La première édition du festival Nuits sonores & European Lab Festival se déroulera du 14 au 17 septembre à Bruxelles, principalement sur le plateau du Heysel , au musée d'art et de design ADAM et au Palais 10 de Brussels Expo, mais aussi dans différents lieux bruxellois. Cet événement musical et forum de débats vise à présenter un panorama des cultures indépendantes et des réflexions européennes, qui reflète la diversité et l'effervescence artistique comme intellectuelle aujourd'hui. Un gros combo donc, entre des entités plus que connues, les , le Forum European Lab, Les Nuits Sonores et un line up bien combiné entre pointures de la musique électronique ( Modeselektor, Laurent Garnier, MCDE...) et étoiles montantes ( L'or du Commun, Moscoman, Haring ...).
Et pour découvrir avant l'heure ce nouveau projet, qui de mieux que Pierre-Marie Oullion, Directeur Artistique (DA) de l'association Arty Farty, qui organise notamment les Nuits Sonores à Lyon (NSL) et gère la DA du Sucre et d'autre projets. P-M est aussi chargé de projet des Nuits Sonores de Bruxelles (NS.BX), il s'occupe à la fois de la coordination et de la programmation.
Qu'elle est l'idée de départ des Nuits Sonores à Bruxelles?
L'idée de départ est avant tout de faire un projet à BX. Il y a quelque années, nous avions invité des collègues de BX aux NSL. Parce qu'on s'est beaucoup attaché à la scène artistique locale et à ses lieux. Pendant un temps, on a été très régulièrement à BX pour un projet européen, " We are Europe ", ce qui nous a permit de rencontrer beaucoup de monde. Et nous a amené à avoir des discussions avec les pouvoirs politiques locaux, en ricochet avec le travail qu'on avait déjà effectué dans le quartier de la Confluence à Lyon. A savoir faire de l'ingénierie culturelle dans le quartier du Heysel à BX et participer à sa restructuration, en installant un projet culturel via un festival pour montrer toute la diversité et le dynamisme de cette ville.
Lyon a sa propre identité, est-ce que les NS "made in Bxl" aura la sienne et/ou des similitudes?
On a fait pas mal de projets par le passé, mais c'est la première fois qu'on a vraiment calé une armature assez similaire à Lyon. C'est ce qui en fait le projet le plus ambitieux qu'on est eu en dehors de Lyon. L'idée est vraiment de créer un frère cadet aux NSL.
On va retrouver notamment: le " Circuit " qui est un des moments phares de l'édition lyonnaise, et également le programme " Extra ".
Mais BX est un mille-feuilles assez complexe, donc il fallait apporter l'armature lyonnaise tout en travaillant avec une trentaine de structures locales, une vingtaine de lieux différents. Les NS est un peu un projet filtre qui prend tout son sens en arrivant à BX, et c'est ce qui fait la singularité de cette édition.
Exporter un projet qui marche dans d'autres pays c'est un gros risque industriel, comment avez vous aborder l'édition bruxelloise?
Effectivement il y a un risque. Puisqu'un bon projet culturel est un projet qui connais bien son territoire. Un territoire brasse des symboles, spécificités. Et donc, on ne pas nié le risque car ce qui marche ici ne marche pas forcément ailleurs. Surtout que l'on a pas une approche industrielle, on a quelques têtes d'affiches mais qui sont finalement plus des amis que l'on suit et qui nous suivent depuis longtemps.
L'idée étant de valoriser ce territoire. Etant une structure militante, on est avant tout dans une démarche de bénévolat avec un vrai soutient politique et financier.
A court terme, l'idée est de soutenir les acteurs locaux. Dans une vision moyen/long terme, pour notre association (loi 1901 - ASBL) l'objectif est de créer des emplois et d'installer notre projet dans le temps. Le but pour nous est de ne pas créer un risque industriel, puisqu'il faut être honnête, 5 ans de bénévolat serait dangereux pour la structure que nous sommes.
La Belgique possède plus de 600 festivals, j'imagine que vous avez regardé aussi ce qui s'y passe ?
Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a plusieurs écoles de festivals : les festivals de première génération qui ont pour origine Woodstock, en créant dans un grand espace une zone d'autonomie temporaire. Et la seconde génération est plutôt sur une vision de festival urbain à la manière du Sonar à Barcelone en utilisant le patrimoine de façon différente. L'ajout d'un filtre au patrimoine permet aux locaux et aux visiteurs de découvrir ou redécouvrir la ville avec un guide (= l'événement) aux travers des éléments culturels que l'on propose. Et c'est là où se positionne les NS.
Alors bien sur, on s'est effectivement beaucoup intéressé aux festivals belges pour être pertinent dans notre offre. Il y a beaucoup d'initiatives très transversales en Belgique, avec notamment le weekend dernier le festival Horst. Qui possède également cette dimension architecturale, avec pour objectif de créer une structure éphémère. Objectif sur lequel nous travaillons aussi pour Lyon. On peut aussi noter le Listen Festival avec son coté oratoire et le Brussels Electronic Marathon avec son circuit. Sans oublier le Bozar Electronic Festival, qui explore l'aspect plus expérimental avec la dualité entre les arts plastiques et sonores, en allant sur des esthétiques musicales très pointues.
Donc en finalité on s'est inspiré de tout ça pour montrer qu'il y a d'autre voies possibles pour fédérer et donner une autre vision de la ville.
Comment s'est fait la sélection des lieux ?
D'une part il y a la volonté politique d'amener l'expertise d'Arty Farty sur le quartier du Heysel avec le projet " Neo ". Afin de faire en sorte de restructurer et de pérenniser le patrimoine du quartier, à l'instar de la Sucrière à Lyon ou les Halles du Marché de Gare. L'idée d'entrée était de travailler sur cette problématique du Heysel en utilisant les symboles de BX: l'Atonium, le musée du design et les Palais. Et c'est vrai que lors des premières visites ont a complètement craqué sur les Palais 1935 et 1955. On a trouvé pertinent d'utiliser ces installations, qui sont en adéquations avec notre architecture de festival et qui n'avaient jamais été utilisé sous ce format là.
D'autre part, dans le projet NS il est indispensable, via le circuit, de parcourir lors du festival les différents lieux culturels de la ville. Comme le Fuse, qui est un endroit incontournable ici et en Europe de part sa pérennité dans le temps, c'est assez rare pour être noté. Quand on comprend BX, on saisit qu'il y une identité forte dans chaque commune autour de BX, symbolisée par ses lieux de fêtes : le Brass à Forest, la Vallée à Molembeek. Et donc à travers ça on a essayé de donner une cartographie des lieux de BX, comme une matrice des places générationnelles et culturelles de la ville.
Faire un festival exclusivement au Heysel nous paraissait un non sens, par rapport à tous ces aspects là.
Est-ce qu'il y a une ou des tendances qui se sont dégagées pour cette année ?
En Colombie par exemple, on a amené des artistes français puisque nous sommes dans une année croisée. A Lyon, il y a un travail éditorial pour amener une histoire sur chaque plateau, en connectant des artistes et des styles.
En partant du milles-feuilles qu'est BX, l'objectif est de montrer son unité dans sa diversité en parlant a toutes ses communautés tout en restant très pointu. C'est pour ça qu'on est aller parler à différentes chapelles et esthétiques pour couvrir chaque symbole: MCDE pour le coté digging, audiophile; le Brass et Deena Abdelwahed pour le coté méditerranéen que représente la communauté marocaine de Tanger; Laurent Garnier et Rone deux grands symboles francophones très liés au NS. On a également essayé de présenter les différents mouvement de la House Music dans cette programmation et d'y amener une touche plus urbaine avec le Hip-Hop Bruxellois et l'Or du Commun. Gros fer de lance de la culture belge et Hip-Hop bruxelloise en Europe et en France. Comme vous avez pu le constater ces derniers temps, elle constitue un vrai phénomène.
L'idée est de montrer que BX est une ville très cosmopolite aux esthétiques diverses qui peuvent se fédérer au sein du même programmation. Au mieux on comprend les tendances, au mieux on en sort pour générer quelque chose de bien.
Quelles sont les étapes dans la construction d'une programmation ?
La connaissance territoriale est l'élément clés. Il y un gros travail journalistique on pourrait dire, à savoir: décrypter ses communautés? ses problématiques qui s'y dégagent? les conduites urbaines ?
Dans un second temps, il y a un travail de connexion avec des acteurs du territoire pour évaluer la pertinence d'amener tel ou tel artiste sur ce territoire.
Il faut également se poser la question: quelle histoire on a envie de raconter? quel artiste on a envie de faire parler? Penser à la pertinence de la rencontre entre le public et les artistes est donc essentiel.
Du coup ça s'arrête à partir de quel moment la sélection ? Est-ce qu'il y a des choix de dernières minutes ?
Il y a toujours de la frustration dans la programmation, puisqu'on peut pas booker tous les artistes que l'on voudrait. Il y a aussi des imprévus, des artistes qui se libèrent, l'envie d'inviter toujours plus, toujours mieux. Mais à un moment il faut regarder la " big picture " et vérifier si le puzzle fonctionne pour qu'elle puis être communiquer suffisamment tôt. C'est un luxe de pouvoir se reverser jusqu'au dernier moment des choix de " last minute ". C'est la chance qu'on a eu sur une édition des NSL avec un plateau " secret ". Mais ici c'est pas possible. D'autant plus que pour que le public se fasse surtout dans une nouvelle ville, il faut du temps d'expliquer et de communiquer sur ce que l'on fait et ne pas fonctionner dans le " Buzz ".
Question plus personnelle: est ce que tu t'es fait un kiff perso sur cette prog'?
Je me suis fait un kiff sur la programmation de Deena Abdelwahed, entre Rone et Laurent Garnier. Je pense que ce sera un moment très fort du festival. Le travail qui a été fait avec Frederic Fournes au Brass, est pour moi mon gros coup de cœur du festival. Ce qui est intéressant, c'est qu'on construit les NS avec d'autres programmateurs. On invite des lieux à programmer et on finance des programmations. Le pool de programmateurs est très important et c'est lui qui donne du reflet à éclectisme de la ville sur le festival.
Dernière question, la spéciale Limo, si les NS étaient un cocktail lequel serait-il ?
Ce serait le Gin Tonic, qui est notre cocktail favoris, spécialement le Gin Edelweiss, à base de liqueur de Saint-Germain (de la liqueur de Sureau)