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Passage des émigrants de Jacques Chauviré

Par Sylvie


Passage des émigrants

De Jacques Chauviré (1915-2005), je vous avais déja chroniqué avec beaucoup de bonheur Elisa. Je viens de découvrir Passage des émigrants, une pure merveille d'humanité et d'émotion. Ce médecin-écrivain, découvert par Albert Camus, a pendant toute sa vie écrit avec son regard de médecin compatissant ; il a examiné la solitude, la maladie, la mort, d'abord avec les yeux d'un humain au sens noble du terme.
Dans Passage des émigrants, il nous conte la fin de vie d'un vieux couple, Joseph et Maria Montagnard, qui selon la volonté de leur fils "lointain", émigrent dans une "Résidence", une maison de retraite. Ces paysans, ce couple de la terre, émigrent donc vers une résidence à côté d'un océan qu'il n'ont jamais vu, qui symbolise la tempête et la fin de vie en opposition au repos de la terre.

Le passage des émigrants désigne le voyage  kafkaien orchestré par le Docteur Desportes, qui selon l'état du vieillard, le place dans la résidence ou dans l'hospice divisé en plusieurs pavillons A, B, C ou D suivant l'état avancé de déliquescence du vieillard. Petit à petit, même si l'on est valide au début, on émigre pas à pas vers la mort...
Face à cette émigration mortuaire, a lieu une seconde émigration, celle des vacanciers, dont les habitations, les enseignes publicitaires, les boîtes de nuit vont peu à peu envahir le paysage océanique et encercler inexorablement  les vieillards....
Que retenir de ce bijou humble et tellement humain ? Tout d'abord, le docteur Desportes, le "Big Brother" de cette résidence qui orchestre la vie des vieillards. Rongé par la culpabilité, par son impuissance face au destin inéluctable, il entretient une relation d'amitié avec le couple Montagnard, sachant pourtant qu'il ne pourra rien faire pour eux...
Il y aussi une très belle image du couple : comment l'amour survit-il à la vieillesse? Maria, la douce résignée, et Joseph, le révolté, couple inséparable, devront faire face à l'absurdité administrative de la maison de retraite. Impossible de retenir ses larmes ...
Enfin, à travers une écriture extrêmement humble, il y a la poésie des éléments, du paysage, qui apaisent ou qui tourmentent les "émigrants". Joseph est attiré par le travail de la terre puisqu'il sait qu'il y retournera prochainement...Il est donc extrêmement sensible aux jardins, aux arbres, aux champs, aux marais. A l'opposé, il rejette l'urbanisation aveugle de la côté et son agitation frénétique qui semble à la fois tuer la nature et en même temps encercler l'hospice...
Une magnifique réflexion sur la condition humaine, un roman Humain avec un grand H comme on en fait plus. A dévorer...on en ressort évidemment pas indemne...


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