Ecrit et interprété par Patrick de ValetteMis en scène par Isabelle Nanty
Présentation : Dans un spectacle loufoque à l’humour décalé et ravageur, Hubert O’ Taquet, professeur dans un CHU mais pas sûr, se pose avec vous ses questions sur notre existence, et bien d’autres encore…
Mon avis : Oh bobo ! Bobo au ventre ! Bobo au ventre de rire… La première moitié du spectacle de Patrick de Valette est carrément désopilante. Son arrivée sur scène depuis le fond de la salle est un moment d’anthologie. Accoutrement insolite, l’air emprunté, sourire niais de ravi de la crèche, regards furtifs et évaporés, rasant le mur il progresse au ralenti. Toujours sans prononcer un seul mot, il arrive sur la scène et regarde le public en se livrant à une kyrielle de mimiques et grimaces toutes plus saugrenues les unes que les autres. Dans la salle, ça pouffe, ça glousse, ça éructe… On ne sait trop quelle attitude adopter face à cet énergumène bizarre et mutique. Enfin, après nous avoir laisser mariner un bon moment, il se décide à parler : « La vie, c’est quoi la vie ? ». Et enchaîne avec la fameuse interrogation rendue célèbre par Pierre Dac : « Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? »…
Dès lors, devant nos yeux effarés et nos esprits déboussolés, le professeur O’ Taquet va nous donner une sorte de conférence animée et imagée sur l’évolution de l’humanité. Partant des tout débuts de la vie sur terre, il se met à mimer avec autant de talent aussi bien les animaux que les végétaux avant d’en venir à l’homme. Mais, nonobstant son accent chantant et sa gestuelle grotesque et farfelue, on s’aperçoit bientôt qu’il est bien loin de raconter des bêtises. Son discours, très étayé, est celui d’un érudit remarquablement documenté. Si la forme est délirante, le fond est sérieux, solide. Ce qui rend le contraste d’autant plus saisissant et la portée réellement efficace.
Patrick de Valette est-il un fou ? A moins qu’il ne soit un sage… C’est bien connu, les extrêmes finissent par se rejoindre. Disons donc qu’il nous livre un message empreint de vérité(s) par le truchement d’une folie douce. Double effet « Kiss Cool » garanti. Il utilise sa science aiguë du mime, du burlesque et son très large éventail de jeu pour parler darwinisme, philosophie existentielle, métaphysique, psychanalyse même (avec Freud). Il va jusqu’à inventer un langage fait de borborygmes et d’onomatopées et, surtout, il se livre à une débauche physique insensée. C’est un véritable athlète. Pas une once de graisse (j’ai rarement vu des jambes aussi musclées), il s’en donne à corps joie. Il saute, il court, il danse (avec un côté Nijinski atteint du syndrome de la vache folle), il rampe, fait le poirier. Il est complètement déjanté… Et puis, soudain, sans qu’on n’y soit préparé, il pique une crise. Il hurle, invective, investit la salle, atteint un pic d’exaspération… et se calme aussi soudainement qu’il s’est énervé. Tout penaud, il s’excuse, conscient d’avoir « dérapé ».
Et là, les lumières se font psychédéliques, il se dépouille au propre comme au figuré, et se fait l’apôtre du Peace and Love et du Hare Krishna avec travail sur les chakras. C’est là que j’ai un peu décroché. La chute de rythme et de tension a provoqué chez moi une chute d’attention. C’est dommage car jusqu’à cette séquence, je n’ai cessé d’être ébahi par les trouvailles extravagantes qu’il va puiser dans son esprit labyrinthique et par sa gestuelle insensée.Reste que Hoboboest un spectacle inénarrable et atypique, interprété par un hurluberlu hyperdoué. Il est évidemment très visuel, mais il sait aussi être didactique sans en avoir l’ère. Patrick de Valette mérite amplement son titre de « Maître du gag et de l’absurde ».Gilbert « Critikator » Jouin