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(Anthologie permanente) Mina Loy, "Il n'est ni vie ni mort"

Par Florence Trocmé

Loy_poesiecompleteLes éditions Nous publient la poésie complète de l’Américaine Mina Loy (1882-1966) dans une traduction et avec une présentation d’Olivier Apert.

La noire virginité

Petits Séminaristes
Sur vert gazon
Clôturé d'ifs
Ils trottent à pas précipités
Sous les rayons du soleil
Soie de castor
Rythme de la rédemption
Frémissement des Bréviaires
Camails à cannelures de soie noire
Suspendus raide aux épaules
Juvénilité tronquée
Ségrégation uniforme
Unie dans l'austérité
Modulation
Intimidation
Orgueil de la préparation mal comprise
Statues d'ébène dressées à l'immobilité
Mâchoires anémiées
L'une l'autre sages comme une image
Gentiment les chers petits
En toute candeur se signent sous le bourdonnement du soleil
Le cercle de l'index et du pouce réclament la chaire
Les profils abjurés par Donatello
Mâchonnent de longs sermons de boutique sacristie
Pédants évangéliques
Qui rêvent non sans inquiétude
Dans les dortoirs hermétiquement clos
Non de moi ou de toi Sœur Saraminta
Mais de rien moins
Que de porter les mitres du Pape
C'est une vieille religion que celle qui nous a assignées notre place
Et me voici en chemisier lilas
Incarnant absurdement pas moins que le diable fait chair
Mais n'en sachant pas davantage sur lui
Que sur moi
Pas plus que les Petits Séminaristes sur ce qu'« Il » est
Ou qui ils sont —
Les mites messianiques qui débitent leur rosaire latin
Adolescence subjuguée
Reviennent sur les pas perdus pour refermer les Bréviaires
Sous les ombres brûlantes
Le dernier avec une démarche apostolique
Tente de décrocher un fruit haut perché
Et le manque
De toutes façons il est immangeable
C'est toujours ainsi
Dans le Jardin Public
Lignes parallèles
Un vieil homme
Fixe une collégienne en mousseline blanche
Et tout cela
Aussi plaisant que déroutant
Ne risque pas de se rencontrer
Je suis à jamais désorientée
Les hommes en vieillissant deviennent gloutons —
Quel non-sens
Il est midi —
Et les jeunes pousses du salut
Sont rabattues vers le réfectoire
/
Le chant du rossignol
est comme le parfum du seringa

Un rossignol chantant — vent du Nankin
Chante — le mystère
de la dynastie Ming
chant
ant
en Ming
Syringa
Myringa
Chanteur
Aile du chant
chante le vent
seringa
bagueur
Chant d'aile
chante longtemps
seringa
tardant
/
La flûte de Stravinsky

Le cou du cygne se contracte
et le cygne
quitte les marécages du Silence
Une voix d'évangile de haute glace
s'envole à travers la voûte fendue
Le siffleur élyséen
entraîne une tresse de sons
dans l'altitude flûtée
comme la main d'un Hindou lancerait
une corde jusqu'au Nirvana
S'élèvent
aiguës les résonances d'étoiles —
À cette écoute
la bouche et l'oreille
de la musique
ne font qu'une
Mina Loy, Il n’est ni vie ni mort, poésie complète, traduit de l’anglais et présenté par Olivier Apert, éditions Nous, 2017, 320 p., 24€, pp. 107 à 109, 242, 243.
Pour mémoire, cette émission de France Culture, consacrée à Mina Loy (1882-1966), avec Oliver Apert et Mathieu Terence.


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