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Eve Abondio : Et je suis restée debout vivante

Par Gangoueus @lareus

Eve Abondio : Et je suis restée debout vivanteJe manque de temps. Sans vouloir faire dans la plainte répétée, j’aime chroniquer les livres avant l’émission Les lectures de Gangoueus. J’ai en  effet terminé la lecture du premier roman d’Eve Abondio pendant mes vacances. Depuis Dakar comme le montre la très belle photo prise aux Amaldies, en bord de mer.
C’est un texte qui mérite le détour pour ce qu’il dit et ce qu’il nous laisse entendre de la vision que possède Eve Abondio sur le monde et les épisodes douloureux qui ont bousculé la Côte d’Ivoire où elle a passé une partie de son enfance. Trois voix portent son roman. Celles de Fatima, d’Emeraude et Flora. Trois voix qui se font le relais d’autres discours au féminin alors qu’un conflit s’abat ou s’est abattu sur Diamondo. Vous aurez compris que les postes d’observation ne sont pas les mêmes à l’échelle du temps.
Fatima conte une situation présente par laquelle elle vient à la rencontre de femmes qui ont chacune surmontée l’horreur d’un conflit désastreux et organise la société civile de Diamondo autour de projets autour de la paix dans ce pays. Fatima cherche à trouver une porte d’entrée dans le monde professionnel alors qu’elle a peu de soutien. Sa connexion avec une avocate va faire évoluer sa situation. Cette avocat qui l’aide à faire face à l’arbitraire qui frappe sa famille adoptive, en particulier cet oncle l’a reçue quand elle a tout perdu pendant la guerre civile.
Emeraude s’est encastrée dans un mariage de convenance. Artiste, poussée, encouragée par une famille aimante vers cette passion, elle a délaissé toutes les possibilités que la vie lui offrait en raison d’un événement extrêmement douloureux sur sa trajectoire de vie. La rencontre avec un militaire loyaliste, alors qu’un assassinat politique fait sombrer le pays dans la terreur, va tout faire basculer à son niveau personnel. De manière assez étrange alors que le chaos absorbe le pays, ces femmes trouvent là un lieu, une période pour entreprendre une construction.
Flora incarne cette démarche. Femme adolescente, repliée sur elle-même, elle est abandonnée par ses proches dans une ville cœur de Diamondo, Savaneville. Comment rejoindre ses parents ? Comment faire face ?L’instinct de survie de cette dernière va l’amener affronter des circonstances exceptionnelles et cesser tout mécanisme de fuite en avant. 
Eve Abondio : Et je suis restée debout vivanteCes trois destinées peuvent être perçues comme la métaphore d’une population soumise aux aléas de puissants assoiffés de pouvoir, prêts à tout pour assouvir leurs pulsions de domination. La femme est vertueuse et elle est la victime expiatoire de l’irresponsabilité des hommes, leur incapacité à communiquer ou pire leur bestialité s’exprimant dans le viol, la possession par la force de ce qui appartient à autrui. Le monde d’Eve Abondio est radicalement féminin. Aucune figure masculine ne peut en rattraper une autre et c’est de ce point de vue que la prise de parole de cette romancière me parait intéressante. On lit ce texte en pensant à l’est de la RDC où les pillards s’acharnent sur les femmes dans un projet de destruction d’une communauté installée.
On pourra regretter toutefois un manque de profondeur dans le traitement de certains thèmes ou dans le travail portant sur la psychologie des personnages. Ce roman se lit bien malgré cette dernière remarque.

Extrait (Il / Mariage) :

En réalité, bien souvent, il nous alourdit, nous les femmes, car, par sensibilité, culpabilité, ou manque d'imagination, nous passons beaucoup de temps à le rafistoler, encore et encore, au fil des accidents de parcours, avec du ruban adhésif ou du sparadrap, tout dépend du degré d'importance des accidents. En tout cas, au début, la femme est toujours volontaire pour que ça marche. Elle a tellement envie de vivre son rêve qu'elle porte le poids de la chimère sur ses épaules, y compris son homme, qui la guide pour avancer en lui donnant des coups de pieds nerveux, tel un cavalier sur sa monture. C'est assez impressionnant de voir à quel point une femme peut courir vite et loin  avec cette étrange charge, malgré son attirail de séduction, talons hauts périlleux, boubous, chatoyants ou robes moulantes, maquillage dernier cri, coiffure internationale de haute technologie  ! [...] Je ne juge pas mes soeurs, soyons clairs. Un jour, peut-être qu'un homme m'attirera moi aussi et que je me mettrai en position sur les starting-blocks pour une course à talons à aiguilles à la chasse de l'homme trophée !
p. 60. Editions Zinedi
Evelyne Abondio, Et je suis restée debout, vivante
Editions Zinedi, première parution en 2017

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