
Je me souviens de cet instant, dans la Brasserie Bofinger, le soir de la présentation de la dernière édition des Guides Pudlo Alsace et Lorraine.
Fondant, moelleux, parfumé ... une surprise éblouissante qui surpassait de très loin tous ceux dont j'avais pu me régaler lorsque je vivais en Alsace.
J'ai voulu en connaitre la provenance et ô surprise cette splendeur sortait du four d'un boulanger installé à Paris, dont j'ai fait la connaissance le soir-même avec bonheur.
Je suis allée le rencontrer avenue Daumesnil, dans l'atelier qui jouxte sa boutique, presque sous la bénédiction de la statue dorée de la porte du même nom, depuis 1999.

Ancien collègue de Christophe Michalak, Arnaud Lahrer ou encore Claire Damon...Vandermeersch est un nom flamand et pourtant le boulanger est normand, originaire de Pont-Audemer. On aimerait écrire qu'il est tombé dans le pétrin tout petit (il avait une tante boulangère) mais la légende n'est pas validée. Comme beaucoup de jeunes il a subi une orientation par défaut. La boulangerie n'était pas une vocation. Il commence l'apprentissage chez un certain monsieur Blanc, qui fut un excellent maitre puisque Stéphane ne garde de cette période que d'excellents souvenirs. Il peut alors poursuivre chez sa tante à Evreux, rue de la Harpe.
Une rencontre sera déterminante l'année de ses 27 ans. Elle se passe lors d'une démonstration à Villepinte, où Pierre Hermé réalise des biscuits pour la maison Fauchon (où il sera 14 ans chef pâtissier). L'homme était peu bavard, Stéphane pas davantage, mais il ose exprimer son souhait de travailler auprès de lui. Le pâtissier lui tend sa carte de visite en suggérant d'envoyer un CV.Le rendez vous est fixé au 2 janvier, à 6 heures, du matin. Stephane n'a guère le temps de tergiverser. Il embauchera le mardi 3 janvier, devant laisser sa famille en hâte, et pour un contrat de seulement trois mois. Au bout de ce temps il s'inquiète, interroge timidement Pierre Hermé, s'apprêtant à revenir à Evreux. Mais non, Stéphane, c'est évident, on vous garde.
Son père lui avait trouvé un studio chez un particulier dans le quartier Monceau où il se sentait comme chez lui. Il allait travailler à pied, puis à vélo quand il était de nuit. Il quittera Fauchon au moment où le laboratoire déménagera.



Les épis de blés que l'on voit sur tous les emballages sont bien réels, noués par un ruban, suspendus dans le fournil pour le conserver sous de bons auspices.
Il aurait aimé pouvoir davantage partager son amour du travail avec la clientèle, en faisant un fournil ouvert. Mais l'endroit ne s'y prête pas sans engager de très gros travaux. Comme il pensait ne rester que cinq ans il s'est pas lancé dans une telle entreprise. Dix-huit ans plus tard il comprend que ça passe super vite la vie.





Le contact avait d'emblée été très chaleureux avec Gontran Cherrier et Bruno Cormerais, Meilleur Ouvrier de France et coanimateur. L'équipe a tourné beaucoup d'images et on était perplexes de ce qu'ils allaient montrer. Le résultat était satisfaisant, ce qui fait de ce challenge un beau souvenir.
C'est à cette occasion que Stéphane a créé une recette de kouglof salé, lequel a été présenté parallèlement à la version sucrée. Le succès fut immédiat et intense. On pensait que cela allait retomber comme un soufflé mais non, la demande est toujours aussi forte. Surtout avec le sacre du Figaroscope qui a permis une sorte de rebond. Il était bien entendu heureux de cette péripétie, même si ce fut un tour de forces pour parvenir à répondre à la demande.
Et depuis il n'a jamais cessé de faire des kouglofs jusqu'à 600 sur 5 jours en hiver. Mais on en trouve aussi en plein été. La clientèle n'admettrait pas qu'il soit "de saison". Tous les moules viennent de Souflenheim, sont nettoyés et beurrés à la main.







Pas de vacances en hiverNi pour lui, ni pour elle. Au Noël dernier ils étaient 25 à travailler ici. On ne peut pas pousser les murs, regrette-t-il. C'est que les commandes se multiplient alors encore davantage. Il commence à préparer les galettes un peu avant Noël pour pouvoir fournir dès l'Epiphanie, mais pas avant, tradition oblige. On n'en trouvera donc pas le 31 décembre. Il faudra attendre le premier week-end de janvier.
En 2001 le Figaroscope le place numéro 1 au palmarès de la meilleure galette. Ce fut un peu violent. Nous n'étions que trois et on a bossé jour et nuit. On était débordés. On a dû arrêter la pâtisserie. Impossible de continuer à faire une dizaine d'éclairs, de tartelettes et autres fantaisies et 400 galettes jour en même temps. Et le pli est resté. Début janvier, pendant une dizaine de jours tout le monde est productif sur ce produit, et uniquement celui-là.
La meilleure galette des rois de ParisStéphane Vandermeersch reste en tête dans cette catégorie.
L'épi de blé s'est imposé pour son pouvoir évocateur d'un monde ancien et son aspect porte bonheur. Il a tout de suite été utilisé pour décorer les couronnes. C'est Marianne Guély qui les dessine, et qui propose les fèves. Depuis toujours, et même au delà, car ils se sont rencontrés quand Stéphane travaillait auprès de Pierre Hermé.
Il a retrouvé, un peu par hasard, cette grande dame du design, spécialiste des papiers découpés et pliés pour la grande parfumerie et l'univers du luxe il a une quinzaine d´années et depuis ils sont restés fidèles l'un à l'autre.




On pourra encore en janvier prochain déguster des galettes traditionnelles qui ont la réputation d'être les meilleures de toute la capitale. Stéphane aimerait proposer une version personnelle, mais il faut que l'inspiration soit féconde, parce qu'il est hors de question d'innover pour le simple plaisir de sortir une originalité. C'est pas trop mon histoire, dit-il avec modestie.
Car le boulanger n'oublie pas ses débuts, et en particulier les difficultés de la première année. Les couronnes avaient été imprimées sur un beau papier mais qui n'était pas alimentaire. Il fallait les glisser dans un sachet spécial pour qu'elles ne soient pas en contact avec la galette.








Il n'envisage pas davantage de fournir des restaurants, parce que il craint de ne plus gérer les choses, en terme d'approvisionnement surtout. Par contre l'extension du marché sur le trottoir les jeudi et surtout les dimanche, le dérange. Les clients prennent une prune en voulant se garer et se font plus rares. Il faudrait imaginer un service de livraison pour compenser.
