Partager la publication "[Critique] BLADE RUNNER 2049"
Titre original : Blade Runner 2049
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Denis Villeneuve
Distribution : Ryan Gosling, Harrison Ford, Jared Leto, Ana de Armas, Sylvia Hoeks, Robin Wright, Dave Bautista, Mackenzie Davis, Lennie James…
Genre : Science-Fiction/Thriller/Adaptation/Suite
Date de sortie : 4 octobre 2017
Le Pitch :
L’officier K est un blade runner. Sa mission : traquer et mettre hors service les anciens modèles de répliquants qui sont devenus des menaces pour la société. Une société qui doit par ailleurs composer avec une nouvelle génération d’androïdes, beaucoup plus perfectionnés et d’autant plus difficiles à détecter. Et c’est justement alors qu’il se retrouve face à un replicant rebelle, que K tombe sur une série d’indices qui le mènent sur la piste de Rick Deckard, un ancien blade runner retiré du monde depuis plusieurs décennies…
La Critique de Blade Runner 2049 :
Blade Runner, comme Alien (du même Ridley Scott) ou 2001, Odyssée de l’Espace, est ce que l’on appelle un grand classique de la science-fiction. Un film qui non content d’avoir révolutionné le cinéma en son temps, au début des années 80, a aussi imposé de nouveaux standards ainsi qu’un niveau d’excellence que beaucoup se sont depuis efforcés d’égaler, sinon de surpasser, sans jamais totalement y arriver pour les plus méritants. Blade Runner, c’est la base. L’Alpha et l’Oméga de la S.F.. Une pierre angulaire. Ainsi, voir Ridley Scott lui-même lancer une suite, avait de quoi laisser dubitatif. Surtout du côté de ceux qui ont depuis bien longtemps décrété que Scott avait perdu son mojo. Mais Scott n’en a jamais eu rien à faire des critiques et sa démarche faisait après tout plutôt sens. Surtout quand c’est à la porte de Denis Villeneuve qu’il est allé frapper, trop occupé sur les origines de la saga Alien pour se charger de mettre en scène cette séquelle tardive à son classique monumental. Villeneuve dont la côte n’a cessé de monter depuis ses débuts et dont le fabuleux Premier Contact s’est imposé comme l’un des nouveaux standards d’une S.F. qui réfléchit, qui pose les bonnes questions et qui n’a pas peur de tabler sur une véritable émotion sans sacrifier la forme…
Le fait de voir revenir Harrison Ford étant là encore plutôt rassurant, lui qui allait ainsi se retrouver à donner la réplique à Ryan Gosling, mais aussi à Jared Leto et une poignée d’autres acteurs tous très recommandables, de l’impériale Robin Wright à Ana de Armas et Dave Bautista…
Blade Runner 2049 a divisé dès l’annonce de sa mise en chantier. Certains le détestaient déjà avant que la moindre image ne soit tournée et d’autres l’ont adoré tout aussi prématurément. Au final, les critiques se sont emballées, dans un sens comme dans l’autre, et le public s’est à nouveau déchiré. Encore mieux que l’original pour les uns, hyper décevant pour les autres, Blade Runner 2049 a quoi qu’il en soit réussi ce que son modèle avait accompli en son temps : ne laisser personne indifférent. Ce qui n’est pas donné à tout le monde au cinéma en 2017…
Entre passé et futur
Le principal risque pour Denis Villeneuve était de se voir stoppé net dans son formidable élan, après avoir emballé ce qu’il est légitime de considérer comme son œuvre la plus aboutie, en embrassant des codes déjà existants sans parvenir à se les approprier. Après tout, il n’aurait pas été le premier à se brûler les ailes en s’approchant trop près du soleil, incapable de se plier à des standards appréciés par le plus grand nombre et perdant au passage sa personnalité. À l’arrivée, c’est d’ailleurs un petit peu ce qui s’est passé. Non Denis Villeneuve n’a pas été intégralement avalé par la machine Blade Runner, mais non, il n’a pas réussi non plus à s’affranchir totalement d’un univers qui a quelque peu étouffé la puissance évocatrice de sa mise en scène. Bon, cependant, il faut aussi et surtout reconnaître à Villeneuve une virtuosité totale. Si Blade Runner 2049, disons-le tout net, n’est pas le chef-d’œuvre annoncé, visuellement, c’est quand même la grosse baffe qui laisse une marque durable. Pas totalement maître de son film, comme ce fut le cas sur ses projets passés, le réalisateur a au moins réussi à prouver qu’il avait ce qu’il fallait pour donner vie à un univers aussi ambitieux et aussi « énorme » que celui de Blade Runner 2049. Un long-métrage qui regorge de morceaux de bravoure visuels et qui enchaîne des images à la beauté pénétrante. Des évocations porteuses pour certaines d’entre elles d’une poésie vraiment tétanisante, qui en plus de convenir parfaitement au monde imaginé par Philip K. Dick, suffisent amplement à justifier le prix d’un ticket de cinéma. Et quand on connaît le prix d’une place de nos jours, une telle affirmation veut bien dire ce qu’elle veut dire. Blade Runner 2049 est donc sans aucun doute l’un des plus beaux films qu’il nous ait été donné de voir ces dernières années. Sa mise en image ne souffre d’aucun approximation. Villeneuve ayant exploité avec tact et talent une technologie parfaitement calibrée et aboutie, épaulé par Roger Deakins, le chef opérateur de génie dont l’importance dans l’histoire du septième-art n’est définitivement plus à prouver. Dès le début et jusque à la fin, Blade Runner 2049 est un régal pour les yeux. Là est son principal intérêt…
Course de fond
Œuvre absolument sublime, Blade Runner pêche malheureusement du côté de son scénario et échoue globalement à justifier sa mise en chantier, ne parvenant pas à sonner avec la même évidence et la même puissance que le premier volet. C’était prévisible ou pas, c’est à chacun de voir, mais au final, un tel constat s’impose pour la simple et bonne raison que tout compte fait, Blade Runner 2049, surtout si on prend en compte sa durée excessive, raconte beaucoup moins de choses que le film de Scott. Il ne touche pas à la même universalité dans son propos et -c’est d’ailleurs là que le bas blesse tout particulièrement- passe beaucoup de temps à se regarder le nombril en enchaînant les silences censés être lourds de sens et les joutes verbales un peu vaines car trop alambiquées et faussement profondes. L’échange entre Harrisson Ford et Jared Leto en est la preuve flagrante. Leto récitant son laïus un poil incompréhensible, flirtant un peu avec un ridicule gênant, tandis que Ford attend patiemment que ce soit à son tour de parler pour faire avancer l’historie et la mener à son dénouement attendu et redouté. Jared Leto d’ailleurs occupe une place particulièrement ingrate. C’est le méchant, on sait ce qu’il veut faire, mais sa façon d’agir laisse circonspect, comme toutes ses interventions. On le voit assez peu et non, son charisme et son look de Jesus du futur qui aurait décidé de porter le kimono ne suffisent pas à faire peser sur le héros une pression comparable à celle que Rutger Hauer incarnait dans Blade Runner. Par contre, mention à Sylvia Hoeks, qui elle, rattrape le coup avec brio.
Mais au fond, le problème avec Jared Leto est symptomatique de l’embarras que semble éprouver Blade Runner 2049 vis à vis de ses personnages. De ses personnages secondaires en tout cas. Tandis que Ana de Armas parvient à exister (paradoxal quand on connaît la nature de son rôle), Leto pédale dans la choucroute, Dave Bautista ne fait que passer une tête (c’est dommage) et Harrison Ford, pourtant dignement mis en avant sur l’affiche, fait lui aussi office de guest star de luxe. Ford qui est un peu le trait-d’union qui relie 2049 à son prédécesseur et modèle. Ses scènes sont excellentes, lui aussi est excellent mais son personnage perd en puissance et en importance. Le plaisir de retrouver Deckard est là pas de doute mais on ne sait plus si il a vraiment sa place, car curieusement, alors qu’il n’hésite pas à passer un temps fou sur des détails, le scénario brûle les étapes le concernant. Investi, Ford le fut certainement mais ses efforts ne sont pas récompensés.
Et Ryan Gosling ? Et bien il est fidèle à l’image que Drive lui a collée. Souvent passif, un peu absent, il monte dans les tours trop rarement, quand le film s’autorise des accélérations un peu timides mais parfois flamboyantes. Il est charismatique, colle à merveille au rôle mais n’est pas poussé jusque dans ses derniers retranchements. Fantastique directeur d’acteurs, Villeneuve a semble-t-il joué la sécurité concernant sa star. Et si, de temps en temps, les doutes et les questionnements que l’agent K incarne, parviennent à exister, le plus souvent, c’est à l’ennui que le script distille que le personnage de Gosling fait écho, pendant que Hans Zimmer emballe sa machine, donnant du grain à moudre à ses détracteurs et une bonne raison supplémentaire à ses admirateurs de continuer à lui vouer un culte.
En Bref…
Blade Runner 2049 est visuellement sublime mais peine à vraiment à exister face à son illustre modèle. À mi-chemin entre hommage vibrant et tentative d’aller de l’avant, il ne fait pas preuve d’assez de bravoure et d’audace dans son écriture et se perd en conjectures inutiles pour vraiment toucher au vif. Beaucoup plus simpliste qu’il n’a l’air de le penser et donc un poil prétentieux, il reste un superbe tableau de maître -la preuve que Villeneuve est un des meilleurs réalisateurs en activité- mais n’évite pas la plupart des pièges inhérents à l’exercice auquel il se livre et alterne donc entre le majestueux et le profond et le plombant et l’anecdotique. Loin d’être déshonorant donc, mais à ce niveau, on peut quand même parler de petite déception…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Sony Pictures Releasing France