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(Note de lecture) Marcelline Roux, "Celles qui regardent, carnet des maisons", par Cécile Riou

Par Florence Trocmé

Roux marcelinne  maisonsCelles qui regardent, Carnet des maisons s’ouvre sur une citation de Kamo No Chomei, une Note de ma cabane de moine ; c’est annoncer clairement la modestie du projet. Marcelline Roux choisit chez son éditeur Rhubarbe un petit format, refuse le beau livre d’artiste qu’on ne lit pas vraiment, préférant celui qui se glisse dans le sac, le carnet transporté avec soi, la bibliothèque comme une maison mobile.
En effet le récit qui accompagne les gravures de Francepol (petites cases, spirales, chemin) porte un regard personnel sur les maisons, un regard intérieur et piquant. Il sera peu question d’architecture, mais plutôt de persistance, de résistance, de ce qui reste et de ce qui part. La maison plantée là, au bord de la Seine, est indifférente aux marées humaines. Les humains n’ont pas tous le cœur fait de meulière.
Il ne sera pas question d’un récit autobiographique non plus. Il sera question de lecture et d’écriture, construite brique à brique, pensée aussi astucieusement que la cabine d’un bateau, l’intérieur lustré d’une péniche : il y a, dans le récit, des placards qui résistent aux secousses, aux grands vents, aux coups de mer.
Comme les spirales de Francepol, le texte de Marcelline Roux avance escargotiquement. Les maisons s’approchent d’abord de l’extérieur, on entre par le jardin et on lit, dans la quête de la coquille idéale, des maisons, des appartements trop bruyants, trop clinquants, trop grands, trop petits pour être visités sérieusement par un jeune couple en quête d’installation, une chronique à la fois drôle et tendre de la recherche d’une maison, qui sera une chambre à soi, mais pour deux : un lieu pour lire et pour écrire, un lieu pour créer et pour s’aimer. Et puis la coquille idéale se découvre, se remplit, s’apprivoise, se transforme. Et se vide, pour devenir la chambre à soi woolfienne.
Le récit poétique est une histoire discrète, une danse harmonieuse et triangulaire entre le « je » et le « ils » et elles. Elles : la femme peintre, Francepol, et la femme qui écrit, Marcelline Roux.
Le récit apprend à partir et apprend à rester. Il faut du temps pour habiter une maison. Il suffit d’observer un enfant qui construit une cabane, comme il y projette le cocon, la fantaisie, la lumière, dans les arbres ou sous une table, avec un drap, un ours en peluche et des oreillers. Dans une cabane d’enfant, qu’on préfère le jardin ou l’intérieur douillet, on sort la tête de la coquille pour accepter de rentrer s’y abriter, pour la quitter, pour y rester, et la détruire quand il est temps de passer à table.
Cécile Riou

Marcelline Roux, Celles qui regardent, carnet des maisons, gravures de Francepol, Rhubarbe, 2017, 58 p., 9€.


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