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Les Proies (2017), Sofia Coppola

Par Losttheater
Les Proies (2017), Sofia Coppola

Absente des écrans de cinéma depuis The Bling Ring en 2013, la scénariste et réalisatrice Sofia Coppola revient avec Les Proies, une nouvelle adaptation du roman de Thomas Cullinan. Déjà adapté au cinéma dans les années 70 avec Clint Eastwood, ce remake ne semble pas être le choix le plus évident pour Sofia Coppola. Pourtant, la réalisatrice devient une adéquation parfaite pour cette histoire de femmes éprises de soupçon et d’hystérie sexuelle, isolées dans une grande maison. Le résultat est somptueux, tendu et très divertissant.

Colin Farrell reprend le rôle du soldat Corporal John McBurney, retrouvé blessé dans les bois par la jeune Amy, une élève de l’école pour filles tenue par Miss Martha (Nicole Kidman). Blessé comme il l’est, McBurney ne semble pas perçu immédiatement comme une menace malgré son allégeance de guerre. Il est donc admis comme demi-prisonnier et demi-patient, remuant à mesure égale la crainte et le désir dans toute l’école. Martha est initialement plus résistante à ses charmes, mais la professeur Edwina (Kirsten Dunst) et la maussade et indocile aînée des étudiantes Alicia se retrouvent attirées par lui. McBurney exploite cet intérêt et se montre assez intelligent pour créer une relation différente avec chaque femme et fille de l’école. Mais bientôt son esprit laisse place à l’arrogance et l’insécurité masculine, les choses commencent alors à s’effondrer terriblement vite.

Les Proies (2017), Sofia Coppola

Les Proies ne dure que 90 minutes et réussit à gérer intelligemment ses personnages et son histoire même si le sentiment persiste tout au long du film que certaines informations sont restées dans la salle de montage (la fin, par exemple, semble très soudaine). Le scénario de Coppola tord chaque insinuation de ses lignes de dialogues. Ces expressions à double sens rendent le film délicieusement drôle par moments. La tension sexuelle bouillonne à la surface et trouve son apogée dans une scène de dîner où Martha demande à chacune ce qu’elles pensent de McBurney. La suppression évidente du terme « baisable » de la bouche d’Edwina et Alicia, alors qu’elles ne trouvent pas de réponses plus propices, rend la scène succulente.

Il n’y a pas de maillon faible dans le casting, bien que Kirsten Dunst semble avoir moins à faire que le reste des premiers rôles. Nicole Kidman donne une interprétation parfaite de son rôle de matrone, et Elle Fanning est en forme pétillante. Des plus jeunes filles, Oona Laurence se détache avec sensibilité, et Angoura Rice continue son brillant parcours après The Nice Guys et Spider-Man: Homecoming, ici elle joue la seule personne constamment méfiante envers McBurney. Colin Farrell, qui utilise son accent irlandais, glisse entre connivence et sincérité, il semble à la fois confiant et désespéré. Il y a quelque chose de vampirique chez lui lorsqu’il est en mesure de contrôler la situation.

Tous ces éléments s’encastrent parfaitement dans l’atmosphère gothique de Sofia Coppola qui joue souvent avec des ficelles horrifiques. Lorsque les filles montent l’escalier pour rejoindre leurs chambres dans cette maison impressionnante et délabrée, il y a un fort sens du film classique de maison hantée, un fait d’autant plus puissant grâce au travail sur l’éclairage. Les Proies se déroule le plus souvent dans l’obscurité, avec rien que des bougies pour casser l’ambiance terne, ce qui donne souvent à certaines séquences de prières un côté frémissant.

Les Proies (2017), Sofia Coppola

Sofia Coppola et son directeur de la photographie, Philippe Le Sourd, capturent la proximité collante et moite de l’air chaude du Southern avec un sens étouffant du détail. Cela amplifie la folie et la fiévreuse personnalité des personnages, et en même temps immerge complètement le spectateur dans le monde de Coppola. Un processus immensément aidé par le manque de musique dans la majorité du film. La seule musique que l’on entend est celle jouée par les filles pour leurs leçons ou pour divertir McBurney, cela renforce le cloisonnement jusqu’à nous retrouvés autant piégés dans l’école de Miss Martha que le pauvre Caporal.

Isolation, répression sexuelle, jalousie et plusieurs autres thèmes sont traités avec soin et intelligence. Dès le moment où McBurney pose le pied dans cette école pour filles, il est évident que les événements vont prendre un tournant dramatique. Sofia Coppola construit une tension unique et discrète inévitable qui pousse le spectateur à attendre avec impatience ce qui va suivre.

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