Magazine Cinéma
Bien qu'imparfaitement réalisé ("compilé", devrait-on dire), ce documenteur autour de l’œuvre de Kubrick (Shining, mais pas seulement) n'interroge ni le Cinéma en général, ni la mise-en-scène de Kubrick en particulier, mais plutôt notre rapport de spectateur aux films, et surtout cette relation obsessionnelle, irraisonnée qu'est celle du cinéphile ayant trouvé par hasard une œuvre fétiche.
Cette rencontre, cette probabilité de trouver l'objet d'une passion à l'état brute, c'est ce qui rend Room 237 aussi jouissif que permissif.
A travers neuf témoignages cinéphages (saturnien même, puisqu'il s'agit littéralement pour chacun d'entre eux d'expliquer à quelle sauce il dévore leur film culte), on découvre à quel point Shining regorge en effet de travers et de bifurcation, d'indices et d'impasse, à tel point que le mutisme immuable et maintenant éternel de Kubrick laisses les vannes ouvertes pour de multiples horizons, complotiste, révisionniste ou simplement culturelle.
Surtout, Room 237, à travers la compilation de ses neuf témoignages -dix même, puisque l'un d'entre eux, issu du dark net, préférera éviter d'être associé au film, le sujet lui étant trop précieux pour être ainsi jeté en pâture aux simples cinéphiles- Room 237, donc, prouve une chose: la richesse du cinéma de Stanley Kubrick, à peine effleurée, a su resté intact, dans un état de fantasme permanent, à l'aura unique, universelle.
Mention spéciale à cette fenêtre impossible dans le bureau du directeur, au pull Apollo, au motif du tapis s'inversant...
En montrant à quel point Shining peut être rongé sans jamais arriver à l'os, on se prend à penser à un autre film de Kubrick (Eyes wide shut, explicitement cité) et auquel personne n'a encore jamais osé prélever ne serait-ce qu'un centimètre de peau.
Et l'on comprend que, pour des dizaines et des dizaines d'années encore, les secrets de Kubrick, tel un trésor, demeurent inviolés, recouverts, enterrés à jamais sous la surface constante, impérissable, inaltérable et indéfectible de ses films.