Ci-dessous et en complément de la 4ème de couverture de "Si Montluçon nous était conté", un recueil de récits, contes et chroniques de la vie de province dans les années cinquante et soixante, un extrait de l'avant propos de cet ouvrage, qui précise les choix narratifs : utilisation de la langue parlée localement, qui est du français populaire, argotique, saupoudré d'expressions patoisantes apportées par les populations paysannes du bourbonnais et des départements limitrophes venues trouver du travail dans le bassin industriel par vagues successives depuis le milieu du 19ème siècle :
C'est cette gouaille montluçonnaise particulière, tout à la fois pittoresque et poétique (à sa manière parfois rugueuse il est vrai), que j'ai voulu capter ̶ et contribuer à préserver peut-être ̶ , en choisissant de faire parler mon narrateur et les quelques personnages qui interviennent au cours de passages dialogués, dans une langue peu académique.
C'est du français, n'en déplaise aux ayatollahs de la syntaxe, qui peut être plus précis, parfois, que le français " standard ", une façon de parler qui fut enrichie au cours des siècles par les différents apports , patoisants ou non, de toutes les populations es dans notre bassin industriel pour y trouver du travail.
Je me suis efforcé, au contraire ̶ fait dans les trois romans de ma trilogie montluçonnaise ̶ rer ces expressions dans une trame narrative continue. Mais cette fois-ci, le " mollussonnais " dans le texte est employé de manière plus systématique encore, ceci afin de voir comment cette " langue " particulière, pouvait apporter un " supplément d'âme " à la façon dont nos concitoyens tentent de dire le monde, d'exprimer leur tristesse, leur " vezon " ou leur " via " par exemple, qui sont autre chose que le blues des noirs américains, que le spleen Baudelairien ou que le " mal du siècle " des romantiques après Châteaubriand.
Et puis, plus proche de nous et de ma manière de procéder, il y a Emile Guillaumin, l'écrivain paysan d'Ygrande, qui a " commis " un savoureux recueil de saynètes en langue locale, intitulé Au pays des ch'tits gars.
- dans la façon de faire redoubler le nom sujet par un pronom personnel, comme le font d'ailleurs les gens les plus cultivés eux-mêmes, lorsqu'ils parlent à un ami et souhaitent créer plus de complicité entre eux : " La vieille, j'la r'garde pas... "
- dans les entorses grammaticales qu'il se permet, en omettant systématiquement, par exemple, le " ne " ou le " n' " apostrophe de la forme négative : " j'veux pas m'lever d'aujourd'hui. ", " t'as pas encore été assez malade ", " j'ai rien boulotté d'puis c'matin ... " ;
- dans la manière dont il " aggrave son cas " envers les " fâcheux ", pour ainsi dire, en allant (quelle hérésie penseront certains !) jusqu'à modifier l'orthographe pour rendre la prononciation locale : "nous aut' aussi ", " Faut ben quèques p'tits moments de plaisir ! ", " t'as pas pus d'tête qu'un gamin d'cinq ans ", " C'est qu'jai l'vent' creux, moi ", " C'est pas c'qu'y m'f'ra prend' la besace pus vite... " ;
- et enfin, noblesse oblige, pour nous " mollussonnais(es) " ou " ch'tits gars/ch'tites gattes " de Montlu ", dans la manière dont il se rend " coupable ", d'abuser du " y " (ou du " i ") au lieu du pronom personnel adéquat : " i m'ont foutu deux sacs de froment su' les reins ", " pas un aut' gargan a voulu seul'ment y essayer... ", " si j't'y contais tout c'que j'ai fait à la chasse ", " C'est-i' compris ? ".
Plus près de nous, l'écrivaine auvergnate Marie Hélène Lafon ne revendiquait-elle pas, lors de l'émission La grande librairie, le droit (et la nécessité) de commettre quelques " attentats contre la langue " pour faire parler le personnage de son roman éponyme, Joseph ?