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Ça (2017), Andy Muschietti

Par Losttheater
Ça (2017), Andy Muschietti

Un smiley tracé au doigt sur une fenêtre embuée, disparaissant bientôt pour laisser place à la terreur que le petit Georgie va rencontrer. Son frère, Bill, lui a confectionné un petit bateau en papier que le petit s’empresse d’aller faire naviguer sur l’eau des ruisseaux sous une pluie battante alors que leur mère, ignorante, joue du piano. La terreur est innommable, on la désigne uniquement par un pronom démonstratif : « Ça ». Elle prend cependant une forme physique familière, celle d’un clown, somme de toutes les peurs enfantines. Mais ne renfermerait-elle pas un traumatisme bien plus profond ? La peur des adultes ou bien celle d’en devenir un soi-même et de laisser derrière soi, son enfance.

27 ans après la première adaptation de Ça de Stephen King, c’est Andy Muschietti qui se retrouve aux manettes de cette nouvelle mouture. Le film de Muschietti choisi de se focaliser uniquement sur les enfants, alors que le roman de King naviguait constamment entre le passé et le présent de ses personnages. Nous sommes donc plongés à la fin des années 80, en plein été. Ça, version 2017, fonctionne mieux comme une fusion entre une fiction étrange et une histoire de passage à l’âge adulte. L’horreur est insidieuse, elle plane tout au long du film, telle une ombre attachée à notre « bande de loosers ». Néanmoins, l’approche horrifique a parfois des effets néfastes sur la narration du film.

Ça (2017), Andy Muschietti

Malgré des partis pris esthétiques pointus et réfléchis, la terreur amenée par la caméra de Muschietti semble par moment un peu surfaite. Les jump scare à répétitions viennent ternir l’émotion que l’on recherche à travers un film d’horreur, et au final ce sont les réactions des personnages face à la terreur qui sont les plus saisissantes. Il faut saluer les prestations de ces jeunes acteurs, tous excellent dans leurs rôles sans jamais faillir même si il est regrettable que certains d’entre eux soient moins exploités. C’est là que le film réussit son pari, lorsqu’il se base sur l’affect et le ressenti de ses personnages. Dans la ville de Derry, les vrais monstres sont représentés par les parents qui brillent souvent par leurs absences. Mais lorsqu’ils apparaissent à l’écran, la peur prend toute son ampleur. Un père absent, une mère surprotectrice, un autre abuse de sa fille, et d’autres sont plongés dans le deuil, ignorant tout du mal qui vient souiller l’âme de leurs enfants tous les 27 ans.

Ça s’amuse avec le sensationnel et n’hésite pas à jouer avec les apparitions du clown Pennywise pour surprendre le spectateur. Sa présence déforme et infecte la ville de Derry. Il amplifie la colère et la peur et cela mène à plusieurs scènes de cruauté intense. Chacun des membres de la « bande de loosers » rencontre cette figure diabolique et aboutit à une suggestion horrifiante sur leurs peurs profondes. Comme dans le matériel d’origine écrit par Stephen King, le film de Muschietti souligne la crainte de perdre son innocence, de passer dans un monde adulte abîmé et noir. Il y a d’ailleurs beaucoup de poésie et de tendresse dans cette nouvelle version de Ça. Les enfants sont soudés entre eux, main dans la main ils affrontent ce diable qui les tétanise et maintiennent une amitié à toute épreuve.

Ça (2017), Andy Muschietti

On ressent l’habilité d’Andy Muschietti tout au long de son film qui est tout aussi à l’aise dans sa mise en scène de maison hantée que lorsqu’il crée un film sur l’enfance.  Transposé dans les années 80, au lieu des années 50 dans le livre, Ça assimile ses références sans pour autant en faire un pastiche. Les clins d’œil à la culture pop sont bien placés et créent un sens de l’humour propre au film. Il y a un degré de nostalgie qui n’entache jamais le récit, le film se passe certes dans les années 80 mais ne transforme jamais ça en hommage.

Un savant mélange s’opère dans Ça, et tous les éléments s’imbriquent pour donner un résultat ambitieux. Dommage qu’à force de nous désigner fortement les moments où l’on doit avoir peur, la terreur s’amenuise et le côté horrifique surprend moins à force que le film s’écoule. Rien ne terni pourtant la force de l’histoire car le capital sympathie de cette « bande de loosers » est si palpable que l’on en ressort avec des émotions vives. Le film n’est certes pas sans défauts mais le spectacle et l’histoire sont bien présents. Ça est un film d’horreur moderne, la forme n’est peut-être pas des plus originales mais Andy Muschietti a le mérite d’infuser beaucoup de cœur à ses personnages et quand on s’y attache, l’empathie fonctionne parfaitement.

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