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Lire Bernhard et se taire

Publié le 29 juin 2008 par François Monti

J’ai lu il y a déjà quelques semaines « Le naufragé » de Thomas Bernhard, livre magistral que domine la figure de Glenn Gould, mort quelques mois avant la parution. Une œuvre aussi forte devrait m’inspirer quelques commentaires. Il semble malheureusement que, comme je m’en suis rendu compte dès que j’ai commencé à lire Bernhard, il m’est impossible de ce faire. Je suis face à une sorte d’aphonie critique, comme si j’avais en face de moi un néant tellement impressionnant qu’il m’empêche de dire quoi que ce soit. Je pense l’avoir déjà dit : j’ai l’impression que Bernhard ne peut être abordé que par des critiques de premier plan. Dire quelque chose d’intelligent face à une œuvre de cette qualité, de cette particularité est une tâche extrêmement complexe. Plutôt que de l’ouvrir et par la banalité de ce qui sortirait de moi salir non seulement le texte mais surtout la trace profonde qu’il me laisse, et même si je pense comprendre, ne sachant m'expliquer sans paroles païennes, je voudrais me taire. A ce jour, seul Bernhard me fait cet effet. J’ai bien peur que je n’arriverai jamais faire mieux que ma tentative d’aborder « Gel ». Par contre, s’il y a une chose qui a radicalement changé depuis que j’ai découvert ses livres, c’est ma réception de son style. Lorsque j’ai lu « Corrections », frappé par l’étrangeté de la prose, j’ai un peu perdu mon sens de l’orientation. Fasciné, mais de l’extérieur. Plusieurs livres plus tard, j’ai été fort surpris lorsque je me suis mis à lire « Le naufragé » : la phrase bernhardienne est devenue une musique que j’ai intégrée. Dès la première page, je me suis laissé emporter, j’ai été absorbé comme rarement par cette écriture si étrange. Je n’ai certainement pas apprivoisé Bernahrd, mais je l’ai assimilé, sans m’en rendre compte, comme s’il s’agissait d’un membre de la famille ou d’un vieil ami que vous revoyez après une longue absence et que vous réalisez, étonné mais pas stupéfait, que tout se met en place immédiatement, que c’est comme s’il n était pas parti, qu’il n’y a qu’à se laisser aller, se laisser emporter par une conversation que même le temps éloignés l’un de l’autre n’a su interrompre.


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