Malgré tous ses défauts, Mother ! reste un film fascinant. Un travail ambitieux, un film qui sait vraiment ce qu’il veut et qui y va à fond sans penser au confort de son spectateur ou aux conventions de la narration. Mother ! possède un récit absurde et surréaliste, qui ne s’excuse pas de ses twists bizarres et de sa brutalité. Le dernier né de Darren Aronofsky aurait été écrit en à peine dix jours, ce qui provoquerait à l’écran cet aspect fiévreux.
Mother ! est probablement plus fort lors dans son acte d’ouverture, lorsqu’il est toujours structuré comme un mystère pour son spectateur, quand les aspects étranges du scénario rampent au bord du récit ou quand l’histoire soutient n’importe quelles interprétations allégoriques. Cet autre monde se transporte jusqu’à la seconde moitié du film lorsqu’il est couplé à une intensité et à une dynamique qui empêchent Mother ! de complètement perdre pied. Mais en même temps, la conclusion semble trop littérale et émoussée, sacrifiant l’ambiguïté pour la pureté de la vision.
Bien que ce soit un gros défaut d’un point de vue narratif, il est difficile de s’en plaindre. Mother ! possède une grande énergie et se révèle impétueux. Il est tentant d’apparenté le film à un mystère existentiel. Le film fournit à son audience très peu de pièces introductives et commence graduellement à construire des informations et des interprétations. L’intrigue de base se concentre sur un couple vivant dans une maison reculée du reste de la population. L’homme est un artiste torturé, un romancier qui n’a écrit qu’un seul livre et désespère de trouver une idée pour un second. La femme s’est dévouée pour faire de la maison un lieu agréable à vivre malgré le désintérêt de son compagnon.
Alors que l’histoire continue, le monde extérieur s’invite dans cette propriété isolée. L’homme semble ravi d’avoir de la compagnie, heureux de donner un refuge à ces étrangers. La femme semble mal à l’aise, et s’inquiète de l’état de la maison qu’ils ont construit. Mother ! approche l’histoire à travers le point de vue de son personnage féminin. Le personnage est tout aussi désorienté que le spectateur et juste autant curieux de l’implication de son partenaire dans cette histoire.
Aronofsky souligne habilement ce sens d’étrangeté et d’isolation. Il construit son film autour de trois grands axes ; encadrer l’action sur l’épaule de son premier rôle féminin, de sa perspective ou studieusement capter ses réactions avec des plans très serrés. D’autres personnages s’immiscent fréquemment dans le plan, et des chuchotements viennent régulièrement parasiter la bande sonore. Même quand la caméra suit d’autres personnages, l’action tourne toujours autour de sa protagoniste. Le résultat veut amener le spectateur dans la tête de son personnage principal afin de les inviter à suivre l’action à travers ses yeux. La performance de Jennifer Lawrence souligne ces partis pris, le personnage apparaissant dans la quasi totalité des plans du film. Elle offre au film un protagoniste convaincant, même dans un contexte minimaliste.
Dans ses premières scènes, Mother ! semble jouer avec l’audience, et offre tous un tas de niveaux de lecture différents. Est-ce que Mother ! est un film d’horreur ? Est-ce que Mother ! est une lettre d’excuse d’un ancien mari à une ex-femme ? Est-ce que Mother ! est une histoire sur la création artistique et l’horreur qu’elle peut provoquer ? Est-ce que Mother ! est une fable environnementale ? Est-ce que Mother ! est une parabole religieuse ? Dans sa première heure, le film a le potentiel d’être tout cela à la fois. Il déborde de possibilités.
Pourtant, alors que l’histoire continue, le film embrasse un certain nombre de ces possibilités. Il suit ces idées avec nuances et ambiguïté, insistant fortement sur elles sans aucune subtilité. L’importance que porte Mother ! sur ses révélations dans son troisième acte souligne la déception vague d’une telle approche. La fin du film semble le réduire à un puzzle résolu qui va très certainement décevoir le public alors qu’il était sur la bonne piste dès le début du film. Cependant, il est dur d’être trop critique envers Mother ! Le film est une œuvre bizarre et dérangeante. Bien qu’il soit très littéral dans son troisième acte, l’engagement envers ses thèmes principaux est enivrant.
Mother ! se déplace avec l’élan d’un train en fuite. Aronofsky s’amuse avec le public et lui balance sans relâche des images saisissantes, les unes après les autres. Il y a des moments où ces images coulent si rapidement, qu’elles atterrissent comme une série de coups de poings. Aronofsky s’amuse avec ces idées qui apparaissent si rapidement, qu’elles laissent le public chancelant. Ces coups peuvent devenir épuisants à force, mais au final le film conserve son frisson intoxiquant.
Un délice cinématographique étrange, un film à la saveur exotique avec un ton intransigeant. Mother ! est du pur Aronofsky, un film qui ne flanche jamais et qui ne détourne jamais son attention. Il y a bien sûr des moments où le tambour est frappé avec un peu trop d’intensité mais il est indéniable que l’air est infectieux.
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