Souvenirs et récit d'un voyage à Saint-Martin, avant Irma
J'ai écrit ce petit texte en Novembre dernier, trois mois après notre retour de Saint-Martin. Pour plusieurs raisons, je ne l'avais jamais publié mais, après le passage de l'ouragan Irma et la litanie de reportages très noirs sur cette île, j'ai eu envie de vous partager les impressions que j'avais alors eu. Et puis, un petit tour sur un site qui compare les vols comme Alibabuy ou GF ou autre vous convaincra peut-être de l'urgence qu'il y aurait à retourner sur cette île pour aider les Saint-Martinois à relever la tête.C'est une petite île à deux nationalités et aux multiples personnalités - où le visiteur ne reconnaît ni la France, ni la Hollande. Un monde à part, version luxueuse des Antilles où les casinos, les plages paradisiaques, le haut-de-gamme et le duty-free font la loi. A Saint-Martin, l'odeur iodée de la mer est toujours à portée de nez ; et les voitures ne roulent pas très vite. Alors, on s'adapte et on prend son temps. Pour apprécier la gastronomie des meilleurs restaurants des Antilles. Pour explorer les récifs coralliens. Ou bavarder avec les Saint-Martinois, très abordables, qui mettent un point d'honneur à montrer avec beaucoup d'emphase et de sincérité que " contrairement aux autres îles des Antilles françaises, on est des gens chaleureux ici !".
On embarque. Le vent porte notre voilier jusqu'au Rocher Créole ; autour de ce grand îlot de pierre, quelques dauphins nagent - et la mer des Caraïbes, turquoise, est striée du cobalt des coraux. Au nord, on aperçoit la silhouette longiligne des plages de sable blanc d'Anguilla ; au sud, les maisons créoles colorées de Grand Case. On s'attendrait presque à voir surgir le Black Pearl dans ce décor idyllique, et renforcer ainsi le parfum d'aventure et d'exotisme qui se dégage de ces eaux Saint-Martinoises. Jim, le capitaine néerlandais du " Hollandais glissant ", nous a conduit ici pour entrer dans un autre univers bariolé : " sous l'océaaan ", comme chanterait un célèbre crabe. Là, en apesanteur, un poisson ange français passe, nous regarde avec suspicion ; sous un corail en forme de cornes d'élan, un mérou se fait nettoyer par une petite crevette sympathique. Soudain, Jim nous fait signe de rester immobile - pour écouter religieusement la mélodie rauque et mélancolique du chant d'une baleine à bosse.
C'est ça, la magie des mers des Caraïbes à Saint-Martin : une série de rencontres improbables. Un melting-pot animal et humain où nous nous laissons guider par des aventuriers polyglottes, toujours avides de raconter leurs histoires de marins libres. Ils nous proposent d'aller chercher le trésor du pirate Le Baronnet Noir qui, dit-on, se cacherait toujours sur l'île Tintamarre, côté français. Ou bien, plus simplement, d'aller voir l'exubérant carnaval qui se prépare à Philipsburg, côté néerlandais.
L'appétit ouvert par la plongée, c'est de toute manière l'heure de quitter la réserve naturelle. Le voilier s'arrête au large de Saint-Martin et nous replongeons, avec délice, dans cette eau miraculeuse qui ne descend jamais en-dessous des 26°C. On nage quelques secondes vers la longue plage de sable blanc de Grand Case et, tout en se laissant sécher au soleil, les effluves des langoustes grillées des lolos nous titillent les papilles. " Bienvenue à Saint-Martin, capitale gastronomique des Caraïbes !" lit-on entre deux ateliers d'artistes. Pour vérifier, on se promène dans la rue principale du village. Les restaurants gastronomiques, les petites auberges, les lolos populaires et les cafés de bord de mer sont nombreux, et font office d'ambassadeurs caribéens de " l'art de vivre à la française ". Ira-t-on au Pressoir, tenu par un jeune couple de Bretons et régulièrement cité comme étant le meilleur restaurant des Caraïbes ? Au Tastevin - posé au bord de l'eau, qui fusionne cuisine française traditionnelle avec épices et légumes des Antilles ?
On opte pour ce dernier, parce que sa cuisine est à l'image de Saint-Martin : un éloge à la mixité, et aux plaisirs de la vie. Un équilibre harmonieux entre l'hédonisme méditerranéen et l'exubérance festive caribéenne, où le visiteur ne reconnaît plus ni la France, ni les Pays-Bas. Juste une terre oubliée de la métropole qui s'est transformée, au fil des années, en paradis méconnu.