Magazine Beaux Arts

Wolfgang Tillmans la photographie iconoclaste

Publié le 15 septembre 2017 par Thierry Grizard @Artefields

Wolfgang Tillmans


Wolfgang Tillmans, art contemporain, photographie, exposition, Fondation Beyeler | Publié par Thierry Grizard le 15 septembre 2017. 

Wolfgang Tillmans, l’homme sans corpus

Le travail de Wolfgang Tillmans (né en 1968 à Remscheid, RDA) se caractérise pas un constat agaçant pour nombre de critiques d’art, à savoir qu’il est sans corpus (recueil de pièces, de documents touchant une même discipline). La discipline semble être ce qui fait défaut au photographe allemand. Mieux, il est réfractaire, refuse l’orthodoxie et le dogmatisme, sa méthode est de rejeter tous canons, esthétiques ou autres. L’ensemble de son travail parait donc disparate, hétérogène, discontinu. Le corpus du photographe allemand est éclaté, qu’il s’agisse des sujets, de la facture, voire des supports et formats. Mais si il n’y a pas d’unité du motif ou de concept, pas véritablement de sérialité, il y a tout de même un style voire une méthodologie Tillmans qui se caractérise par le dépouillement, l’absence d’effet, une bonne dose de provocation et une forme positive de dilettantisme polysémique.

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

© Wolfgang Tillmans.

Filiations et parallélisme

Si on ne peut que difficilement cataloguer le photographe plasticien allemand il est par contre assez aisé de déceler les filiations. Dans les années 1980 Wolfgang Tillmans s’installe à Londres et fréquente assidument le milieu techno gay. Il y a donc en premier lieu une volonté de témoigner sous la forme stylistique du documentaire d’un mode de vie plus ou moins marginal. On aurait plutôt envie de dire anticonformiste, non conventionnel tant il ressort parfois, probablement à l’insu de l’artiste lui même, un aspect jet set à tendance trash de certaines images.

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

© Wolfgang Tillmans.

Dés lors les héritages culturels deviennent évidents: on va de Diane Arbus à Dorothea Lange en passant par Larry Clark et Nan Golding. De ce point de vue le plasticien allemand est tout de même moins radical sur le fond que ses prédécesseurs tout en étant plus extrême, dans une certaine mesure, sur la forme qui se veut sans style. Une forme qui semble adopter le « style » de la photographie amateur spontanée, au flash, cadrée apparemment au petit bonheur, dans le registre propre à l’ère d’Instagram et autres réseaux sociaux.

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

© Wolfgang Tillmans.

Mais quand on regarde de plus près le corpus disparate de Tillmans on constate aisément que cet aspect brut des clichés relève d’autre chose que le simple emprunt au numérique. Dans la froideur des photographies de Tillmans se dévoile également l’influence de la photographie objective allemande, entre autre d’un Thomas Ruff (voir notre article). Dés lors apparait une forme d’unité d’appréhension du réel et donc de « style »dans le travail du plasticien, qu’il s’agisse de ses photographies ou des documents variés qu’il adjoint à son travail dans la scénographie si spécifique de ses expositions.

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

© Wolfgang Tillmans.

Rhizome et documents

Les expositions de Tillmans sont caractéristiques par leur accrochage. Il mêle des formats et des supports très variés, des sources ponctuelles qui sont autant de commentaires des photographies grossièrement épinglées sur les murs, parfois à des hauteurs les rendant difficile à examiner. Ces scénographies en rupture avec les formes muséales conventionnelles répondent, outre à la volonté de rafraîchir le regard en sortant des cadres habituels, à une conception de l’œuvre comme une galaxie de documents témoignant d’une histoire personnelle et représentative d’une époque. D’ailleurs une caractéristique supplémentaire de ce travail est qu’il évolue fortement dans le temps, puisque l’on voyage de la scène techno à l’observation des étoiles jusqu’à des pièces abstraites et plutôt esthétisantes.

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

© Wolfgang Tillmans.

Les expositions comme système

Finalement le meilleur moyen de comprendre l’originalité de Tillmans est non pas de feuilleter un portfolio ou un catalogue mais de voir ses expositions. Elles sont des documentaires complexes d’une époque dans une forme assez âpre mais très sophistiquée, qui repose sur l’idée directrice que l’ère post-moderne est profondément nourrie par l’image et ses démultiplications infinies. Mais à l’inverse du pop art qui dénonçait ironiquement et avec un hédonisme débordant la substitution de l’icône au réel, le plasticien allemand se coule dans ce flux et en dévoile des parcelles avec distance ce qui n’interdit pas l’empathie. Après la critique moderniste, Pop Art et ainsi de suite Tillmans se situe du côté du hacking, de la récupération et du détournement, de l’emprunt décomplexé et lucide.

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

© Wolfgang Tillmans. Courtesy Palais de Tokyo, 2002.


Exposition Wolfgang Tillmans | Fondation Beyeler

Du 28 mai au 1 octobre 2017

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

© Wolfgang Tillmans. Courtesy Fondation Beyeler.


Wolfgang Tillmans, biographie:

1968 Naissance à Remscheid, RFA.

1988 Exposition de travaux à la photo-copieuse au Café Gnosa, Hambourg.

1989 Premières photographies pour des périodiques (Tango, Tempo, I-D).

1992 Installation à Londres.

1994 Installation à New York. Première exposition individuelle à la galerie Andrea Rosen.

1995 Premier livre chez Taschen.

1998 Retour à Londres. Enseigne à la Hochschule für bildende Künste de Hambourg. Publication d’œuvres abstraites: « Parkett ».

2000 Obtention du Turner Prize.

2003–2009 Enseigne à la Städelschule de Francfort-sur-le-Main.

2003 Exposition à la Tate, Londres.

2009 Participation à la 53e Biennal de Venise.

2013 Devient membre de la Royal Academy of Arts, Londres.


Enchères:

wolfgang tillmans, photography, sotheby, auction

© Wolfgang Tillmans.

Wolfgang Tillmans, « Freischwimmer » #81 (2005)
Photo , C print , 181 cm x 238,1 cm
Estimation: 91 088 € – 136 632 €
Prix au marteau: 466 826 €
Sotheby’s , 28/06/2017
Royaume-Uni


wolfgang tillmans, photography, paper, auction

© Wolfgang Tillmans.

Paper drop (Krishnamurti) (2006)
Photo , C print , 27 cm x 40,5 cm
Estimation: 8 000 € – 12 000 €
Prix au marteau: 16 000 €
Grisebach , 02/06/2017, Allemagne.

   

Voir aussi


ren-hang, photography, nobuyoshi-araki, nude, sexuality, china, arles, rencontres-photographiques, 2015.500
16 juillet 2015/par Thierry Grizard

Ren Hang, morphologie de l’amour !


thomas ruff, negative, photography, conceptual-art, art-contemporain, gagosian
2 juillet 2015/par Thierry Grizard

Thomas Ruff L’image photographique n’est-elle qu’un simulacre ?

Thomas Ruff depuis le début de sa carrière se concentre sur le médium photographique. Il analyse méticuleusement dans une esthétique propre à la Photographie Objective affiliée à l'Ecole de Düsseldorf la nature essentielle. Il en résulte un travail fascinant de déconstruction et de reconstruction à travers les grands usages de la photographie, notamment le portrait.
sugimoto, hiroshi sugimoto, diorama, seascape, joe, photography, minimalism, richard serra, le corbusier, conceptual art, contemporary art, art, visual art, madame tussauds, lightning fields
27 avril 2017/par Thierry Grizard

Sugimoto, le temps de la photographie


Wolfgang Tillmans, œuvres


wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang-tillmans, photography, 2016, solo-show, serralves-fondation, portugal, serralves

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, techno, nude, concord

wolfgang tillmans, photography, fondation beyeler, kate moss
Partager cet article

Thierry Grizard | Artefields.

Webmaster et auteur.

Artefields, couvre à travers un fil d’actualité fourni et quotidien l’ensemble des expositions à Paris, en France et pays francophones, mais aussi les grands évènements internationaux. Les champs d’intérêts sont essentiellement les arts plastiques, en allant de la peinture aux installations en passant par la sculpture. Nous nous efforçons également de découvrir ou soutenir d’un point de vue rédactionnel de nouveaux talents. Les articles de fond, ou analyses tentent de prendre un peu de distance relativement à l’actualité artistique afin de mieux éclairer cette dernière. De nombreuses galeries d’images sont à la disposition du lecteur qui pourra se faire une première idée du travail des artistes concernés. La ligne éditoriale ne se veut néanmoins pas exhaustive et revendique une part inévitable de subjectivité.

ARTEFIELDS

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Thierry Grizard 1659 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines