressante de son père et submerger par de vieux démons dont elle ne sait s’affranchir. Ces deux univers évoluent séparément mais ils sont liés ou vont se lier. Le niveau de la langue de la belle est poétique, raffiné, plus construit que celui de BEN. Comme je l'ai dit plus haut, quand Ben va rencontrer la belle étudiante, tout bascule.
Frankito écrit un roman où il réussit à nous proposer une belle histoire, peu probable certes, mais à laquelle on adhère parce que les fils qui la tiennent sont solides et engageants. L’initiation de l’adolescent. Le mythe de la princesse enfermée dans sa tour d’ivoire bien gardée par un cerbère. Le jeune héraut qui fait ses armes dans sa bande et la volonté du rêve, la possibilité d’un accomplissement. Je rajouterai que la polyphonie est juste parfaite. La langue de la racaille alterne avec celle de la belle Marie-Ange entrecoupée par les dépêches du journaliste qui brosse l’arrière-plan de la guerre des gangs et de la tension dans le quartier de Ben.
Ce que j’aime dans ces romans qui touchent aux quartiers populaires pour reprendre l'expression de l'écrivain congolais Wilfrid Nsondé, c’est la notion du rêve. Même si Frankito la complexifie, il la propose, ce qui donne au texte une ouverture heureuse. Je suis amusé aussi par la part du sexe dans ce livre et dans le travail de l’écrivain guadeloupéen. C’était déjà le cas dans L’homme pas dieu. Ici, elle est troublante pour des raisons que vous comprendrez en lisant ce livre et surtout par l’inversion des rapports qu’il expose.Dire qu’il y a à la base quelque chose de malsain dans la construction des personnages est réducteur. Mais il me semble que la construction psychologique amène une profonde cohérence à la connexion proposée et à la folie qui s'exprime dans ce texte. Il est probable que les filles soient un peu résistantes à la forme de la narration. Qu'elles s'expriment. Et c’est en cela que je trouve que Frankito propose un très bon roman, malgré des atours peu aguichants comme je l’ai indiqué au début de cet article.
J’ai donc aimé ce roman. Pour information, il m’a fallu deux semaines pour lire par bout les 20 premières pages et 4 heures pour lire les 200 autres dès que je suis rentré dans l’histoire. Merci Franck.
Frankito, Le grand frisson
Editions Ecriture, première parution en 2017

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