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Sisters : Kataline Patkaï interprète Marguerite Duras

Publié le 30 juin 2008 par Jérôme Delatour
Voilà une pièce dont j'ai bien du mal à parler. Et puis Kataline Patkaï le fait si parfaitement elle-même, que je ne vois pas grand chose à ajouter.

Sisters : Kataline Patkaï interprète Marguerite Duras
Kataline Patkaï, Sisters (cl. Jérôme Delatour - Images de danse)

La programmation de Sisters à la suite de la pièce de Julie Nioche, Matter, était judicieuse : voici les oeuvres de deux jeunes chorégraphes "montantes", deux oeuvres ambitieuses par leur dispositif scénique et par le nombre de leurs interprètes, deux pièces sur la solidarité féminine, deux pièces de femmes sur les femmes par des femmes. Pour les femmes ?, telle pourrait être la question. Beaucoup de retenue aussi dans les deux oeuvres, aucune sorte de provocation, une tranquillité sereine.

Sisters : Kataline Patkaï interprète Marguerite Duras
Kataline Patkaï, Sisters (cl. Jérôme Delatour - Images de danse)

Tandis que Julie Nioche était à l'aise dans la petite salle Maria Casarès, Kataline Patkaï devait affronter le grand plateau du nouveau théâtre de Montreuil. Un long pan incliné habillé de miroirs et couvert de vagues, percé d'un tunnel de lumière, monumental, habillait le fond de scène. Une falaise, peut-être. Bien que les danseuses l'eussent investi parfois, avec une sorte de timidité, j'avais l'impression qu'on l'avait monté pour un autre spectacle. Julie Nioche promouvait une solidarité transculturelle et transcorporelle, en mettant en scène des danseuses d'origines et de corpulences diverses, Kataline Patkaï s'intéresse à la solidarité transgénérationnelle, en faisant appel à des interprètes de tous âges ou presque.

Sisters : Kataline Patkaï interprète Marguerite Duras
Kataline Patkaï, Sisters (cl. Jérôme Delatour - Images de danse)

Lumières basses le plus souvent. La pièce s'ouvre sur la parole et la voix d'Agnès Sourdillon, conférant au texte une primauté inattendue sur le corps. Le texte est extrait de La Vie tranquille de Marguerite Duras (1944), son premier roman ; un texte empreint de mélancolie et de vertige calme, soutenu par un fond de piano. Plus tard il y a du rock et de la chanson. Sur scène, cela sent le dortoir de filles. Après la première image, très forte, d'une chenille humaine, puis un beau préambule de groupe monumental, statique, néo-classique (à la Greuze ou à la David), ce ne sont plus que scènes d'enlacement et figures de kamasutra. On retrouve des figures d'Appropriate Clothing Must Be Worn, mais aussi du Double deux de Gilles Jobin, et encore le tout récent J'arrive plus à mourir de Matthieu Hocquemiller ; à cette différence près qu'ici les couples sont purement féminins. Beaucoup aussi de figures du corps universel, frontal, du corps double ou miroir, Janus (tourné vers le passé et l'avenir), Shiva.

Sisters : Kataline Patkaï interprète Marguerite Duras
Kataline Patkaï, Sisters (cl. Jérôme Delatour - Images de danse)

Une danseuse parfois pénètre dans le tunnel de lumière. Il est entendu que les interprètes représentent les multiples états d'un seul et même corps d'une femme ordinaire, de ses désirs, de ses affres devant le gouffre de la vie à venir.
Le tout transcrit très fidèlement l'esprit du texte de Marguerite Duras, sa sensualité discrète, à ceci près que Kataline Patkaï choisit d'en supprimer la figure masculine, l'"homme" de l'héroïne, le personnage de Tiène.

Je ne sais que dire de plus, sinon que j'attends avec curiosité la suite de l'oeuvre de Kataline Patkaï.


Sisters, de Kataline Patkaï, a été créé les 26, 27 et 28 mai 2008 dans le cadre des Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis.

Retrouvez ici Sisters en images

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