L'engouement que semble susciter Ca outre-Atlantique est probablement un chouïa disproportionné eu égard à la qualité réelle du film. Comment expliquer un tel succès, quand bien même le travail de Muschietti ne se démarque absolument jamais des productions du même genre qui pullulent sur nos écrans de cinéma ? Il semble qu'il y ait plusieurs explications à ceci, dans un contexte agissant sans doute de manière inconsciente sur l'indulgence dont ont fait preuve certaines critiques et un public déjà acquis à la cause. Stephen King est considéré de manière générale comme l'un des maîtres du suspens, la série Stranger Things cartonne actuellement (cette nouvelle version de Ca se déroule dans les 80's) et le téléfilm de 1990 reste un traumatisme télévisuel pour nombre de jeunes adultes l'ayant découvert à l'époque. Il n'en fallait pas plus à cette adaptation pour susciter un tel enthousiasme.
Pourtant le Ca version Muschietti ne propose rien de bien intéressant, ni de fondamentalement révolutionnaire pour considérer le film comme l'un des nouveaux mètres-étalon du genre horrifique. Le téléfilm n'était déjà pas franchement bon, et il est évident que l'on en possède tous un souvenir biaisé. Combien de trentenaires en gardent-ils des images marquantes voire fausses alors que la plupart n'a finalement vu que la toute première scène (la plus flippante pour les plus jeunes) avant de filer se coucher pour cause d'école le lendemain matin, laissant agir l'inconscient pendant la nuit pour transformer un téléfilm à la limite du ridicule en sommet de trouille cinéphilique ?
Au moins, le clown version Tim Curry avait de quoi impressionner. Ce qui n'est absolument pas le cas de cette relecture par Bill Skarsgård, une énorme erreur de casting. Non que la performance de l'acteur soit en cause, mais celui-ci ne colle pas avec le personnage. Trop jeune, trop grimaçant, trop hystérique, ce clown a bien du mal à tenir la comparaison face à celui interprété par Tim Curry et son côté malsain, pervers et plus réaliste. A trop chercher l'esthétisme, la direction artistique de Ca oublie qu'il n'est pas nécessaire de maquiller à outrance un clown pour le rendre effrayant, en lui ajoutant des sourcils froncés, un crâne plus grand que la normale et des dents menaçantes. Les clowns foutent déjà bien les jetons comme ça !
Ce que l'on perd par rapport à Tim Curry, c'est surtout le fait qu'il ne semble pas adulte. Dans un film traitant de la différence entre le monde des adultes et des enfants, avec des grandes personnes continuellement représentées comme des dangers pour la jeunesse (les parents vont du pédophile au tortionnaire, en passant par la mère étouffante et le père incapable de dialoguer), le choix de Bill Skarsgård apparaît comme discutable. C'est une façon de symboliser la peur qu'ont ces enfants de devenir comme leurs aînés, et en faire une sorte d'ado n'est pas si incompréhensible pour représenter la transition avec les adultes, mais cela ne fonctionne pas tant le personnage manque de nuance dans ses numéros de manipulation. C'est écrit sur son visage : c'est un méchant de film d'horreur, un croquemitaine. Et c'est ce que le film rabâche constamment, au point qu'il ne parvienne jamais à effrayer. Tout sonne faux, grossier, prévisible. Probablement pour éviter de se mettre à dos une partie des spectateurs.
Car Ca est un film d'horreur grand public. Donc particulièrement inoffensif. Un train fantôme fait pour faire rigoler les spectateurs en les faisant sursauter toutes les 5 minutes, grâce à des jumpscares particulièrement nombreux et trahissant le but principal de l'œuvre : divertir gentiment le temps de la séance pour procurer son lot de petites sensations à un public ne demandant certainement rien d'autre que de se bidonner en jouant à se faire peur. Ne vous attendez donc pas à autre chose qu'un blockbuster formaté et édulcoré. C'est que Ca ne cherche que rarement à surprendre, et use d'effets vus et revus. On compare souvent la mise en scène de Muschietti à celle de James Wan, mais elle ne parvient pourtant pas à sa cheville, le réalisateur n'étant pas aussi efficace pour instaurer une atmosphère angoissante, se contentant d'illustrer sans éclat les apparitions du clown. Mixage son assourdissant, effets numériques, surenchère, Ca est bel et bien un film de son temps.
Et pourtant, le long-métrage, malgré ses défauts (des personnages
inutilement développés et ne trouvant pas de conclusion à leur arc narratif, une omniprésence du clown amoindrissant ses apparitions, un montage perfectible), s'avère satisfaisant. Parce que le casting est excellent, et que Ca est extrêmement bien écrit lorsqu'il s'agit de dresser le portrait des membres de ce petit club. Mention spéciale à Sophia Illis, Jack Dylan Grazer et Jaeden Lieberher.
ne fait donc pas peur, mais réussit à maintenir l'intérêt grâce aux interactions entre ses personnages, d'un naturel remarquable. Souvent drôle et touchant, le film reste un honnête divertissement, tout ce qu'il y a de plus recommandable. C'est déjà ça !